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Burkina Faso

Trafic d'enfants : entre urgence et risques de confusion

Le Burkina est considéré comme l'un des principaux pays pourvoyeurs d'enfants victimes de trafic en Afrique de l'ouest et principalement vers les plantations ivoiriennes. Très engagé dans la lutte contre ce phénomène, le pays se sent de plus en plus coincé entre la nécessité de combattre un fléau qui prend de l'ampleur et les craintes de voir refouler au pays les enfants des millions de Burkinabès régulièrement installés en Côte d'ivoire.
De notre correspondant au Burkina Faso

Le gouvernement Burkinabè a multiplié ces derniers temps les initiatives pour lutter «plus efficacement» contre le trafic d'enfants. D'abord, une caravane de presse organisée du 18 au 22 juin 2001 en collaboration avec l'Unicef a sillonné quatre provinces parmi les principales pourvoyeuses d'enfants victimes de trafic. A travers des projections de films et des échanges avec les groupes-cibles, cette manifestation visait à sensibiliser les populations à la fois contre le trafic, le travail et l'exploitation sexuelle des enfants.

Ensuite, début juillet, le gouvernement mettait en place des «comités de surveillance et de vigilance» dans les principales villes de transit des enfants : Ouagadougou, Bobo-Dioulasso, Ouahigouya, Koudougou, Dori. Pilotés par le ministère de l'action sociale, ces comités sont composé de gendarmes, de policiers et de leaders religieux et coutumiers ainsi que de responsables syndicaux de transporteurs et de chauffeurs routiers. Chaque comité est chargé dans chacune des région qui le concerne de sensibiliser les parents à établir tous les documents administratifs nécessaires pour faire voyager leurs enfants, d'intercepter les enfants victimes de trafic et de les ramener dans leurs familles d'origine. Mais la sensibilisation ne suffit pas à faire face à ce fléau alimenté par la pauvreté du pays. C'est pourquoi, les comités auront aussi pour tâche d'élaborer des micro-projets rémunérateurs soit directement au profit des enfants interceptés ou refoulés soit au profit de leur parents.

Tous les enfants burkinabès ne sont pas victimes du trafic

De son côté, l'Unicef qui appuie le Burkina dans la lutte contre le trafic, le travail et l'exploitation sexuelle des enfants insiste sur la nécessité d'augmenter le taux de scolarisation dans ce pays où ils sont à peine 40%, les enfants qui ont la chance d'aller à l'école. «L'Unicef se bat pour que soit renforcé l'offre d'éducation pour permettre à la majorité des enfants du pays d'être à l'école au lieu d'être dans des conditions précaires de travail», explique Foday Conté, expert au bureau de cette organisation à Ouagadougou.

Le bémol à cet engagement du Burkina reste sans doute le retour d'enfants Burkinabès refoulés de Côte d'Ivoire parce que victimes présumées de trafic. Les rapatriements ont commencé en janvier 2001 lorsque la Côte d'Ivoire, pointée du doigt par la presse anglaise et accusée d'employer des mineurs dans ses plantations de café et de cacao, s'est engagée à son tour à combattre le trafic d'enfants. Cela s'est traduit par une vague d'interpellations «systématiques» d'enfants Burkinabès remis aux autorités de l'ambassade du Burkina.

Jusqu'en début juin, au moins 382 enfants Burkinabès interceptés par les autorités ivoiriennes à bord de véhicules de transport en commun ont été refoulés vers leur pays. Pour le Burkina, tous ces enfants ne sont pas victimes de trafic, mais plutôt des élèves se rendant en Côte d'Ivoire pour retrouver leurs parents immigrés. «Sur les 104 enfants rapatriés[le 4 juin], seulement 24 étaient des mineurs et d'autres avaient même la nationalité ivoirienne», expliquait le ministre burkinabè de l'action sociale Gilbert Ouédraogo avait alors demander aux autorités ivoiriennes «de pas faire de confusion». Et c'est pour minimiser ce risque de confusion que le gouvernement burkinabè décidait le 20 juin en conseil des ministres d'instituer un laisser-passez pour les élèves voyageant en direction de la Côte d'Ivoire et de suspendre à titre provisoire les colonies de vacances et autres excursions vers ce même pays. «Etant donné que le laisser-passez est délivré par la police, ces mesures qui vont permettre de couper l'herbe sous les pied des trafiquants d'enfants», soutient un responsable du ministère de l'action sociale.



par Alpha  Barry

Article publié le 23/07/2001