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Union africaine

L'Union africaine est-elle viable ?

L'Afrique, réunie au sommet à Lusaka, célèbre en grande pompe la naissance de l'Union africaine. Calquée sur l'Union européenne (UE), le nouveau-né africain représente l'apogée des rêves de grandeur du dirigeant libyen Mouammar Kadhafi qui n'a pas hésité à payer de sa personne et de ses pétro-dollars pour la réussite de ce projet, malgré les réticences ou le scepticisme de plusieurs pays africains. Faute de panarabisme, il a réussi à se poser en champion du panafricanisme. Mais de nombreux observateurs africains et étrangers se demandent déjà si cette Union africaine (UA) sera viable et si elle réussira enfin à accrocher l'Afrique au train de la mondialisation.
Correspondance particulière à Lusaka

"L'OUA essaie depuis le sommet d'Abuja en 1991 de créer la Communauté économique africaine après s'être battue pour la libération de l'ensemble des pays africains. Pourquoi donc remplacer l'Organisation de l'unité africaine par une nouvelle institution?" s'est demandé un responsable africain qui suit depuis longtemps les efforts d'intégration régionale des différentes parties du continent. Pour lui, malgré ses faiblesses, l'OUA a acquis une respectabilité au sein de la communauté internationale et il aurait fallu lui permettre de poursuivre son £uvre. Il cite à ce propos, la forte présence en tant qu'observateurs de nombreux diplomates étrangers, venus des quatre coins de l'univers : non seulement les traditionnels français, britanniques, américains, russes, italiens, espagnols ou portugais mais aussi japonais, mexicains, argentins, iraniens, bulgares ou biélorusses.

Des pays comme l'Afrique du Sud ou l'Angola n'avaient pas caché leurs réserves au moment de la proclamation de l'Union africaine même si le président sud-africain Thabo Mbeki û qui se veut le porte-parole de l'Afrique auprès des pays du G7 û s'y est vite rallié. "D'autant plus qu'il co-présente à Lusaka avec son homologue sénégalais, Abdoulaye Wade, une initiative pour le développement de l'Afrique, résultat de la fusion entre son propre plan pour le nouveau millénaire et le plan Oméga du président du Sénégal", souligne avec ironie un ministre francophone qui partage l'agacement de plusieurs africains face aux "ambitions sud-africaines" de régenter le continent.
"L'Europe de l'UE s'est faite à partir d'un groupe de six pays qui avaient une forte motivation politique et par paliers progressifs dµintégration et d'élargissement ainsi qu'une mobilisation des dirigeants et des opinions publiques qui ont fini par faire des concessions sur le plan de la souveraineté nationale afin d'aboutir", souligne de son côté un observateur de l'UE présent à Lusaka.
L'Afrique, elle, représente un bloc de 53 pays - sans compter le Maroc qui a quitté l'OUA au moment de l'admission de la RASD (République arabe sahraouie démocratique) - tous sourcilleux de leur souveraineté. Ils ont des niveaux de développement différents, et des divergences politiques qui ont parfois dégénéré en conflits, comme en Afrique de l'ouest ou en Afrique centrale. Et leurs opinions publiques sont plus préoccupées par la survie quotidienne que par la nouvelle Union.

«Une bonne idée pour favoriser la paix»

Par ailleurs les dirigeants africains doivent encore se mettre d'accord sur la personne qui assurera la période de transition au secrétariat général de l'OUA. Deux francophones, le Guinéen Lansana Kouyaté, secrétaire général de la CEDEAO et l'ex-ministre ivoirien des Affaires étrangères Amara Essy ainsi que le ministre namibien des Affaires étrangères Ben Gurirab sont candidats. Mais la Libye ne cache pas qu'elle préférerait voir l'extension du mandat de l'actuel secrétaire général, le tanzanien Salim Ahmed Salim.
"Nous espérons que les dirigeants africains ne voudront pas aller trop vite pendant la période de transition, car si l'Union africaine reste formelle et aboutit à un échec, il y aura dix ou vingt ans de perdus", souligne un observateur européen qui reconnaît toutefois qu'il s'agit d'une "bonne idée pour favoriser la pacification, le maintien de l'ordre public et le rétablissement de la paix à travers le continent." "L'intégration économique souhaitée depuis longtemps par les Africains, encouragée par la nouvelle organisation, permettra peut-être de préparer l'Afrique à la mondialisation. Nous aimerions bien les encourager et les assister ", ajoute-t-il, rappelant que le regroupement des ensembles régionaux est à lµordre du jour partout sur la planète.
En fait, une mission du secrétariat de l'OUA s'est déjà rendue à Bruxelles pour étudier de près les différentes institutions européennes et les Africains s'attendent à une aide de l'UE qui reste leur principal bailleur de fonds.




par Marie  Joannidis

Article publié le 09/07/2001