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Union africaine

Essy Amara, cap sur l'Union africaine

Essy Amara, ancien ministre ivoirien des affaires étrangères, est un homme heureux. Au terme d'une longue carrière diplomatique, il est depuis la nuit de lundi à mardi le nouveau secrétaire général de l'OUA pour une période de transition de un a deux ans, jusqu'a la mise en place effective de la nouvelle Union africaine.


Correspondance particulière à Lusaka

Cet homme de 57 ans, mince, élégant, au sourire timide, mais qui sait être exigeant, voire même parfois cassant, a ainsi une grande expérience de la scène africaine mais aussi internationale, puisqu'il a travaille souvent avec ou à l'ONU. Il a ainsi présidé en 1994 l'Assemblée Générale des Nations Unies, avant de servir comme envoyé spécial du secrétaire général Kofi Annan au Congo Brazzaville et en République centrafricaine en 2000.
Donné comme favori par rapport aux autres candidats à ce poste, le guinéen Lansana Kouyate et le namibien Theo Ben Gurirab, il devait aussi faire face au souhait de la Libye, le parrain de la nouvelle Union africaine, de prolonger tout simplement d'un an le mandat du secrétaire général sortant de l'OUA, le tanzanien Salim Ahmed Salim.
ôL'attente est longue et tout reste incertain jusqu'au dernier momentö, nous a-t-il confié pendant les cinq heures qui ont précédé son élection. Elu au huitième tour, avec 42 voix, après le désistement du guinéen puis du namibien,. Amara Essy avait en effet besoin de 32 voix, soit les deux tiers des 48 votants ûpuisque cinq pays sur les 53 membres de l'OUA etaient privés de vote faute d'avoir versé leurs contributions à l'OUA.
Entouré de l'ancien secrétaire général de l'OUA Ide Oumarou du Niger et de l'ancien chef de la diplomatie ivoirienne Simeon Ake du temps de l'ancien président Felix Houphouet Boigny, qui a été son mentor, Amara Essy n'arrivait pas à cacher son émotion, devant le huis clos des chefs d'Etat et de gouvernement.
«A sept ans, je vendais le pain de ma maman. Puis j'ai été jusqu'au certificat d'études. Mon instituteur m'a empêché d'arrêter là pour aller travailler comme je le voulais à» Puis il y a eu les études, le voyage comme mousse à bord d'un bateau nommé Andréa jusqu'à Vientiane au Laos, le passage par la Terre du feu, puis d'autres études supérieures, avant une carrière diplomatique commencée au Brésil ou il a appris à aimer la musique. Il adore la salsa.

La colère du président Bongo

Au fur et à mesure des tours de vote, des émissaires viennent nous susurrer les résultats: blocage à partir du quatrième tour après le désistement du candidat guinéen, avec 30 voix pour Amara Essy et 18 pour Ben Gurirab û qui nous a confié que la différence était trop grande et que «Sam» (Nujoma) son président devrait faire «un geste».
D'autres échos filtrent aussi à partir de la salle. La Libye avait d'emblée proposé qu'on prolonge purement et simplement le mandat de Salim Ahmed Salim, proposition reprise par le Nigeria au moment du blocage, mais qui n'a pas été retenue. Conciliabules du leader libyen Mouammar Kadhafi avec certains chefs d'Etat, et puis la colère du président gabonais Omar Bongo qui n'a pas hésité à parler de «magouilles», voire même de «complot».
D'autres délégués chuchotent que les pétro-dollars de la Libye ne suffisaient pas pour faire basculer les choses, d'autant plus que les douze voix qu'avait obtenu au premier tour le candidat guinéen semblaient s'être toutes reportées sur Amara Essy.
«Le bloc francophone a été cette fois solidaire mais la Côte d'Ivoire a eu aussi d'autres partisans», soulignait un délégué qui attendait aussi le résultat.
Puis c'est la suspension de séance «pour consultations», après le septième tour, suivie de l'annonce par le président Nujoma du désistement de son poulain et l'appel du chef d'état algérien Abdelaziz Bouteflika pour le report des voix sur celui qui restait encore en lice.
«Je ne souhaitais pas que l'Union africaine débute sur un affrontement et un blocage car la tâche qui nous attend est vaste et difficile», nous a encore dit Amara Essy, alors que journalistes et délegués commencent à s'agglutiner autour de lui, jusqu'à la bousculade qui a suivi l'annonce officielle de son élection et l'invitation à entrer enfin dans la salle sous les applaudissements. A la sortie, le ministre libyen Ali Triki, le Monsieur Afrique de Khadafi, a d'ailleurs fait bonne figure, en embrassant chaleureusement celui qui n'était pas son favori.



par Marie  Joannidis

Article publié le 10/07/2001