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Mexique

Zapatistes: la lutte inachevée

Près de quatre mois après avoir pris la parole devant le Congrès, les Zapatistes ont regagné l'Etat du Chiapas, mais la cause des Indiens qu'ils entendaient défendre n'a guère progressé.
De notre correspondant au Mexique

Lors de sa prise de fonctions, le 2 juillet 2000, le président Vicente Fox avait affirmé qu'un Mexique démocratique passait obligatoirement par un règlement pacifique du conflit du Chiapas et qu'il en faisait sa priorité. Aujourd'hui, le gouvernement de Vicente Fox s'estime satisfait. Il n'a rien réglé mais il a montré au monde entier qu'il avait tenté de renouer le dialogue et que la faute incombe à tout autre que lui. Il considère que le dialogue est en marche: la plupart des prisonniers politiques zapatistes ont été libérés, l'armée s'est retirée de la zone où se trouve le quartier général du sous-commandant Marcos, un projet de loi indigène a été discuté et voté par le Congrès. Et si la nouvelle loi ne satisfait pas les Zapatistes... ce n'est pas son problème fait-il savoir en mettant en avant l'indépendance de l'exécutif sur le législatif.

Vicente Fox estime que la marche des Zapatistes a été une démonstration de vitalité de la nouvelle démocratie mexicaine, soulignant que sous l'ancien régime, il n'était pas pensable qu'un groupe rebelle puisse faire du prosélytisme, parcourir les campagnes, tenir meeting sur les places publiques et exprimer son point de vue depuis la plus haute tribune du Congrès comme ont pu le faire les zapatistes.

Le risque d'une radicalisation indigène

Une centaine de jours après le retour des Zapatistes du sous-commandant Marcos dans les profondeurs du Chiapas, rien n'est pourtant résolu. Les communautés indiennes sont déçues et ont choisi de se taire. Il y a beaucoup d'amertume au sein des bases zapatistes qui fondaient leurs espoirs sur le changement de régime et une reconnaissance de leurs droits. Les Zapatistes estiment que Vicente Fox les a mené en bateau pour mieux les couler. Le sentiment de méfiance des indigènes à l'égard du pouvoir a donc augmenté et il sera très difficile de renouer un dialogue. Les négociations rompues, le Mexique risque, à court terme, d'assister à une radicalisation indigène avec une augmentation des conflits inter-ethniques et peut-être même assister à un renouveau des guérillas plus radicales comme l'ERPI, l'EPR, les FART, qui estiment que la voie pacifique suivie par le sous-commandant Marcos et l'EZLN n'était pas la bonne.

Une réunion des communautés indiennes du Mexique devrait se tenir au mois de juillet pour affiner les stratégies au regard du résultat du vote de la loi sur les droits et culture indigène envoyée, pour approbation, dans les différents Etats du Mexique. Pour l'heure, 16 Etats l'ont acceptée, 7 sont dans l'expectative et les 9 Etats où la population indienne est la plus importante l'ont refusée, estimant que cette loi ne permettaient pas une reconnaissance réelle des droits ethniques.

Le président Fox semble avoir tiré le rideau sur le problème du Chiapas. Il considère que les Zapatistes ne sont pas représentatifs de tous les Indiens du Mexique et il attache beaucoup plus d'importance à son plan Puebla-Panama de lutte contre la pauvreté qui, selon lui devrait permettre un développement des zones les plus marginales et par là même une amélioration des indices de pauvreté.

Cette tentative infructueuse de règlement du conflit du Chiapas a néanmoins permis de poser de manière moderne le problème des Indiens. Il s'est publié en un an, plus d'ouvrages, d'articles de presse sur le thème indigène qu'en 50 ans. Le sous-commandant Marcos est passé aux heures de pointe sur toutes les télévisions. Les Indiens ont eu de multiples occasions pour expliquer leur lutte pour la justice et la dignité. Des espaces qui ont permis de renforcer l'orgueil indigène: premier pas pour récupérer leur mémoire historique, leurs droits civils, économiques et humains sans lesquels il ne peut y avoir une véritable incorporation à la société. Mais l'absence de soutien populaire, l'indifférence d'une grande partie de l'opinion publique vis à vis du sort des 10 millions d'Indiens que compte le pays, démontrent aussi que le Mexique est encore très conservateur et raciste et que la transition démocratique sera sans doute très lente à s'imposer.



Article publié le 16/07/2001