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Balkans

Macédoine: l'impossible dialogue

Les discussions en vue d'une évolution des institutions macédoniennes se sont engagées sous la houlette des médiateurs internationaux mais pour le moment chacun campe sur ses positions.
De notre correspondant dans les Balkans

Un difficile dialogue politique a repris en Macédoine. Lundi matin, les chefs des quatre partis représentés au gouvernement, deux formations macédoniennes et deux albanaises, se sont retrouvés autour du Président de la République, Boris Trajkovski, et des émissaires internationaux, François Léotard et James Pardew. Les discussions doivent porter sur le plan de règlement proposé par les deux hommes, qui se sont félicités de la reprise des discussions.

Toutefois, les représentants albanais n'ont pas fait mystère de leurs critiques envers un texte qu'ils jugent très insuffisant. Ainsi, l'usage de la langue albanaise serait prévu dans les administrations locales et même au sein des institutions centrales de la République, sans que l'albanais n'obtienne pour autant le statut de langue officielle, au même titre que le macédonien. De même, si le document proposé prévoit une forte décentralisation de l'Etat et le renforcement des autonomies locales, il exclut toute perspective de fédéralisation de la République, une revendication parfois avancée par la guérilla albanaise. Autre point litigieux majeur, les partis politiques albanais avancent désormais la revendication d'une démocratie «consensuelle» et réclament un droit de veto pour leurs représentants au sein du Parlement et des administrations locales.

Les Albanais réclament un Etat binational

En fait, malgré les possibilités d'ouverture sur un certain nombre de points concrets, comme l'enseignement, l'usage de la langue albanaise ou encore les quotas réservés aux membres des minorités dans les administration, la différence des points de vue n'a peut-être jamais été aussi grande. Encouragés par les réflexions formulées la semaine dernière par Robert Badinter, le gouvernement macédonien propose la constitution d'un Etat "citoyen", alors que les partis albanais réclament la transformation de la Macédoine en un Etat binational, en ayant recours à des modèles fédéraux comme ceux en vigueur en Suisse ou en Belgique, où les différentes communautés nationales ou linguistiques disposent d'une stricte parité institutionnelle et d'un pouvoir de blocage dans toutes les institutions. La question est donc de savoir si les émissaires internationaux parviendront à débloquer ce dialogue de sourds, et si les acteurs locaux préféreront l'option d'un mauvais compromis à celle d'une guerre généralisée.

Sur le terrain, la situation reste très tendue, notamment dans la région de Tetovo, malgré le cessez-le-feu théoriquement entré en vigueur dans la nuit de jeudi à vendredi dernier. Depuis dimanche 8 juillet, l'UCK a établi des points de contrôle aux portes mêmes de la ville, la principale agglomération albanaise de Macédoine. Selon des sources macédoniennes, plusieurs personnes auraient été enlevés dans la région de Tetovo ces derniers jours. Il s'agit sûrement pour la guérilla de maintenir la pression, malgré la fragile reprise de pourparlers dont elle est toujours officiellement exclue. La perspective du déploiement de soldats de l'OTAN, qui serait chargés de désarmer l'UCK, semble cependant toujours bien éloignée. Leur arrivée reste en effet conditionnée à la conclusion d'un accord politique. Les jeux dangereux auxquels se livrent à la fois le gouvernement macédonien et les partis albanais risquent seulement de laisser pourrir davantage encore la situation.



par Jean-Arnault  Dérens

Article publié le 10/07/2001