Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Balkans

Macédoine : la mort du processus politique

Le regain de violences et la fin du dialogue politique risquent de précipiter la Macédoine dans une guerre civile ouverte.
De notre correspondant dans les Balkans

En moins de vingt-quatre heures, les espoirs de parvenir à un règlement négocié du conflit en Macédoine ont volé en éclats. Mercredi soir, les dirigeants macédoniens rejetaient le plan proposé par les émissaires internationaux François Léotard et James Pardew. Le même soir, trois civils macédoniens étaient enlevés dans un village des alentours de Tetovo, rappelant la menace que fait toujours peser la guérilla albanaise sur la deuxième ville du pays. C'était ensuite au tour de Skopje de connaître trois attentats, les premiers actes terroristes encore jamais commis dans la capitale.

Une femme a été grièvement blessée dans l'un de ces attentats, qui n'ont pas été revendiqué, alors que l'un et l'autre camp pourrait trouver intérêt à jouer la carte de la provocation. Différents groupes «patriotiques» macédoniens semi-clandestins ont ainsi multiplié les menaces au cours des dernières semaines, sans encore passer ouvertement aux actes. C'est en tout cas l'opinion slavo-macédonienne qui est aujourd'hui la plus critique face aux efforts internationaux.

Le Premier ministre Ljubco Georgievski a eu les mots les plus durs pour dénoncer le plan occidental comme «un scénario pour fracturer la Macédoine». Les négociations en cours depuis près de deux semaines portaient sur une décentralisation du pays et la place de la communauté albanaise. Les discussions avaient essentiellement achoppé sur le statut de la langue albanaise. Les Albanais voulaient en faire la seconde langue officielle du pays, à parité avec le macédonien. Autre point litigieux, les partis albanais réclamaient la création d'une police locale, qui n'aurait pas été placée sous le contrôle du ministère de l'Intérieur. Pour les Slaves macédoniens, ces revendications revenaient à transformer le pays en un Etat bi-national, une fédération qui n'aurait pas porté ce nom, et qui aurait été rapidement vouée à l'éclatement.

Les autorités prennent le risque d'une rupture avec les Occidentaux

Ljubco Georgievski a violemment dénoncé les pressions occidentales, estimant que les médiateurs se seraient même éloigné du texte-cadre sur lequel les parties en conflit avaient accepté de discuter. «Il s'agit d'une sérieuse ingérence dans les affaires internes de la Macédoine. Nous sommes sérieusement inquiétés et par le style et par la méthode qu'utilisent les prétendues démocraties occidentales», a déclaré le Premier ministre, ajoutant : «nous avons suffisamment accepté. Les masques sont tombés, et il est évident que les organisations terroristes albanaises bénéficient d'un soutien logistique des pays occidentaux».
Les autorités macédoniennes ont consciemment pris le risque de rompre avec les Occidentaux, qui les assuraient jusqu'alors de leur soutien, afin de rassurer une opinion slavo-macédonienne de plus en plus rétive aux indispensables compromis. Il y a quelques jours, plusieurs centaines de personnes avaient violemment manifesté dans les rues de Skopje contre les négociations en cours. Les dirigeants slaves du pays, violemment opposés entre eux malgré l'illusion du gouvernement d'union nationale constitué en mai dernier, ont certainement pesé le risque d'être désavoué par leur communauté et de voir apparaître au grand jour des milices incontrôlables. Pour leur part, les partis politiques albanais ont annoncé jeudi après-midi qu'ils quittaient la table des négociations. Le processus politique est donc bien mort.

Sur le terrain, les escarmouches se multiplient, malgré le cessez-le-feu théoriquement en vigueur depuis le 5 juillet, et chacune des deux parties a profité de la trêve pour renforcer ses positions. La guérilla albanaise a ainsi accentué sa pression sur Tetovo, tandis que le gouvernement procédait à des achats massifs d'armement. La reprise et la généralisation des combats semblent désormais presque inéluctables.



par Jean-Arnault  Dérens

Article publié le 20/07/2001