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Balkans

Scènes de guerre en Macédoine

De violents combats ont éclaté à Tetovo dans l'ouest de la Macédoine. Les affrontements à l'arme lourde ont opposé les rebelles albanais de l'UCK qui tiennent une partie de la ville aux forces macédoniennes.
De notre correspondant dans les Balkans

"Ca tire dans tous les sens", confiait, paniqué, le propriétaire d'un petit café albanais. Les habitants de Tetovo ont assisté, terrés dans leurs maisons, à une nuit d'intenses combats entre l'UCK et les forces macédoniennes. Les affrontements ont commencé mardi soir peu avant 19 heures. La guérilla a lancé l'attaque depuis les villages de Poroj et de Drenovec, devenus ses bastions, dans les collines qui surplombent Tetovo. Des combats acharnés ont également eu lieu aux abords du commissariat de la ville. Les combats ne se sont calmés qu'après deux heures du matin. En fait, l'UCK avait réussi à prendre position à l'intérieur même de la ville, à la faveur des nouveaux affrontements qui avaient éclaté depuis le week-end dernier.

Lundi, la guérilla s'installait dans le quartier de Cetinska, près du stade de la ville. Dans cette partie de la ville, l'UCK et les forces macédoniennes ont établi des barrages, dessinant les contours d'un redoutable scénario de guerre urbaine. Mardi soir, les forces macédoniennes pilonnaient les collines mais aussi le centre-ville, où il semble que des détachements de l'UCK essayaient de les prendre à revers. La guérilla albanaise semble décidée à jouer son va-tout et contrôle déjà entre le quart et le tiers de la ville, mais les armes lourdes dont disposent la police et l'armée macédonienne leur permettent encore de résister à l'avancée des guérilleros.

Tétovo, ville-fantôme

Mercredi matin, Tetovo était une ville fantôme, les rares passants se hâtaient de faire leurs courses dans les quelques commerces encore ouverts. Seuls quelques hommes chargeaient des voitures, au pied des grands immeubles de la ville, majoritairement habités par des Macédoniens. 30% au moins de la population du centre de Tetovo était en effet macédonienne, les villages étant par contre presque exclusivement albanais. " Nous n'avons que deux possibilités : nous battre ou partir ", expliquent quelques jeunes Macédoniens, assis à la terrasse d'un des rares cafés encore ouvert. " Les terroristes ont commencé un nettoyage ethnique systématique. La situation en Macédoine est bien paradoxale ", estime Perica : " ici, la minorité a commencé à opprimer la minorité. Il n'est plus question de droits de la minorité, les terroristes se battent pour le contrôle exclusif des territoires qu'ils revendiquent ". Ces jeunes Macédoniens démentent l'existence de milices et affirment faire confiance à l'Armée. Perica, qui a longtemps vécu en Australie, arbore un tee-shirt de rocker, mais il n'exclut de se porter volontaire pour défendre son pays.

Lundi, l'UCK avait pris le contrôle de Lesok, l'un des seuls villages macédoniens des alentours de Tetovo, contraignant la population à la fuite, et justifiant les accusations de " nettoyage ethnique ". Mardi après-midi, les réfugiés de Lesok se sont regroupés devant le Parlement macédonien, à Skopje, et la manifestation a vite dégénérée en émeute anti-occidentale. Les accusations répétées du gouvernement macédonien ont renforcé le ressentiment contre les institutions occidentales. " L'OTAN n'est pas notre ennemi, mais c'est un ami de nos ennemis ", a ainsi déclaré le porte-parole du gouvernement, Antonio Milososki. Le gouvernement a formulé une sorte d'ultimatum, expliquant que si l'UCK ne revenait pas à ses positions du 5 juillet d'ici mercredi midi, il considérerait comme caducs tous les efforts de médiation internationale. Chacun s'attend donc à une reprise rapide des combats, les forces macédoniennes pourraient notamment essayer de desserrer l'étau de l'UCK autour de Tetovo, dans le but de reprendre le contrôle de villages comme Lesok. Pour tous les habitants de la ville, le calme étrange qui régnait à Tetovo mercredi matin n'était qu'une pause avant la reprise des combats.





par Jean-Arnault  Dérens

Article publié le 25/07/2001