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Mondialisation

G8: violences policières en question

Une semaine après la fin du sommet du G8 à Gênes dans le nord de l'Italie, les témoignages se multiplient mettant en cause la brutalité et les sévices infligés par les forces de l'ordre aux manifestants anti-mondialisation.

Il a fallu attendre quelques jours. Le temps pour les militants anti-mondialisation de regagner leurs pays respectifs après le sommet de Gênes. Le temps de s'extraire pour nombre d'entre eux des geôles de la police italienne. Mais depuis qu'ils sont revenus en France, en Allemagne, en Autriche ou en Grande-Bretagne, ces militants témoignent dans la presse ou auprès des organisations anti-mondialisation et ce qu'ils racontent fait froid dans le dos. Images d'une Italie que l'on ne connaissait pas.

Dans Le Monde, Vincent raconte son arrestation par la police, les coups reçus sur la tête, ses bras que tordent les carabiniers. «Dès que je criais, il me foutait une raclée plus violente», dit-il en précisant qu'il n'était pas seul au dépôt de police de Bolzaneto et qu'avant de la relâcher, on lui a fait signer une déposition rédigée en italien sans même lui traduire.

Gwendal, étudiant de 26 ans, raconte dans Libération que les policiers italiens lui ont demandé à plusieurs reprises de crier: «Vive le Duce» et que son refus lui a valu une série de coups de pieds dans le ventre. A ses côtés, toujours dans le centre de détention de Bolzaneto, d'autres manifestants interpellés portaient des traces de coups, des ecchymoses et devaient se tenir debout, penchés en avant, le front appuyé contre un mur pendant plusieurs heures.

Plusieurs témoignages similaires faisant état de passages à tabac, d'insultes, de brimades en tout genre, ont recueillis par la presse européenne. C'est principalement à la caserne Bolzaneto de la police génoise qu'ont eu lieu les faits. Dans La Repubblica, un policier confirme, sous le sceau de l'anonymat: «ce fut une folie». Et l'homme d'avouer: «Je sens encore l'odeur des excréments des personnes arrêtées auxquelles on interdisait d'aller aux toilettes». «C'était la guerre, j'ai tapé moi aussi», avoue un autre policier interrogé par La Stampa.

Berlusconi refuse une commission d'enquête parlementaire

Le parquet de Gênes a ouvert six enquêtes différentes dont l'une concerne spécifiquement la descente de police particulièrement musclée conduite par la police dans les locaux qui abritaient le contre-sommet organisé par le Genoa Social Forum. L'opération brutale avait conduit à 93 arrestations et avait fait une soixantaine de blessés.

L'une des enquêtes ouvertes par la justice concerne également la mort du jeune militant anti-mondialisation Carlo Giuliani tué d'une balle dans la tête par un carabinier auxiliaire de 21 ans. La justice italienne tente aussi de faire la lumière sur les auteurs des lettres piégées reçues par des policiers à la veille du sommet et qui ont fait deux blessés.

Confronté à des critiques de plus en plus virulentes venues de toute l'Europe, Silvio Berlusconi a dû venir s'expliquer vendredi devant le parlement. Estimant que le G8 a été «un succès diplomatique et politique», le chef du gouvernement a expliqué qu'il n'entendait cacher «aucune vérité», ni «couvrir» qui que ce soir. Il a renvoyé la responsabilité sur le gouvernement précédent qui a eu en charge la préparation de ce sommet. Il a toutefois ajouté que si d'éventuels abus ou excès de la part des forces de l'ordre étaient «identifiés» alors les responsables seront «sanctionnés». En revanche, pas question de mettre en place une commission d'enquête parlementaire.

Pour les militants anti-mondialisation, pas question d'en rester là. Des manifestations pour dénoncer les brutalités policières ont été organisées un peu partout en Europe. Un livre blanc a été ouvert pour recueillir l'ensemble des témoignages.

Reste qu'il va désormais être difficile pour les anti-mondialisation d'élaborer une stratégie unitaire. Les actions désordonnées, mais communes, conduites depuis le sommet de l'OMC à Seattle ont peut-être vécu. Faut-il utiliser la violence ou manifester pacifiquement? La question divise de plus en plus les militants. Le cas des «Black Blocs» est significatif. N'appartenant à aucune organisation, proches de l'extrême-gauche ou des mouvements libertaires, il se regroupent par affinités à l'occasion des grands sommets où ils se joignent aux manifestations vêtus de noir. Ils expliquent choisir les cibles de leurs attaques violentes (policiers, magasins, banques, etc) comme autant de symboles de ma mondialisation libérale.

Cette stratégie de la violence inquiète déjà les responsables policiers en Allemagne où l'extrême-gauche est traditionnellement bien organisée. Elle suscite également le débat dans les mouvements engagés dans le combat anti-mondialisation où l'on accuse les «Black Blocs» de discréditer le mouvement, voire d'être infiltrés par la police pour provoquer des heurts.



par Philippe  Couve

Article publié le 29/07/2001