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Football

Tapie : premier rôle ou second couteau

Trois défaites consécutives, une pitoyable seizième place dans le championnat de première division après cinq journées de compétition, l'Olympique de Marseille, version Tapie 2, navigue en pleine tempête. Trois mois après son grand retour au club, en qualité de responsable sportif, celui qui avait alors été accueilli, par les supporteurs comme «le sauveur», ne cesse de voir sa cote de popularité décroître au fur et à mesure que se succèdent les journées de championnat. Et si le génial premier rôle n'était plus qu'un patron-bis capricieux et encombrant...
Le chouchou des Marseillais, l'homme à qui l'on prête encore, en dépit de ses démêlés judiciaires, toutes sortes d'ambitions à commencer par celles de redevenir très vite l'unique grand maître du club et de jouer un rôle politique éminent dans la cité phocéenne, a beau appeler de ses v£ux une «union sacrée» nul ne sait ce qu'il a vraiment derrière la tête. Le club va mal, dit-il, parce qu'il est miné par de sourdes querelles intestines, comme il n'a cessé d'en connaître depuis trois ans. Mieux il se déclare victime d'un complot. «Il y a un nombre incalculable de gens qui souhaitent que mon entreprise ne réussisse pas pour diverses raisons. Cela va de l'ambition personnelle à une concurrence politique en passant par l'aigreur des partants qui jouent la terre brûlée», confiait-il lundi dans un entretien au quotidien La Provence.

De toute évidence l'effet Tapie n'a pas eu, pour le moment, les résultats escomptés. Les renforts annoncés n'en sont pas. Dernier avatar en date, la non-venue de l'attaquant brésilien de Galatasaray, Jardel, qui, après deux mois d'une valse-hésitation, a fini par signer au Sporting du Portugal. Franck Leboeuf se demande ce qu'il est venu faire dans cette galère. Le constat qu'il dresse est accablant : «Ce ne peut pas être pire que ce qu'on fait en ce moment. Il n'y a pas de projet ; il n'y a rien du tout».

La valse des entraîneurs tourne à la galéjade

Inexistant sur le terrain, l'OM est rongé par une cacophonie assourdissante entre Bernard Tapie et Pierre Dubiton, responsable des affaires financières et administratives du club. Ils ne s'aimaient pas avant. Le désamour a quasiment viré à la haine. Extraits choisis des amabilités quotidiennes : «Bernard Tapie ne travaille pas. Il ne fait rien. Il ne vient pas au club comme il l'a reconnu lui-même. Il n'y a que lui qui choisit les joueurs et les entraîneurs...» Sur ce dernier point, la situation tient de la galéjade marseillaise : Ivic, Anigo, Skoblar, Emon puis à nouveau Ivic que Tapie avait renvoyé il y a à peine un mois et qu'il vient de rappeler. La Bonne Mère poule n'y retrouve plus ses poussins.

Et si Robert Louis-Dreyfus et Bernard Tapie s'étaient trompés de scénario et de casting ! Devant la situation alarmiste du club, à quelques matches de la fin du dernier championnat, le premier, sous la pression de la rue, s'était vu contraint de rappeler l'ancien héros de la Canebière. Le premier continuait de dépenser son argent ; le deuxième qui n'avait jamais été second dans le club, prenait la responsabilité des seules affaires sportives. Quand on a pris l'habitude de ne rien partager, de diriger sans contrôle, il paraît difficile de se soumettre d'une manière ou d'une autre à une autorité supérieure. Or Tapie depuis son retour a dû composer avec l'intermédiaire Pierre Dubiton, l'alter-face de Robert Louis-Dreyfus. Acteur de cinéma, de théâtre et bientôt d'une série télévisée, Bernard Tapie a continué de jouer les vedettes, même lorsque les productions n'étaient pas les siennes. Aujourd'hui, il se retrouve dans la position d'un employé-associé obligé de se soumettre au quitus financier de ceux qui l'ont fait revenir à l'OM dans des conditions qui demeurent, trois mois après, assez floues.

La vérité de l'OM est désormais sur le terrain. Le magicien-Tapie se donne jusqu'à la fin de l'année pour rendre rang et ambition au club. «Si, à la trêve, nous sommes au même niveau, cela voudra dire que je ne suis pas l'homme de la situation», affirme-t-il.

Bernard Tapie à contre-emploi, sept ans après son départ forcé. Si jamais son retour se révèle un échec, ce ne sont plus ni les autorités du football, ni les autorités judiciaires, ni les autorités politiques qui lui montreront la porte, mais les supporteurs. Ce qui constituerait sans doute la plus grave défaite de cet homme qui depuis vingt ans n'a jamais laissé personne indifférent.



par Gérard  Dreyfus

Article publié le 29/08/2001