Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Afrique du Sud

Syndicats-gouvernement : le désamour<br>

Le temps du désamour est bel et bien arrivé en Afrique du Sud. Bien loin sont les jours où la toute puissante COSATU marchait main dans la main avec les militants de l'ANC, dans les chaudes heures de la lutte contre l'apartheid. Aujourd'hui, le gouvernement Mbeki affronte les syndicats. A la veille de l'ouverture de la conférence mondiale sur le racisme de Durban, la COSATU appelle à une grève générale pour dénoncer la politique sociale. L'alliance de gouvernement ANC-syndicats-communistes n'a jamais été aussi malmenée.
Cette épreuve de force entre les deux anciens alliés est la première de cette importante entre les acteurs de «l'alliance tripartite» ANC-COSATU-SACP, (ANC-syndicats-Parti communiste) depuis l'arrivée, en 1994, de la majorité noire au pouvoir. Le gouvernement sud-africain, en proie à des difficultés économiques, a vivement dénoncé cet appel à la grève, soutenu par les communistes. Thabo Mbeki accuse la confédération syndicale de faire le jeu de la droite en cherchant à attaquer la politique gouvernementale.

Déjà l'an dernier, des nuages avaient assombri cette idylle. Au cours de son premier discours de politique générale prononcé devant le parlement, le président sud-africain avait mis en garde les syndicats, leur lançant un avertissement sans équivoque. «Le gouvernement ne tolèrera pas de grève illégale, avait-il déclaré à l'adresse des chauffeurs de taxis en grève. C'est une erreur de penser que le gouvernement puisse se laisser intimider». Thabo Mbeki avait même apporté son soutien au constructeur automobile Volkswagen, qui avait décidé de licencier près de 1300 ouvriers, à la suite d'une grève dans son usine.

La COSATU, qui rassemble 17 syndicats et 1,8 million de membres cherche à mobiliser quelque 800 000 fonctionnaires au cours de ce mouvement. La confédération critique la brutalité du gouvernement dans ses négociations avec la fonction publique sur les salaires. Elle appelle à protester contre la rupture des négociations salariales par le gouvernement au terme de plusieurs mois de marchandage. De son côté, le parti communiste parle de «bain de sang» dans le monde du travail et d'une dérive sur une «voie de privatisations, sous-traitances et précarisation».

Le bras de fer

A la veille de l'ouverture de la conférence mondiale sur le racisme à Durban, au bord de l'océan Indien, le gouvernement se serait bien passé de ce mouvement de grève. La présence de la communauté internationale dans la capitale du surf, le coup de projecteur des médias sur cette conférence, représentent un atout de taille pour séduire les investisseurs. Car sept ans après l'arrivée de la majorité noire aux affaires, et le formidable espoir de réconciliation nationale qu'elle suscitait, les désillusions ne manquent pas.

Dans le secteur privé, plus de 500 000 emplois ont été supprimés depuis 1994, des dizaines de milliers de postes devraient disparaître des secteurs de la mine, du bâtiment, de l'administration ou du chemin de fer, selon les projections. Le taux officiel de chômage atteint 30%, celui de l'inflation avoisine les 7%. La confédération syndicale attribue ces mauvais chiffres à la politique macro-économique qui n'a permis, selon elle, aucune création d'emplois et provoqué l'évasion des capitaux. Adoptée en 1998, «l'affirmative action», politique favorisant l'emploi des Noirs, n'a pas obtenu les résultats escomptés, notamment en raison du manque de personnel qualifié.

En 1999, une série de grèves a gagné l'ensemble des secteurs économiques du pays. Elles ont tour à tour frappé les mines de charbon et les mines d'or (touchées par la chute du cours du précieux métal). Les télécommunications, les postes, la métallurgie ont connu des arrêts de travail.

L'action de la COSATU, symbole et fer de lance de la mobilisation noire dans le monde du travail, met au grand jour la fragilité de l'alliance gouvernementale et sonne comme un test pour Thabo Mbeki. Les alliés de naguère se toisent dans un bras de fer. Le temps des amours est révolu.



par Sylvie  Berruet

Article publié le 29/08/2001