Corée
Le Kim de l'Orient-Express
Après neuf jours de voyage en train à travers la Sibérie, le leader nord-coréen entame ce vendredi à Moscou sa première visite dans un pays non communiste.
Après neuf jours de voyage et la traversée de la Sibérie, le dirigeant nord-coréen et les 21 voitures de son convoi font leur entrée vendredi soir en gare de Yaroslavsky à Moscou. Un voyage officiel nimbé de mystère, à l'image du Cher Leader dont la venue ne fut annoncée qu'à l'instant où le train eut franchi la frontière russe. Kim Jong Il, n'en déplaise aux dignitaires qui l'attendaient avec les honneurs dans les localités concernées par son itinéraire, aura soigneusement esquivé les apparitions publiques tout au long du périple. Seule fut consentie une escale de deux jours à Omsk, émaillée des visites d'un théâtre, d'une prestigieuse bibliothèque, d'une ferme et, plus prosaïquement, d'une fabrique de tanks.
Pourquoi le choix du train ? On pourrait croire que le dirigeant coréen, «penseur de génie» dont l'art consommé de la scénographie peut faire pâlir d'envie le plus expérimenté des experts en communication, sollicite le vieux mythe romantique d'un «Extrême-Orient Express» pour sa deuxième visite officielle à l'étranger. Il n'en est rien. Dans la famille Kim, la phobie de l'avion, comme le pouvoir, se transmet de père en fils; mais cela n'empêche pas l'«Héritier des vertus révolutionnaires» de vouloir donner des ailes à la coopération russo-nord-coréenne.
Une étape vers l'Occident
Kim Jong Il doit rencontrer dès samedi Vladimir Poutine. Cette visite est envisagée depuis plusieurs mois, après la visite que le président russe a effectuée l'année dernière en Corée du Nord. Il avait en retour invité à Moscou le dirigeant nord-coréen. Des enjeux stratégiques lient les deux pays, et il est fort probable qu'ils soient au c£ur des pourparlers. La Corée du Nord est considérée par Washington comme un «Etat-voyou» susceptible de menacer les Etats-Unis et leurs alliés en vertu de son programme de missiles nucléaires. C'est ce qui permet à l'administration Bush de justifier son projet d'un bouclier anti-missiles (NMD, National Missile Defense) aux portes de la Russie et de la Chine. Ainsi Vladimir Poutine, également partisan de la réunification des deux Corée, est-il soucieux de réintégrer Pyongyang dans un jeu de relations internationales pacifié en l'incitant à renoncer à la prolifération des armes de destruction massive.
Des marchés devraient également être conclus. Un accord portant sur des chars et diverses armes, en quantité limitée tant en raison de la faiblesse des crédits coréens que de la position américaine, pourrait être signé. Une centrale nucléaire destinée à fournir de l'énergie à Pyongyang, et construite sur le territoire russe non loin de la frontière avec la Corée du Nord, devrait aussi voir le jour. Cette solution permettrait à la Russie de fournir de l'électricité à son voisin sans pour autant être accusée de lui apporter sa technologie nucléaire. Pyongyang rembourserait enfin sa dette à l'égard de la Russie (54 millions de dollars) en «exportant» de la main-d'£uvre gratuite; il s'agit d'ouvriers nords-coréens mobilisés pour des travaux effectués dans des conditions extrêmement difficiles, sous la garde de soldats compatriotes.
Pour Kim Jong Il, dictateur d'un pays exsangue et abîmé dans l'isolement, la visite officielle en Russie représente une opportunité de premier ordre. Première sortie dans un territoire non communiste, elle peut être considérée comme une étape vers une ouverture plus large en direction de l'Occident.
Pourquoi le choix du train ? On pourrait croire que le dirigeant coréen, «penseur de génie» dont l'art consommé de la scénographie peut faire pâlir d'envie le plus expérimenté des experts en communication, sollicite le vieux mythe romantique d'un «Extrême-Orient Express» pour sa deuxième visite officielle à l'étranger. Il n'en est rien. Dans la famille Kim, la phobie de l'avion, comme le pouvoir, se transmet de père en fils; mais cela n'empêche pas l'«Héritier des vertus révolutionnaires» de vouloir donner des ailes à la coopération russo-nord-coréenne.
Une étape vers l'Occident
Kim Jong Il doit rencontrer dès samedi Vladimir Poutine. Cette visite est envisagée depuis plusieurs mois, après la visite que le président russe a effectuée l'année dernière en Corée du Nord. Il avait en retour invité à Moscou le dirigeant nord-coréen. Des enjeux stratégiques lient les deux pays, et il est fort probable qu'ils soient au c£ur des pourparlers. La Corée du Nord est considérée par Washington comme un «Etat-voyou» susceptible de menacer les Etats-Unis et leurs alliés en vertu de son programme de missiles nucléaires. C'est ce qui permet à l'administration Bush de justifier son projet d'un bouclier anti-missiles (NMD, National Missile Defense) aux portes de la Russie et de la Chine. Ainsi Vladimir Poutine, également partisan de la réunification des deux Corée, est-il soucieux de réintégrer Pyongyang dans un jeu de relations internationales pacifié en l'incitant à renoncer à la prolifération des armes de destruction massive.
Des marchés devraient également être conclus. Un accord portant sur des chars et diverses armes, en quantité limitée tant en raison de la faiblesse des crédits coréens que de la position américaine, pourrait être signé. Une centrale nucléaire destinée à fournir de l'énergie à Pyongyang, et construite sur le territoire russe non loin de la frontière avec la Corée du Nord, devrait aussi voir le jour. Cette solution permettrait à la Russie de fournir de l'électricité à son voisin sans pour autant être accusée de lui apporter sa technologie nucléaire. Pyongyang rembourserait enfin sa dette à l'égard de la Russie (54 millions de dollars) en «exportant» de la main-d'£uvre gratuite; il s'agit d'ouvriers nords-coréens mobilisés pour des travaux effectués dans des conditions extrêmement difficiles, sous la garde de soldats compatriotes.
Pour Kim Jong Il, dictateur d'un pays exsangue et abîmé dans l'isolement, la visite officielle en Russie représente une opportunité de premier ordre. Première sortie dans un territoire non communiste, elle peut être considérée comme une étape vers une ouverture plus large en direction de l'Occident.
par Marie Balas
Article publié le 03/08/2001