Corse
Vie et mort d'un nationaliste
L'une des figures du nationalisme corse, François Santoni, a été abattu dans la nuit de jeudi à vendredi dans le sud de l'île. Fin de parcours pour un homme qui a connu toutes les facettes du nationalisme corse et qui se savait menacé de longue date.
L'itinéraire de François Santoni s'achève de façon prévisible, presque caricaturale. L'homme savait depuis de longues années qu'il risquait sa vie à chaque instant, depuis notamment ce jour de 1995 où des tueurs l'ont manqué de peu à la sortie d'Ajaccio. Le commando avait alors abattu l'un de ses plus fidèles amis. Depuis lors, François Santoni ne se déplaçait jamais sans arme. Il avait encore renforcé sa protection et il limitait ses déplacements depuis l'assassinat de son ami Jean-Michel Rossi, il y a tout juste un an.
François Santoni est l'une des figures les plus importantes du nationalisme corse de ces dix dernières années. Un nationalisme dont il incarnait à la perfection toutes les ambiguïtés et beaucoup de dérives. Celui que l'on surnommait «l'iguane» entre en nationalisme, comme d'autres entrent en religion, à l'âge de 16 ans à la naissance du FLNC, en 1976. François Santoni est fasciné par la lutte clandestine et il devient rapidement l'un des porteurs de cagoule du FLNC.
Au cours des années 1980, François Santoni devient l'un des chefs locaux les plus puissants du FLNC en Corse du Sud dans la région d'Ajaccio. A une époque où la collecte de «l'impôt révolutionnaire» est très largement décentralisée au sein du mouvement, il dispose des moyens d'accumuler un véritable arsenal.
Chef du FLNC-canal historique
En 1986, il est condamné une première fois pour le mitraillage d'une gendarmerie. Il passera trois années en détention, l'occasion de rencontrer celui qui deviendra l'un de ses plus proches amis, Jean-Michel Rossi. Lorsqu'il sort de prison, François Santoni retrouve un monde nationaliste au bord de l'éclatement.
Au début des années 1990, «l'iguane» devient alors le secrétaire général d'A Cuncolta et surtout le chef du FLNC-canal historique. C'est le moment où le monde nationaliste éclate et se déchire. Dans le maquis surgissent des groupes clandestins rivaux, FLNC-canal habituel, Resistenza, etcà C'est l'époque de la guerre fratricide qui fera une vingtaine de morts entre 1993 et 1996 dans les rangs des nationalistes corses.
Officiellement, à l'époque, François Santoni est un instituteur qui n'a jamais exercé et le patron d'une petite entreprise de formation qui recevra moins de stagiaires que de subventions de la part des collectivités locales.
Mais François Santoni est aussi et surtout l'interlocuteur privilégié du ministre de l'Intérieur de l'époque, le RPR Jean-Louis Debré. Au terme des discussions discrètes engagées avec le gouvernement, le FLNC-canal historique annonce une trêve. L'opération est à grand spectacle: conférence de presse en pleine nuit dans la maquis à Tralonca au centre de l'île, en présence de 500 clandestins en armes. François Santoni est là, au premier rang, et derrière sa cagoule, c'est lui qui répond aux quelques questions que les journalistes présents sont autorisés à poser. La scène se déroule quelques heures avant l'arrivée en Corse du ministre de l'Intérieur.
Dans les mois qui suivront, c'est à l'intérieur de la mouvance du FLNC-canal historique que des divisions se créent entre François Santoni, d'une part, et Charles Pieri, d'autre part. Les deux hommes deviennent de véritables ennemis. Le fait que les deux hommes se retrouvent derrière les barreaux (pour des motifs différents) ne calmera pas leur antagonisme. François Santoni, sorti de prison, après sa condamnation pour extorsion de fonds, quitte A Cuncolta et s'isole progressivement.
Avec son ami, Jean-Michel Rossi, il décide de livrer «sa» vérité dans un livre d'entretiens avec le journaliste Guy Benhamou. L'ouvrage s'intitule «Pour solde de tout compte», et Santoni prend clairement ses distances avec l'assassinat du préfet Erignac. Rossi et Santoni dénoncent également les «dérives mafieuses» de certains nationalistes. Affichant son désir d'en finir avec la clandestinité et la lutte armée, François Santoni n'en était pas moins considéré comme le chef de file d'Armata corsa (armée corse), l'un des derniers mouvements clandestins apparus sur la scène nationaliste.
François Santoni appartient à ce que certains ont appelé la «génération perdue» du nationalisme corse. Un groupe d'hommes engagés dès leur plus jeune âge dans la clandestinité. «Nous avons enfanté des monstres», s'était exclamé Pierre Poggioli, l'un des fondateurs du FLNC. François Santoni faisait sans aucun doute partie de ces «monstres» que le nationalisme corse, comme d'autres mouvements (l'IRA ou l'ETA par exemple) ont pu engendrer.
François Santoni est l'une des figures les plus importantes du nationalisme corse de ces dix dernières années. Un nationalisme dont il incarnait à la perfection toutes les ambiguïtés et beaucoup de dérives. Celui que l'on surnommait «l'iguane» entre en nationalisme, comme d'autres entrent en religion, à l'âge de 16 ans à la naissance du FLNC, en 1976. François Santoni est fasciné par la lutte clandestine et il devient rapidement l'un des porteurs de cagoule du FLNC.
Au cours des années 1980, François Santoni devient l'un des chefs locaux les plus puissants du FLNC en Corse du Sud dans la région d'Ajaccio. A une époque où la collecte de «l'impôt révolutionnaire» est très largement décentralisée au sein du mouvement, il dispose des moyens d'accumuler un véritable arsenal.
Chef du FLNC-canal historique
En 1986, il est condamné une première fois pour le mitraillage d'une gendarmerie. Il passera trois années en détention, l'occasion de rencontrer celui qui deviendra l'un de ses plus proches amis, Jean-Michel Rossi. Lorsqu'il sort de prison, François Santoni retrouve un monde nationaliste au bord de l'éclatement.
Au début des années 1990, «l'iguane» devient alors le secrétaire général d'A Cuncolta et surtout le chef du FLNC-canal historique. C'est le moment où le monde nationaliste éclate et se déchire. Dans le maquis surgissent des groupes clandestins rivaux, FLNC-canal habituel, Resistenza, etcà C'est l'époque de la guerre fratricide qui fera une vingtaine de morts entre 1993 et 1996 dans les rangs des nationalistes corses.
Officiellement, à l'époque, François Santoni est un instituteur qui n'a jamais exercé et le patron d'une petite entreprise de formation qui recevra moins de stagiaires que de subventions de la part des collectivités locales.
Mais François Santoni est aussi et surtout l'interlocuteur privilégié du ministre de l'Intérieur de l'époque, le RPR Jean-Louis Debré. Au terme des discussions discrètes engagées avec le gouvernement, le FLNC-canal historique annonce une trêve. L'opération est à grand spectacle: conférence de presse en pleine nuit dans la maquis à Tralonca au centre de l'île, en présence de 500 clandestins en armes. François Santoni est là, au premier rang, et derrière sa cagoule, c'est lui qui répond aux quelques questions que les journalistes présents sont autorisés à poser. La scène se déroule quelques heures avant l'arrivée en Corse du ministre de l'Intérieur.
Dans les mois qui suivront, c'est à l'intérieur de la mouvance du FLNC-canal historique que des divisions se créent entre François Santoni, d'une part, et Charles Pieri, d'autre part. Les deux hommes deviennent de véritables ennemis. Le fait que les deux hommes se retrouvent derrière les barreaux (pour des motifs différents) ne calmera pas leur antagonisme. François Santoni, sorti de prison, après sa condamnation pour extorsion de fonds, quitte A Cuncolta et s'isole progressivement.
Avec son ami, Jean-Michel Rossi, il décide de livrer «sa» vérité dans un livre d'entretiens avec le journaliste Guy Benhamou. L'ouvrage s'intitule «Pour solde de tout compte», et Santoni prend clairement ses distances avec l'assassinat du préfet Erignac. Rossi et Santoni dénoncent également les «dérives mafieuses» de certains nationalistes. Affichant son désir d'en finir avec la clandestinité et la lutte armée, François Santoni n'en était pas moins considéré comme le chef de file d'Armata corsa (armée corse), l'un des derniers mouvements clandestins apparus sur la scène nationaliste.
François Santoni appartient à ce que certains ont appelé la «génération perdue» du nationalisme corse. Un groupe d'hommes engagés dès leur plus jeune âge dans la clandestinité. «Nous avons enfanté des monstres», s'était exclamé Pierre Poggioli, l'un des fondateurs du FLNC. François Santoni faisait sans aucun doute partie de ces «monstres» que le nationalisme corse, comme d'autres mouvements (l'IRA ou l'ETA par exemple) ont pu engendrer.
par Philippe Couve
Article publié le 17/08/2001