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Balkans

Le déploiement de l'OTAN sur fond de scepticisme

L'heure reste au scepticisme quant à la capacité de l'OTAN à mener à bien sa «Moisson essentielle» en Macédoine. Le commandant de l'opération ne cache pas qu'il sera difficile de collecter toutes les armes de l'UCK.
«Nous savons que nous sommes dans une région où ils peuvent se réarmer, où ils peuvent trouver de nouvelles armes ; il est donc beaucoup plus important que la confiance et la mise en £uvre de l'accord d'Ohrid leur ôtent l'envie de réarmer et de reprendre le combat». En prononçant ces paroles, le général danois Gunnar Lange, commandant de l'opération «Moisson essentielle», n'a pas caché qu'il serait difficile à ses hommes de faire appliquer la promesse de l'UCK de rendre les armes. Celles-ci, dont le nombre est estimé à 2 500 par les Occidentaux et à pas moins de 60 000 par les autorités de Skopje, sont censées être déposées dans cinq centre de collectes disséminés sur le territoire macédonien avant d'être récupérés par les forces de l'OTAN et détruites en Grèce.

Skopje redoute justement un transfert par les indépendantistes de leurs armes vers le Kosovo voisin, où l'UCK dispose de solides arrière-bases. Ces inquiétudes sont partagées par le général Lange : selon lui, des fusils, des roquettes, des grenades et des mines ont été interceptées en quantité au cours des deux mois écoulés à la frontière macédonienne, alors qu'ils étaient en route pour le Kosovo.

Moscou s'inquiète des risques d'enlisement de l'OTAN en Macédoine

Dans ce contexte, les interrogations autour de l'opération «Moisson essentielle » se multiplient. François Léotard, émissaire européen en Macédoine et l'un des principaux acteurs des accords d'Ohrid, n'a pas caché que l'opération était «complexe, mais nécessaire», ajoutant : «Il y aura probablement des incidents que j'espère de très faible intensité».

A Moscou, c'est le scepticisme le plus total qui a accueilli la nouvelle du déploiement de l'OTAN. La presse évoquait ce jeudi 23 août des risques d'enlisement de l'OTAN en Macédoine et de conflit ouvert, surtout si les troupes de l'Alliance usait de leur droit de riposter en cas d'agression. Du côté du ministère russe des affaires étrangères, on souligne que «les efforts de la communauté internationale ne doivent pas apparaître comme un encouragement de l'extrémisme et une légitimation de facto du séparatisme». En ligne de mire, les v£ux formulés dans certains milieux albanais que les régions contrôlées par l'UCK passent sous protectorat international, à l'image du Kosovo voisin, ce qui pourrait préfigurer la partition du pays. Le président macédonien, Boris Trajkovski, a répété qu'il n'accepterait pas un protectorat de l'Alliance dans son pays : «La venue de l'OTAN a été autorisée par le gouvernement macédonien pour un mandat concret. Il se peut que sa mission s'achève avant un mois, mais pas après». Il bénéficie de l'appui de son homologue russe Vladimir Poutine, qu'il rencontrait ce jeudi à Kiev, en Ukraine.

Pour l'instant, rien ne garantit encore que l'OTAN pourra mener à bien sa mission dans le délai des trente jours qui lui est imparti, ni que la situation ne dégénèrera pas sur le terrain, même si le cessez-le-feu semble enfin respecté. Il y a deux jours, une église orthodoxe a été dynamitée à l'explosif dans une attaque attribuée à l'UCK, ce qu'elle a vigoureusement démenti, évoquant une tentative de manipulation de la part des forces macédoniennes. La situation se complique également par les provocations d'une mystérieuse Armée nationale albanaise (AKSH). Cette organisation, jusqu'à présent inconnue, a fait savoir qu'elle rejetait l'accord de paix d'Ohrid et a demandé la démission d'Ali Ahmetti, le chef politique de l'UCK, accusé d'avoir trahi la cause albanaise.

Malgré ces doutes et ces inquiétudes, le déploiement de l'OTAN est maintenant entré dans une phase active : plus de 400 Britanniques sont arrivés ce jeudi (soit le tiers du contingent que Londres doit fournir). On attend maintenant l'arrivée de 900 marines américains en provenance du Kosovo et 550 Français. Ils devraient être rejoints par un nombre d'Allemands comparables, le parlement de Berlin ayant voté en faveur du déploiement.



par Nicolas  Sur

Article publié le 23/08/2001