Côte d''Ivoire
Incertitudes sur le Forum de réconciliation
Moins de trois semaines avant son ouverture, le Forum de réconciliation nationale, censé tourner la page des violences qu'a connu la Côte d'Ivoire, a du plomb dans l'aile. La participation des trois principaux ténors de l'opposition, dont Alassane Ouattara, est loin d'être assurée. Le pouvoir appelle ses adversaires à la responsabilité.
Le débat s'échauffe en Côte d'Ivoire autour du Forum de réconciliation nationale, annoncé depuis plusieurs mois et prévu pour le 7 septembre. A quelques jours d'une rencontre vivement souhaitée par le président Gbagbo, la participation des trois principaux ténors de la politique ivoirienne est plus qu'incertaine. Le 10 août dernier, l'adversaire attitré du chef de l'Etat ivoirien, Alassane Ouattara, installé en France depuis de longs mois, avait répondu positivement à l'invitation, tout en insistant sur la nécessité de bénéficier de conditions de sécurité renforcées.
Mais au cours d'un meeting à Abidjan, le 18 août, la direction de son parti, le Rassemblement des républicains, a fait machine arrière. «Sans la réhabilitation d'Alassane Ouattara, il n'y a pas de réconciliation», a lancé à la foule la secrétaire générale, Henriette Diabaté. «Sans la libération de nos frères, il n'y a pas de réconciliation», a-t-elle ajouté, avant de réclamer une modification de la constitution «pour préserver la Côte d'Ivoire de nouveaux dangers». Puis elle a conclu: «notre président est invité officiellement au forum. Mais des informations font état d'un complot politico-judicaire pour limiter notre président dans ses mouvements ou même pire.» En clair, le RDR pose ses conditions. Parmi elles, la révision de la loi fondamentale, dont un article avait écarté l'opposant de la présidentielle d'octobre 2000 pour cause de «nationalité douteuse». Le problème c'est que le président Gbagbo a toujours rejeté cette éventualité en mettant en avant l'approbation du texte par plus de 86,53% des électeurs au cours d'un référendum, en juillet 2000.
Méfiance de Gueï, silence de Bédié
A peine Henriette Diabaté s'était-elle exprimée, que l'ancien chef de la junte militaire Robert Gueï est sorti de sa réserve, le 19 août. De sa ville de Gouessesso (ouest), près de la frontière libérienne, où il s'est retiré après son départ forcé du pouvoir le 24 octobre 2000, l'ex-général-président a accordé un entretien à l'agence Reuters dans lequel il met en doute la sincérité de Laurent Gbagbo. «Le principe de réconciliation est une bonne chose. Mais est-ce que les conditions de sécurité sont réunies ? Est-ce qu'on est sûr qu'il veut vraiment la réconciliation. Je pense qu'il manque de volonté politique», estime-t-il. Et Robert Gueï de comparer le numéro un ivoirien à un «caméléon», tout en déclarant, sans sourciller, avoir eu des contacts avec son «frère» Alassane Ouattara, qui fut l'ennemi désigné de l'ancien pouvoir militaire.
Silence, en revanche, du côté d'Henri Konan Bédié. En exil à Paris depuis le coup d'Etat du 24 décembre 1999, l'ancien chef de l'Etat n'est pratiquement jamais sorti de son silence. Officiellement toujours à la tête de l'ancien parti unique, le président déchu n'avait pas encore fait connaître sa réponse ce 22 août. Selon ses proches, il poserait toutefois, lui aussi, des conditions à propos de sa sécurité.
Côté gouvernemental, on commence logiquement à s'impatienter. «Pour l'instant, nous n'avons reçu aucune réponse écrite», nous a déclaré Sébastien Danon Djédjé, ministre des Relations avec le parlement, dans un entretien téléphonique. «Le RDR a pris position lors d'un meeting, ironise-t-il. On ne sait plus vraiment qui pense quoi entre Alassane Ouattara et l'état-major de son parti.» Le ministre s'en prend par ailleurs au général Gueï qui a selon lui «certainement des choses à cacher», mais doit participer au forum, ne serait-ce que pour s'expliquer.
Le sort de la rencontre est d'autant plus incertain que la personnalité même de celui qui doit la présider, Seydou Diarra, ne fait pas l'unanimité. Ancien Premier ministre du général Gueï, ce diplomate a été préféré à l'écrivain Amadou Kourouma, souvent cité comme candidat potentiel, mais qui avait estimé le forum impossible sans une réhabilitation d'Alassane Ouattara. Laurent Gbagbo, qui accusait Seydou Diarra d'être un sous-marin du RDR au début de la transition militaire, est depuis revenu sur ses propos et estime qu'il est le «grand frère» capable de convaincre tous les protagonistes de répondre présent le 7 septembre. C'est loin d'être l'opinion d'une partie de la classe politique. Dans un éditorial au vitriol, le Patriote, quotidien «ouattariste», décrivait ainsi Seydou Diarra comme un «homme de paille» de Laurent Gbagbo.
Beaucoup d'observateurs s'interrogent, par ailleurs, sur l'objectif du chef de l'Etat. «Le forum de réconciliation nationale ressemble étrangement à un piège, qui n'a d'autre but que de confirmer sa réputation de grand stratège politique et de conforter sa légitimité jusqu'à ce jour sujette à caution», estime, ce mercredi, un analyste du quotidien indépendant l'Inter. A l'évidence, les adversaires de Laurent Gbagbo craignent de lui offrir sur un plateau une participation ne pouvant que rehausser son image, en particulier vis-à-vis de l'extérieur. Toujours dans l'Inter, un autre analyste averti toutefois: «l'absence du RDR, s'il elle se confirme pourrait être préjudiciable au peuple ivoirien, qui aspire plus que tout à l'apaisement». Sébastien Danon Djédjé partage cette opinion: «Toute la Côte d'Ivoire souhaite que les uns les autres se retrouvent face à face devant les Ivoiriens. Leurs déclarations les engagent vis-à-vis de l'opinion nationale.»
Mais au cours d'un meeting à Abidjan, le 18 août, la direction de son parti, le Rassemblement des républicains, a fait machine arrière. «Sans la réhabilitation d'Alassane Ouattara, il n'y a pas de réconciliation», a lancé à la foule la secrétaire générale, Henriette Diabaté. «Sans la libération de nos frères, il n'y a pas de réconciliation», a-t-elle ajouté, avant de réclamer une modification de la constitution «pour préserver la Côte d'Ivoire de nouveaux dangers». Puis elle a conclu: «notre président est invité officiellement au forum. Mais des informations font état d'un complot politico-judicaire pour limiter notre président dans ses mouvements ou même pire.» En clair, le RDR pose ses conditions. Parmi elles, la révision de la loi fondamentale, dont un article avait écarté l'opposant de la présidentielle d'octobre 2000 pour cause de «nationalité douteuse». Le problème c'est que le président Gbagbo a toujours rejeté cette éventualité en mettant en avant l'approbation du texte par plus de 86,53% des électeurs au cours d'un référendum, en juillet 2000.
Méfiance de Gueï, silence de Bédié
A peine Henriette Diabaté s'était-elle exprimée, que l'ancien chef de la junte militaire Robert Gueï est sorti de sa réserve, le 19 août. De sa ville de Gouessesso (ouest), près de la frontière libérienne, où il s'est retiré après son départ forcé du pouvoir le 24 octobre 2000, l'ex-général-président a accordé un entretien à l'agence Reuters dans lequel il met en doute la sincérité de Laurent Gbagbo. «Le principe de réconciliation est une bonne chose. Mais est-ce que les conditions de sécurité sont réunies ? Est-ce qu'on est sûr qu'il veut vraiment la réconciliation. Je pense qu'il manque de volonté politique», estime-t-il. Et Robert Gueï de comparer le numéro un ivoirien à un «caméléon», tout en déclarant, sans sourciller, avoir eu des contacts avec son «frère» Alassane Ouattara, qui fut l'ennemi désigné de l'ancien pouvoir militaire.
Silence, en revanche, du côté d'Henri Konan Bédié. En exil à Paris depuis le coup d'Etat du 24 décembre 1999, l'ancien chef de l'Etat n'est pratiquement jamais sorti de son silence. Officiellement toujours à la tête de l'ancien parti unique, le président déchu n'avait pas encore fait connaître sa réponse ce 22 août. Selon ses proches, il poserait toutefois, lui aussi, des conditions à propos de sa sécurité.
Côté gouvernemental, on commence logiquement à s'impatienter. «Pour l'instant, nous n'avons reçu aucune réponse écrite», nous a déclaré Sébastien Danon Djédjé, ministre des Relations avec le parlement, dans un entretien téléphonique. «Le RDR a pris position lors d'un meeting, ironise-t-il. On ne sait plus vraiment qui pense quoi entre Alassane Ouattara et l'état-major de son parti.» Le ministre s'en prend par ailleurs au général Gueï qui a selon lui «certainement des choses à cacher», mais doit participer au forum, ne serait-ce que pour s'expliquer.
Le sort de la rencontre est d'autant plus incertain que la personnalité même de celui qui doit la présider, Seydou Diarra, ne fait pas l'unanimité. Ancien Premier ministre du général Gueï, ce diplomate a été préféré à l'écrivain Amadou Kourouma, souvent cité comme candidat potentiel, mais qui avait estimé le forum impossible sans une réhabilitation d'Alassane Ouattara. Laurent Gbagbo, qui accusait Seydou Diarra d'être un sous-marin du RDR au début de la transition militaire, est depuis revenu sur ses propos et estime qu'il est le «grand frère» capable de convaincre tous les protagonistes de répondre présent le 7 septembre. C'est loin d'être l'opinion d'une partie de la classe politique. Dans un éditorial au vitriol, le Patriote, quotidien «ouattariste», décrivait ainsi Seydou Diarra comme un «homme de paille» de Laurent Gbagbo.
Beaucoup d'observateurs s'interrogent, par ailleurs, sur l'objectif du chef de l'Etat. «Le forum de réconciliation nationale ressemble étrangement à un piège, qui n'a d'autre but que de confirmer sa réputation de grand stratège politique et de conforter sa légitimité jusqu'à ce jour sujette à caution», estime, ce mercredi, un analyste du quotidien indépendant l'Inter. A l'évidence, les adversaires de Laurent Gbagbo craignent de lui offrir sur un plateau une participation ne pouvant que rehausser son image, en particulier vis-à-vis de l'extérieur. Toujours dans l'Inter, un autre analyste averti toutefois: «l'absence du RDR, s'il elle se confirme pourrait être préjudiciable au peuple ivoirien, qui aspire plus que tout à l'apaisement». Sébastien Danon Djédjé partage cette opinion: «Toute la Côte d'Ivoire souhaite que les uns les autres se retrouvent face à face devant les Ivoiriens. Leurs déclarations les engagent vis-à-vis de l'opinion nationale.»
par Christophe Champin
Article publié le 22/08/2001