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Balkans

Armes: guerre ou paix au bout du compte

Le malaise grandit au premier jour de l'opération de collecte des armes de l'UCK par l'Otan. L'Alliance atlantique et les rebelles albanais se sont finalement entendus sur le chiffre de 3300 armes à collecter, un chiffre vigoureusement contesté par Skopje. En dépit des protestations des autorités macédoniennes, les soldats de l'Otan ont commencé leur travail, dans un climat de franche hostilité de la part de la population macédonienne.
Skopje avait joué la surenchère dès la fin de la semaine dernière, ne cessant de réévaluer à la hausse l'arsenal dont disposerait l'UCK: soixante, quatre-vingt, cent mille armes en tout genre. Et les réactions ne se sont pas faites attendre quand l'Otan et l'UCK se sont finalement entendues sur le chiffre de 3300 armes à collecter. «Cette estimation est risible», a tranché le premier ministre Ljubco Georgievski tandis que le porte-parole du gouvernement Antonio Milososki renchérissait sur un chiffre «pas sérieux» qui «encouragerait l'UCK à garder ses armes et à continuer la guerre».

Du côté de l'Alliance, le général danois Gunnar Lange, qui commande l'opération de désarmement, a opposé une fin de non-recevoir aux critiques de Skopje. Il a fait savoir en substance que cette estimation «crédible» ne regardait que l'OTAN et l'UCK et que les autorités macédoniennes n'avait pas à la négocier. Dimanche, les experts de la revue britannique Jane's Defense Weekly, spécialisée dans la défense, estimaient pour leur part l'arsenal de l'UCK à plus de 8000 fusils d'assaut, 250 mitrailleuses lourdes, 200 fusils pour tireurs d'élite et «jusqu'à 200 mortiers et 50 lance-missiles individuels».

Le processus de paix défini par les accords d'Ohrid menacé

Au-delà d'une simple querelle de chiffres, l'Otan prend sans doute un risque politique en ne tenant pas compte des réticences de Skopje. Les accords d'Ohrid, conclus au début du mois entre les partis macédoniens et albanais pour mettre un terme à six mois d'affrontements en Macédoine, ne doivent trouver leur débouché législatif qu'une fois le tiers des armes de l'UCK remis à l'Otan. Assurément, un tel désaccord, à la base, sur l'importance de cet arsenal augure mal de la suite. Bien plus, l'Alliance place le président macédonien Trajkovski dans une situation délicate : le chef de l'Etat, qu'elle considère comme un interlocuteur modéré et qu'elle privilégie au premier ministre ou au ministre de l'Intérieur, ouvertement nationalistes, risque d'avoir du mal à justifier l'opération de collecte aux yeux de ses concitoyens. Boris Trajkovski avait déjà dû se résigner à un renforcement significatif du contingent de l'Otan: alors qu'on évoquait encore en début de semaine dernière l'envoi de 3500 hommes, ce sont désormais près de 5000 soldats qui devraient se déployer dans le pays. Trajkovski ne cache pas son irritation et on a pu redouter tout au long du week-end qu'il ne décide une suspension pure et simple de l'opération.

Sur le terrain, la situation est encore compliquée par l'hostilité que la population macédonienne témoigne de plus en plus ouvertement à l'égard de l'Otan, suspectée de sympathies pro-albanaises depuis l'intervention au Kosovo, en 1999. Cette hostilité a connu ce lundi une illustration tragique, avec la mort d'un militaire britannique : il avait été grièvement blessé par un bloc de béton jeté par de jeunes Macédoniens sur le camion dans lequel il voyageait, sur la route reliant Skopje à l'aéroport. Enfin, dans le nord du pays, la tension est montée d'un cran : des civils macédoniens se sont regroupés autour de certains check points de l'armée gouvernementale, à Brvenica et Kopulkuk, pour empêcher le retrait de l'artillerie lourde, comme le prévoient pourtant des accords avec l'OTAN. Ils redoutent un retour de l'UCK et, de toute évidence, ne font pas confiance aux troupes de l'Alliance.



par Nicolas  Sur

Article publié le 27/08/2001