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Côte d''Ivoire

Les dirigeants ivoiriens accusés de xénophobie

Les dirigeants de Côte d'Ivoire ont utilisé le concept «d'ivoirité» à des fins politiques personnelles en encourageant la xénophobie. C'est le constat de l'organisation de défense des droits de l'homme Human Rights Watch qui vient de publier un rapport. Avant l'ouverture de la conférence mondiale de Durban, HRW lance un pavé dans la mare.
«Les Africains ont souvent été victimes du racisme ; mais ils peuvent aussi en être les auteurs», écrit Peter Takirambudde, directeur de la division Afrique de Human Rights Watch. «Nous voyons en Côte d'Ivoire le genre d'intolérance et de sectarisme à propos desquels la conférence (de Durban) a été créée. Les dirigeants ivoiriens et les forces de sécurité responsables de ces atrocités doivent être largement traînés en justice».

Ces propos, écrits en préambule d'un volumineux rapport de 70 pages, intitulé «Le nouveau racisme : manipulations politiques de l'ethnicité en Côte d'Ivoire», sonne comme une mise en garde contre toute tentation de dérive des dirigeants, quels qu'ils soient. L'ONG critique aussi la France qu'elle accuse de complaisance envers le gouvernement socialiste d'Abidjan.

«Les dirigeants des gouvernements de Côte d'Ivoire ont mené une politique violemment xénophobe qui menace de déstabiliser le pays». HRW, critiquant les actions de Laurent Gbagbo et de ses prédécesseurs Robert Gueï et Henri Konan Bédié, n' y va pas par quatre chemins. L'organisation dénonce les violations des droits de l'homme, les exécutions sommaires, la «torture de centaines de détenus aux mains de la police et de la gendarmerie», les viols commis pendant la période trouble qui a entouré l'élection présidentielle de 2000. «La brutalité qui a imprégné la période des élections, poursuit le rapport, est le fruit d'une dangereuse politique de manipulation ethnique à des fins électorales». La «parodie» du procès de Yopougon

Au moins 200 personnes, précise l'enquête de HRW ont péri au cours d'affrontements dans la période de l'élection présidentielle qui a vu la victoire de Laurent Gbagbo. HWR dénonce encore la «totale impunité» dont ont bénéficié les commanditaires et les exécutants des exactions. «L'immense majorité des victimes qui viennent du Nord du pays, largement musulman, sont des immigrants ou des descendants d'immigrants», affirme l'ONG.

Et de citer, parmi les témoignages recueillis, celui de ce Malien âgé. Survivant d'un groupe de quatorze hommes abattus le 26 octobre 2000, il a raconté à l'organisation qu'il a dû son salut à son grand âge. «Ils m'ont dit qu'ils allaient me tuer parce que je suis un Dioula et que je suis musulman», a-t-il raconté à Human Rights Watch qui cite ce témoignage, comme celui d'une jeune femme de dix-sept ans, proche du RDR (le parti d'Alassane Ouattara), victime de multiples viols, par une dizaine de gendarmes. L'organisation de défense des droits de l'homme épingle également la justice ivoirienne et parle de «parodie» de procès dans l'affaire du charnier de Yopougon, où les huit gendarmes accusés de meurtre dans cette affaire, ont été acquittés le 4 août dernier.

Ce rapport, publié sur Internet vient étayer les affirmations du Burkina Faso. Hier, ce pays limitrophe de la Côte d'Ivoire a annoncé qu'il comptait dénoncer des cas de «xénophobie» dont ont été victimes ses ressortissants à l'étranger, allusion directe aux menaces qui ont contraint des dizaines de Burkinabés établis de longue date en Côte d'Ivoire, à rentrer chez eux. Le Burkina a fait savoir qu'il souhaitait évoquer à Durban la question de l'immigration et du traitement des migrants. Enfin, en guise de conclusion, HRW estime que «l'exploitation des divisions ethniques à des fins politiques n'est que trop familière en Afrique».



par Sylvie  Berruet

Article publié le 28/08/2001