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Balkans

Le processus de paix entre les mains des politiques

La phase politique du processus de paix en Macédoine a commencé vendredi avec l'examen par les parlementaires d'une révision de la constitution pour revaloriser les droits de la minorité albanaise, conformément aux accords d'Ohrid du 13 août dernier. Mais samedi, Stojan Andov, président du parlement, a suspendu les débats estimant que les «conditions n'étaient pas réunies» sur le terrain après le blocage d'un convoi de civils macédoniens par des villageois albanais. Il a réclamé des «garanties» sur le retour des déplacés dans leurs foyers. Une décision que François Léotard, émissaire européen en Macédoine, regrette. Le vote final pourrait tout de même avoir lieu à la date prévue, le 4 septembre, puisque les députés doivent se réunir de nouveau lundi matin.
Le désarmement de la guérilla indépendantiste de l'UCK avait été posé comme la condition sine qua non de la mise en £uvre de cet accord par le gouvernement de Skopje: les soldats de l'Otan devaient avoir récupéré le tiers des armes des rebelles avant que les députés ne se réunissent pour décider de la suite politique de l'accord. Cet objectif a été atteint dès mercredi, où 1400 armes avaient été déposées dans les centres de collecte ouverts par l'Otan. Le président macédonien lui-même, Boris Trajkovski, estimait ce jeudi que les conditions étaient réunies pour mettre en £uvre la procédure parlementaire.

Le doute subsiste néanmoins quant à la volonté de la frange la plus nationaliste de la classe politique macédonienne de lancer cette procédure. Le porte-parole du gouvernement Antonio Milososki n'a pas perdu une occasion de critiquer l'opération «Moisson essentielle», jugée «pas aussi sérieuse que nous l'espérions». Ce sentiment est largement partagé par l'opinion publique macédonienne, qui juge l'Alliance atlantique pro-albanaise. Des manifestations ont ainsi éclaté devant le parlement de Skopje ce vendredi matin, contraignant les députés à repousser de quelques heures l'ouverture des discussions.

Inquiétude sur l'avenir de l'accord après le départ de l'Otan

L'heure reste néanmoins à l'optimisme: le soutien des deux partis albanais est d'ores et déjà acquis et il semblerait que les cadres du principal parti macédonien, le VMRO-DPMNE, des rangs duquel est issu le premier ministre ultra-nationaliste Ljubco Georgievski, n'aient pas donné de consigne de vote à ses députés. De son côté, le chef de la diplomatie britannique Jack Straw, en déplacement à Skopje cette semaine, affirmait que les leaders des partis politiques albanais et macédoniens lui avaient tous assuré qu'ils feraient le maximum pour un vote en faveur de cet accord. Enfin, le chef politique de l'UCK, Ali Ahmetti, interrogé par RFI, s'est déclaré confiant ce jeudi, estimant que «l'Union européenne et l'OTAN étaient la garantie de cet accord».

Les députés ont maintenant jusqu'à mardi 4 septembre pour décider, par vote à la majorité des deux tiers, s'ils acceptent le principe d'une réforme de la constitution. S'ils se prononcent en sa faveur, la procédure de révision devrait s'enclencher parallèlement à la poursuite de la «Moisson essentielle» de l'Otan. Ils disposeraient d'un délais de 45 jours pour adopter la réforme du recrutement de la police (aujourd'hui quasi exclusivement macédonienne) et un nouveau statut de la langue albanaise. Les Occidentaux espèrent ainsi assurer le retour à la paix en Macédoine, secouée par des affrontements depuis plus de six mois. Mais si le parlement se refuse à adopter le volet politique de l'accord de paix, la situation deviendrait alors extrêmement dangereuse.

Autre point d'interrogation, la question de la présence des troupes de l'Otan une fois l'opération de collecte d'armes achevée: l'Alliance atlantique a fait savoir que l'opération ne pourrait pas se prolonger indéfiniment et a fixé la date de la fin de l'opération au 26 septembre prochain. Du côté albanais, un responsable d'un des principaux partis a explicitement demandé la mise sur pied d'une «force de stabilisation internationale» en Macédoine qui serait chargée de surveiller le bon déroulement du processus de paix. Ces inquiétudes sont partagées par certaines personnalités politiques macédoniennes, telle que la ministre des Affaires étrangères Ilinka Mitreva: elle a demandé la poursuite du soutien international à Skopje pour éviter «un vide sécuritaire». Reste à savoir quelle forme pourrait prendre ce soutien : le président Trajkovski s'est montré à plusieurs reprises fermement opposé à ce que les militaires de l'Otan restent déployés dans le pays une fois leur mandat achevé.

Pour Robert Badinter, ancien ministre français de la Justice, dont les propositions avaient servi de base au projet de réforme de la constitution macédonienne, «la seule alternative à la mise en oeuvre de cet accord c'est la guerre». Invité ce matin de Bruno Daroux sur RFI, il estime également que l'Union européenne doit veiller au bon déroulement du processus de paix.



par Nicolas  Sur

Article publié le 27/08/2001