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Nigeria

Week-end sanglant à Jos

Les Haoussa et les Berom s'affrontent violemment dans les rues de Jos, une ville de 4 millions d'habitants située au centre du Nigeria. Une confrontation à la fois économique, historique et religieuse.
Des centaines de morts selon la presse, plus de cent soixante-cinq selon la Croix Rouge, au moins cinquante et un selon les autorités locales. La ville de Jos, capitale de l'Etat du Plateau (dans le centre du Nigeria) a vécu un long week-end d'affrontements violents entre deux communautés que tout sépare : d'un côté les Haoussa, des musulmans qui peuplent traditionnellement le nord du pays, et de l'autre les Berom, des chrétiens très implantés dans le centre, tandis que les Ibo et les Yoruba peuplent respectivement les sud-est et le sud-ouest du Nigeria.

Ces affrontements ont commencé vendredi soir, après la prière des musulmans, entre des bandes rivales armées de pistolets et de machettes, lorsqu'une femme chrétienne a par inadvertance traversé une place située juste en face d'une mosquée, dans une quartier de Jos. Mais la principale raison de cette soudaine explosion de violence semble liée à la nomination d'un membre de l'ethnie haoussa au poste de coordinateur d'un programme gou
vernemental contre la pauvreté

Pour les Berom, les Haoussa sont des "colons étrangers".

Selon différents témoignages, c'est dans le quartier de Tudun Wada que ces affrontements ont été les plus violents dès vendredi soir, mais les autres quartiers ne semblent pas épargnés. Dimanche, même le faubourg périphérique de Bukuru a connu à son tour des violences, en dépit de l'intervention musclée de l'armée nigériane. «Les soldats sont dépassés en nombre. Tout ce qu'il peuvent faire, c'est inviter la population à déposer les armes» a déclaré lundi un habitant de Jos. Des églises, des mosquées mais surtout des maisons individuelles ont été incendiées par ces « bandes » de jeunes. Des tirs ont été encore entendus dans la nuit de dimanche à lundi, lorsque des jeunes berom ont de nouveau bravé le couvre-feu nocturne décrété par les autorités, et de nombreux coups de feu ont été entendus dans différents quartiers de Jos, mais leur origine n'a pu être établie de manière précise.

Différentes initiatives visant à rétablir le calme ont été lancées sans succès tout au long de ce week-end : l'ex président Yakubu Gowon - lui même originaire du nord, mais de religion chrétienne - a en vain tenté d'établir un contact entre leaders traditionnels haoussa et berom.

L'Etat du Plateau est aujourd'hui majoritairement peuplé de l'ethnie berom, qui considère les Haoussa - et plus généralement les musulmans - comme des «étrangers» voire des «colons», et ce avant même la colonisation britannique, en raison surtout des razzias pratiquées des siècles durant par des ressortissants des royaumes musulmans du Nord dans les territoires non islamisés. Leur hostilité vis-à-vis de l'Islam les a d'abord poussés à embrasser la religion chrétienne, mais aussi à se rapprocher des colonisateurs, et ce d'autant plus que l'Etat du Plateau leur offrait la possibilité de devenir des mineurs salariés dans les mines d'étain de cet Etat très peuplé, dont la capitale Jos compte à elle seule plus de quatre millions d'habitants.

Au Nigeria, la confrontation entre communautés chrétiennes et musulmanes ne date pas d'aujourd'hui , mais depuis octobre 1999 elle s'est nettement intensifiée en raison de l'introduction de la loi islamique - la charia- dans la plupart des états du nord : douze sur dix-neuf. Mais, dans l'Etat du Plateau le différend est à la fois économique, ethnique et religieux.

Les affrontements entre chrétiens et musulmans, qui représentent chacun 45% environ de la population du pays, ont d'ores et déjà provoqué la mort de deux à trois mille personnes, notamment dans l'Etat de Kaduna (nord), à la suite des appels de leaders musulmans en faveur de l'introduction de la charia, avant de s'étendre à d'autres Etats du nord du pays.



par Elio  Comarin

Article publié le 10/09/2001