Grande-Bretagne
La nouvelle passion africaine de Tony Blair
Le Premier ministre britannique recevait, ce mardi 18 septembre, six chefs d'Etat africains, dont le Sénégalais Abdoulaye Wade. Actualité oblige, les attentats aux Etats-Unis ont bousculé un agenda essentiellement économique. Mais ce mini-sommet, premier du genre en Grande Bretagne, confirme l'intérêt croissant de Tony Blair pour le continent africain.
A la veille de sa victoire aux législatives du printemps dernier, Tony Blair s'était engagé à faire de l'Afrique une priorité de son deuxième mandat. Le Premier ministre britannique veut visiblement tenir parole. Ce mardi, il a ainsi reçu six chefs d'Etat africains dans sa résidence de Chequers, à l'Ouest de Londres. Comme pour souligner l'importance qu'il accorde désormais au continent noir, le chef du gouvernement a maintenu le rendez-vous, en dépit des bouleversements consécutifs aux attentats de New York et Washington.
On s'en doutait, la catastrophe qui vient de frapper les Etats-Unis à quelque peu bouleversé des discussions certes «informelles», mais censées tourner autour de sujets économiques. D'autant que figuraient, parmi les invités, les dirigeants de la Tanzanie et du Nigeria, deux pays concernés, chacun à leur manière, par les dérives du fondamentalisme musulman. Le premier, parce qu'il fut le théâtre, en août 1998, d'un attentat anti-américain, commis simultanément avec celui extrêmement meurtrier de Nairobi et attribué à des membres du réseau d'Oussama Ben Laden. Le second, du fait que ses Etats du Nord musulman sont confrontés à l'émergence de mouvements islamistes radicaux.
En fait, Tony Blair souhaitait avant tout «approfondir ses relations» avec des dirigeants «ayant démontré une approche moderne de la politique», assure-t-on au Foreign Office. Outre Olusegun Obasanjo, premier président nigérian élu démocratiquement depuis des lustres, et le Tanzanien Benjamin Mkapa, le premier ministre travailliste avait convié le Ghanéen John Kufuor, le Mozambicain Joaquim Chissano, le Botswanais Festus Mogae et, signe des temps, Abdoulaye Wade.
La présence du président sénégalais était bien sûr chargée de symbole. Comme Paris, Londres n'entend plus limiter ses relations avec le continent africain à ses anciennes colonies. Il ne s'agit toutefois pas que de cela. Tony Blair a apprécié la présentation qu'Abdoulaye Wade a fait de la fameuse «Nouvelle initiative africaine», lors du sommet du G8, fin juillet à Gênes. Fusion de propositions sénégalaise, sud-africaine, nigériane et algérienne pour une relance des économies du continent par l'investissement, la philosophie de ce plan d'action n'est pas très éloignée de la «troisième voie», entre libéralisme et socialisme, chère au leader du New Labour.
L'intervention militaire en Sierra Leone
Avec cette première série d'entretiens, Tony Blair confirme donc un virage amorcé en réalité pendant son premier mandat. Dès son arrivée au 10 Downing Street, en 1997, plusieurs mesures révélant un intérêt marqué pour un continent africain largement délaissé par ses prédécesseurs. Alors que Paris s'est résolu, depuis 1998, à fusionner les services du ministère de la Coopération avec celui des Affaires étrangères, le gouvernement travailliste a fait la démarche inverse en scindant en deux l'ancien département des pays en développement. Avec deux ministres : l'un chargé essentiellement du développement, l'autre de l'Afrique et des autres régions du tiers-monde. Autre signe tangible de son engagement : Londres a entrepris en mai 2000 une périlleuse opération militaire en Sierra Leone, pour aider le gouvernement de Freetown à lutter contre les rebelles du RUF (Front révolutionnaire uni), à complet contre-courant de la nouvelle doctrine de non-intervention militaire sur le continent noir désormais défendue à Paris et Washington. Peu habitué, dans le passé, à l'ingérence armée dans cette partie du monde, le Royaume Uni estime qu'il s'agit d'un «devoir» envers son ancienne colonie, explique un diplomate britannique. Pour les même raisons, Londres a multiplié les pressions contre Robert Mugabe, au Zimbabwe, dont la dérive du régime a laissé craindre une déstabilisation durable de cet ancien fleuron de la présence anglaise en Afrique australe.
Mais le Premier ministre veut faire plus, notamment en matière d'aide au développement. Après avoir réduit ses dépenses en 1998 (3,8 milliards de dollars), le Royaume Uni a nettement redressé la barre en 1999 et 2000. La ministre chargée du développement, Clare Short, assure que son gouvernement souhaite atteindre la barre fatidique des 0,7% du PNB. Comme le fit en son temps Bill Clinton, aux Etats-Unis, Tony Blair cherche manifestement à imprimer sa marque à la politique africaine de la Grande Bretagne. Quelques mois avant sa réélection, il avait chargé une équipe de spécialistes du continent africain de lui faire des propositions à ce sujet. Dans les prochains mois, son entourage envisage même un périple africain, de même qu'une seconde visite commune des ministres britannique et français des Affaires étrangères, qui ferait suite à la tournée de Robin Cook et Hubert Védrine de mars 1999.
A Londres, on insiste en effet sur la convergence de vues entre les deux pays, y compris sur les dossiers sensibles. A propos du Congo démocratique, bien que plus proche de l'Ouganda et du Rwanda, la Grande Bretagne souhaite ainsi mener un «dialogue critique» avec ces pays, tout en «maintenant l'attention internationale sur la RDC», à l'instar de la France et de la Belgique. Dans le même temps, les positions françaises et britanniques se sont rapprochées sur la question épineuse des sanctions onusienne contre le Liberia, pour cause de soutien aux rebelles sierra-léonais. La Grande Bretagne semble s'être, pour l'instant, ralliée à la position française hostile à une extension de l'embargo actuel sur les diamants aux exportations de bois «de peur qu'il ne touche les Libériens ordinaires». Désireux de relancer sa politique africaine, Tony Blair ne souhaite manifestement pas laisser l'impression de redonner vie à la vieille rivalité franco-britannique dans la région.
On s'en doutait, la catastrophe qui vient de frapper les Etats-Unis à quelque peu bouleversé des discussions certes «informelles», mais censées tourner autour de sujets économiques. D'autant que figuraient, parmi les invités, les dirigeants de la Tanzanie et du Nigeria, deux pays concernés, chacun à leur manière, par les dérives du fondamentalisme musulman. Le premier, parce qu'il fut le théâtre, en août 1998, d'un attentat anti-américain, commis simultanément avec celui extrêmement meurtrier de Nairobi et attribué à des membres du réseau d'Oussama Ben Laden. Le second, du fait que ses Etats du Nord musulman sont confrontés à l'émergence de mouvements islamistes radicaux.
En fait, Tony Blair souhaitait avant tout «approfondir ses relations» avec des dirigeants «ayant démontré une approche moderne de la politique», assure-t-on au Foreign Office. Outre Olusegun Obasanjo, premier président nigérian élu démocratiquement depuis des lustres, et le Tanzanien Benjamin Mkapa, le premier ministre travailliste avait convié le Ghanéen John Kufuor, le Mozambicain Joaquim Chissano, le Botswanais Festus Mogae et, signe des temps, Abdoulaye Wade.
La présence du président sénégalais était bien sûr chargée de symbole. Comme Paris, Londres n'entend plus limiter ses relations avec le continent africain à ses anciennes colonies. Il ne s'agit toutefois pas que de cela. Tony Blair a apprécié la présentation qu'Abdoulaye Wade a fait de la fameuse «Nouvelle initiative africaine», lors du sommet du G8, fin juillet à Gênes. Fusion de propositions sénégalaise, sud-africaine, nigériane et algérienne pour une relance des économies du continent par l'investissement, la philosophie de ce plan d'action n'est pas très éloignée de la «troisième voie», entre libéralisme et socialisme, chère au leader du New Labour.
L'intervention militaire en Sierra Leone
Avec cette première série d'entretiens, Tony Blair confirme donc un virage amorcé en réalité pendant son premier mandat. Dès son arrivée au 10 Downing Street, en 1997, plusieurs mesures révélant un intérêt marqué pour un continent africain largement délaissé par ses prédécesseurs. Alors que Paris s'est résolu, depuis 1998, à fusionner les services du ministère de la Coopération avec celui des Affaires étrangères, le gouvernement travailliste a fait la démarche inverse en scindant en deux l'ancien département des pays en développement. Avec deux ministres : l'un chargé essentiellement du développement, l'autre de l'Afrique et des autres régions du tiers-monde. Autre signe tangible de son engagement : Londres a entrepris en mai 2000 une périlleuse opération militaire en Sierra Leone, pour aider le gouvernement de Freetown à lutter contre les rebelles du RUF (Front révolutionnaire uni), à complet contre-courant de la nouvelle doctrine de non-intervention militaire sur le continent noir désormais défendue à Paris et Washington. Peu habitué, dans le passé, à l'ingérence armée dans cette partie du monde, le Royaume Uni estime qu'il s'agit d'un «devoir» envers son ancienne colonie, explique un diplomate britannique. Pour les même raisons, Londres a multiplié les pressions contre Robert Mugabe, au Zimbabwe, dont la dérive du régime a laissé craindre une déstabilisation durable de cet ancien fleuron de la présence anglaise en Afrique australe.
Mais le Premier ministre veut faire plus, notamment en matière d'aide au développement. Après avoir réduit ses dépenses en 1998 (3,8 milliards de dollars), le Royaume Uni a nettement redressé la barre en 1999 et 2000. La ministre chargée du développement, Clare Short, assure que son gouvernement souhaite atteindre la barre fatidique des 0,7% du PNB. Comme le fit en son temps Bill Clinton, aux Etats-Unis, Tony Blair cherche manifestement à imprimer sa marque à la politique africaine de la Grande Bretagne. Quelques mois avant sa réélection, il avait chargé une équipe de spécialistes du continent africain de lui faire des propositions à ce sujet. Dans les prochains mois, son entourage envisage même un périple africain, de même qu'une seconde visite commune des ministres britannique et français des Affaires étrangères, qui ferait suite à la tournée de Robin Cook et Hubert Védrine de mars 1999.
A Londres, on insiste en effet sur la convergence de vues entre les deux pays, y compris sur les dossiers sensibles. A propos du Congo démocratique, bien que plus proche de l'Ouganda et du Rwanda, la Grande Bretagne souhaite ainsi mener un «dialogue critique» avec ces pays, tout en «maintenant l'attention internationale sur la RDC», à l'instar de la France et de la Belgique. Dans le même temps, les positions françaises et britanniques se sont rapprochées sur la question épineuse des sanctions onusienne contre le Liberia, pour cause de soutien aux rebelles sierra-léonais. La Grande Bretagne semble s'être, pour l'instant, ralliée à la position française hostile à une extension de l'embargo actuel sur les diamants aux exportations de bois «de peur qu'il ne touche les Libériens ordinaires». Désireux de relancer sa politique africaine, Tony Blair ne souhaite manifestement pas laisser l'impression de redonner vie à la vieille rivalité franco-britannique dans la région.
par Christophe Champin
Article publié le 19/09/2001