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Pakistan

Islamabad à l'heure des choix

Pièce maîtresse dans l'offensive des occidentaux en Afghanistan, Islamabad, après avoir pris ses distances avec les taliban, réaffirme son engagement aux côtés de la coalition anti-terroriste et pose ses exigences quant à l'avenir politique à Kaboul. Dans ce contexte, le général Musharraf vient de procéder à un remaniement à la tête des forces armées. En attendant, il doit affronter la colère de la rue.
«Nous avons fait tout notre possible mais malheureusement, il n'a pas été possible d'empêcher ce qui s'est passé la nuit dernière», a déclaré lundi matin le général Musharraf, au cours d'une conférence de presse à Islamabad.

Il a exprimé le souhait que les attaques soient bien ciblées et qu'elles épargnent la population civile. Le président pakistanais a précisé que les frontières de son pays seraient imperméables à tout afflux de réfugiés et que seuls les malades ou les invalides seraient tolérés. «Nous pouvons nous attendre maintenant à plus d'un million de réfugiés et nous ne pouvons accepter ce fardeau. Nous ne pouvons ouvrir nos frontières».

Le général Musharraf a affirmé que son pays, qui partage 2 500 km de frontière avec son voisin afghan, n'avait pas servi de base arrière aux raids de la nuit dernière en reconnaissant toutefois que l'espace aérien pakistanais avait été utilisé pour les attaques. «J'ai obtenu des assurances précises que cette opération serait courte et qu'elle ne devrait pas entraîner des dommages collatéraux», a-t-il poursuivi, confirmant que son pays fournissait actuellement des informations et un soutien logistique à la coalition occidentale. Car Islamabad affiche maintenant ouvertement sa nouvelle position et son soutien à Washington. Les remaniements auxquels vient de procéder le dirigeant pakistanais à la tête des forces armées vont dans ce sens.

Selon les observateurs, ces modifications auront des implications directes sur les activités des tout-puissants services de renseignements, l'ISI, l'Inter Services Intelligence, qui ont contribué à porter les taliban au pouvoir en 1996. Ainsi, le général Mahmood Ahmed, chef de l'ISI, a-t-il été mis en «retraite anticipée». C'est lui, d'ethnie Pachtoune, qui avait conduit la délégation en Afghanistan venue en vain demander aux taliban de livrer Ben Laden aux Etats-Unis.

Selon le quotidien The News, il devrait être remplacé par le général Ehsanul Haq, commandant des forces basées à Peshawar. Autres nominations : celles du général Mohammad Aziz Khan au poste de président du comité major des forces armées et du général Mohammad Yusuf au poste de chef d'état-major adjoint. Même si le général Musharraf affirme que ces changements n'ont rien à voir avec la situation actuelle, ils lui donnent les coudées franches et lui permettent de renforcer son emprise sur l'appareil militaire.


La colère de la rue


Enfin, le général Musharraf a dit craindre « l'anarchie » si l'Alliance du Nord, l'opposition armée afghane, dominait un futur gouvernement en Afghanistan. «Le Pakistan, souhaite avoir à son ouest un Afghanistan amical. L'Alliance du Nord doit bien entendu être tenue en échec afin que nous ne revenions pas à la période d'anarchie antérieure», a-t-il dit.

Entre 1992 et 1996, l'Afghanistan a vécu une situation trouble, le pouvoir était alors dominé par l'ethnie tadjike (celle du commandant Massoud) alors que les Pachtounes, groupe ethnique majoritaire, ont été écartés des instances militaires dirigeantes. Et le Pakistan, qui compte une forte communauté pachtoune sur son territoire, a toujours été favorable aux commandants pachtounes en Afghanistan. «Nous devons nous assurer de la stabilité de l'Afghanistan à venir», a-t-il poursuivi.

Mais pour l'instant, loin des perspectives politiques à Kaboul, le général Musharraf doit affronter la colère de sa rue. Lundi matin, la police a dispersé à coups de grenades lacrymogènes quelque 1 500 islamistes radicaux à Peshawar, venus manifester leur soutien à Oussama Ben Laden et leur hostilité à l'Amérique devant la mosquée Ahhaquina. Dans la nuit déjà des incidents avaient éclaté. A Quetta, dans l'ouest du pays, ce sont plus de 10 000 manifestants qui sont descendus dans la rue pour clamer leur colère.

Dès dimanche, dans un soucis de sécurité, les autorités avaient décidé la fermeture, pour trois jours, des écoles, des collèges et universités. La ville de Quetta, capitale du Balouchistan, est limitrophe de l'Afghanistan. Le rassemblement de lundi a dégénéré. Des immeubles et des véhicules ont été incendiés. Ces violences ont éclaté après que les dignitaires religieux eurent déclaré que le jihad, la «guerre sainte» était désormais obligatoire pour les musulmans pakistanais.




par Sylvie  Berruet

Article publié le 08/10/2001