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Attentats: la riposte

Le militaro-humanitaire en question

Les largages de vivres par l'armée américaine en Afghanistan sont, au mieux, inutiles, au pire dangereux, affirment des associations spécialistes de l'aide d'urgence. Ainsi est relancé en France le débat sur le caractère militaro-humanitaire de la gestion des crises politiques.
Le secrétaire américain à la Défense Donald Rumsfeld s'est félicité, dans un même mouvement, du succès des parachutages de rations alimentaires sur l'Afghanistan et des attaques sur des cibles militaires. La présidente du Parlement européen Nicole fontaine a jugé «indispensable de concilier riposte militaire et aide humanitaire d'envergure». C'est bien cette conciliation que les ONG humanitaires contestent une fois de plus, avec plus ou moins de vigueur.

Le président de Médecins sans frontières, Jean-Hervé Bradol, s'indigne qu'on puisse qualifier d'humanitaire l'acte qui consiste, d'une main, à bombarder et, de l'autre, à offrir de l'aide. Il y voit une erreur grave dans le règlement de la situation alimentaire et médicale de la population afghane, réellement précaire. Ces rations sont, de l'avis des spécialistes de l'aide d'urgence, inadaptées et en nombre dérisoire eu égard aux besoins : quelques milliers de rations contenant, soulignent-ils avec ironie, de la confiture de fraise et du beurre de cacahuèteà

Pour les ONG humanitaires, ces «gestes» en direction de la population afghane ont en fait un double objectif, sans efficacité directe. D'une part, donner un habillage humanitaire à une opération militaire afin de s'assurer de l'assentiment de l'opinion publique. Et, d'autre part, adresser un message politique au peuple afghan : la population civile n'est pas la cible des bombardements mais bien les seuls Taliban.

Contre-productif

Si encore les parachutages étaient sans grande utilité, comme le reconnaît Patrice Franceschi, président de Solidarités, ONG depuis longtemps présente en Afghanistan, ajoutant cependant que c'est toujours mieux que rien. Mais, pour d'autres organisations humanitaires, le résultat est, tout bonnement contre-productif en ce qui concerne l'aide aux populations et dangereux pour les volontaires des associations, assimilés aux combattants.

Alors que les largages concernent de petites quantités de vivres, les convois terrestres des différentes organisations humanitaires, 20 à 25 000 tonnes par mois, sont bloqués aux frontières, les Taliban ayant banni les associations étrangères depuis les menaces de représailles sur leur territoire. Le programme alimentaire mondial (PAM) évalue désormais les besoins à 50 000 tonnes par mois en raison de la dégradation de la situation et de l'afflux prévisible de 700 000 réfugiés supplémentaires aux frontières du Pakistan.

La confusion entre aide humanitaire et opérations militaires a fait l'objet des préoccupations des «french doctors» au cours des dernières années, après les interventions militaires au Soudan, au Rwanda ou en Bosnie. Dès 1999, recevant le Prix Nobel de la paix, au nom de Médecins sans frontières, Rony Brauman et Philippe Biberson, tous deux anciens présidents de MSF, insistaient sur la nécessité de déployer de manière indépendante secours et l'assistance et intervention politique et militaire. «Les volontaires de l'humanitaire, disaient-ils, ne sont pas plus désireux que les journalistes d'être confondus avec des soldats, ce qui arrive immanquablement lorsque les uns et les autres avancent sous la même bannière».



par Francine  Quentin

Article publié le 09/10/2001