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Attentats

La France renforce sa défense antibactériologique

Alors qu'aux Etats-Unis, on recense treize cas de personnes infectées par la bactérie de l'anthrax et que les autorités incitent la population à la plus extrême vigilance, en France aussi des mesures sont prises pour parer à l'éventualité d'une attaque biologique. Mais Bernard Kouchner, ministre délégué à la Santé, estime par ailleurs qu'il faut raison garder car «la plus grande alliée du terrorisme, c'est la peur».
Aux Etats-Unis, la psychose est en train de s'installer. Après les premiers cas de contamination par l'anthrax découverts en Floride, d'autres personnes ont été atteintes à New York. Là encore, la bactérie aurait été introduite sous la forme d'une poudre blanche dissimulée à l'intérieur d'un courrier ouvert par les personnes infectées.

Si aucun élément ne permet pour le moment d'assurer qu'il existe un lien entre cette résurgence de la maladie du charbon sur le sol américain et les attentats du 11 septembre dernier, il n'en demeure pas moins que les autorités privilégient dès maintenant la piste criminelle. Tommy Thompson, le ministre de la Santé, a ainsi déclaré que l'envoi de lettres contaminées par la bactérie représentait bien «un acte de terrorisme et de bioterrorisme». Comment? Pourquoi ? C'est l'enquête menée par le FBI qui devra le déterminer.

En attendant, de plus en plus d'Américains se font prescrire le seul antibiotique recommandé pour traiter cette maladie, le Cipro, fabriqué par les laboratoires Bayer. Ces derniers ont écoulé en quelques semaines tout leur stock disponible et ont même décidé la réouverture d'une usine, jusque-là fermée, pour assurer la production de cette molécule.

Dépister, diagnostiquer, traiter

Dans ce contexte, la France a pris rapidement des mesures pour augmenter la vigilance et, si nécessaire, réduire les temps de réaction dans la chaîne de surveillance et d'alerte. Début octobre, le gouvernement a ainsi lancé le plan Biotox pour lutter contre les dangers d'une attaque chimique ou biologique dans l'Hexagone. Le budget de 400 millions de francs initialement prévu est passé ensuite à 999 millions. Le plan s'appuie sur une coordination interministérielle «particulière» entre les ministères de la Santé, de l'Intérieur et de la Défense et vise à renforcer à la fois la prévention, la surveillance, l'alerte et l'intervention. A titre d'exemple, la sécurité sur les sites de stockage sensibles est accentuée, le contrôle de la détention et de la circulation de produits à risque (charbon, variole, pesteà) est amélioré, de même que les systèmes d'alerte en cas de bouffées épidémiques. Les moyens des onze laboratoires et centres nationaux de référence sur les maladies infectieuses et les risques biologiques sont renforcés. Pour Bernard Kouchner : «Tout est prêt pour éventuellement dépisterà, éventuellement diagnostiquer, éventuellement traiter».

L'un des dangers mis en avant par les spécialistes, en cas d'attaque bactériologique menée par des terroristes, est l'absence d'une quantité suffisante de médicaments ou d'antidotes disponibles immédiatement pour traiter les personnes qui seraient contaminées. Car les maladies susceptibles d'être utilisées comme arme biologique (anthrax, peste, variole), ont pour certaines, quasiment disparu, pour d'autres, été complètement éradiquées. C'est le cas de la variole. Selon l'Organisation mondiale de la Santé, la variole a disparu de la surface de la terre depuis 1980. Cette victoire contre un virus qui touchait jusqu'à quinze millions de personnes par an et en tuait dix, représente une avancée majeure.

Dans ce contexte, les stocks de virus destinés à fabriquer des vaccins n'étant plus nécessaires, l'OMS a recommandé leur destruction. Certains centres en détiennent pourtant encore officiellement, notamment en Russie et aux Etats-Unis. La poursuite des recherches a été autorisée jusqu'en 2002 pour permettre, par exemple, la mise au point des médicaments en cas de résurgence de l'infection. Par contre, il y aurait, en parallèle, un véritable marché noir des souches de virus issue
s notamment des stocks des pays de l'ex-Union soviétique.

Depuis l'annonce de l'éradication de la maladie, la vaccination a été progressivement abandonnée. En France, notamment, les autorités ont décidé d'y renoncer en 1983 car ce vaccin pouvait aussi avoir des effets secondaires graves. Il provoquait, dans environ un cas sur 100 000, une encéphalite variolique mortelle. Mais Bernard Kouchner a indiqué que la France disposait encore de 5 millions de doses de vaccins non périmés en stocks et avait relancé récemment la fabrication de 3 millions de doses supplémentaires pour être en mesure de faire face à tous les cas de figure.

Le ministre de la Santé a exclu malgré tout pour le moment, un nouveau recours systématique à la vaccination en France. D'autant que selon lui, à l'heure actuelle, rien n'incite à céder à la panique : «Il n'y a pas de maladie du charbon en Franceà ni d'autres cas de maladies dont on pourrait penser que le terrorisme se servirait».



par Valérie  Gas

Article publié le 15/10/2001