France: présidentielle 2002
La cohabitation dénoncée à Matignon
Dans un livre à paraître le 17 octobre intitulé «Matignon, rive gauche 1997-2001», Olivier Schrameck, le directeur de cabinet de Lionel Jospin, dénonce la cohabitation et souhaite que le Premier ministre soit candidat à l'élection présidentielle de 2002. L'opposition a réclamé sa démission.
Olivier Schrameck. Pour la majorité des Français, le nom de cet homme est celui d'un illustre inconnu. Et pourtant, depuis plus de quatre ans, il occupe une place de premier plan à Matignon : il est le directeur de cabinet de Lionel Jospin mais aussi son homme de confiance, celui qui accompagne ou dirige son action. En accord avec le Premier ministre, ce professeur de droit à la Sorbonne a choisi de sortir de sa réserve en publiant aux éditions du Seuil «Matignon, rive gauche 1997-2001». Une sortie forcément remarquée dans la mesure où c'est la première fois dans l'histoire de la Vème République qu'un directeur de cabinet d'un Premier ministre en exercice s'accorde une telle liberté. Une liberté d'autant plus singulière qu'elle intervient à six mois d'une échéance présidentielle.
Olivier Schrameck vient donc de briser un tabou en publiant un livre sur sa vie à Matignon en tant qu'observateur privilégié du fonctionnement du gouvernement et des relations entre Matignon et l'Elysée, alors même qu'il est toujours en fonction. Même si cela n'a jamais été interdit, aucun de ses prédécesseurs ne s'était risqué à ce type d'exercice, respectant ainsi un devoir de réserve recommandé aux membres de cabinets ministériels. Dans cet ouvrage de 190 pages écrit en douze jours, le plus proche collaborateur du Premier ministre n'a pas de mots assez durs pour dénoncer la cohabitation : «Il n'est pas de pire situation pour notre pays qu'un pouvoir exécutif divisé contre lui-même (à) La cohabitation fausse l'alternance (à) Comment faut-il apprécier le temps, l'énergie, la constante disponibilité que consacrent l'Elysée et Matignon non pas à l'intérêt national (à) mais à sans cesse anticiper, prévenir, combattre l'autre camp». Il déplore également les «verrous institutionnels» qui, du fait de la cohabitation, n'ont pas permis au gouvernement de Lionel Jospin d'aller jusqu'au bout de certaines réformes.
La droite veut sa tête
Pêle-mêle, Olivier Schrameck épingle Jacques Chirac «tribun de l'opposition usant d'un ministère de la parole». Il reproche entre autres au chef de l'Etat d'avoir utilisé les comptes-rendus des réunions interministérielles pour prendre de vitesse le gouvernement notamment sur l'interdiction des farines animales en novembre 2000. Plus grave, il accuse le président français d'avoir «utilisé dans un contexte de cohabitation» les jets de pierres des manifestants palestiniens en février 2000 à Bir Zeit, en Cisjordanie contre le Premier ministre. Plus généralement, le directeur de cabinet reproche à Jacques Chirac d'avoir bloqué plusieurs réformes importantes du gouvernement et en premier lieu celle de la justice. L'autre cible privilégiée du chef du cabinet s'appelle Jean-Pierre Chevènement, ancien ministre de l'Intérieur du gouvernement Jospin et aujourd'hui candidat à la présidentielle. Dans un long chapitre consacré au processus de Matignon, il s'efforce de corriger «quelques contre-vérités» sur la politique corse du gouvernement, qui a provoqué la démission du fondateur du Mouvement des Citoyens en août 2000. Il conclut son livre en évoquant l'élection présidentielle de 2002. A ses yeux, ce rendez-vous final sera marqué par «l'affrontement de deux tempéraments, de deux convictions, de deux visions de l'avenir de notre pays».
Avant même que cet ouvrage ne sorte en librairie, l'opposition a réagi et s'est insurgée tout en demandant la démission d'Olivier Schrameck. Les sept présidents de groupe de droite de l'Assemblée nationale et du Sénat ont vivement critiqué et condamné la démarche du directeur de cabinet de Lionel Jospin, auteur «d'un pamphlet scandaleux». Thierry Jean-Pierre, porte-parole de campagne d'Alain Madelin (Démocratie libérale) a déclaré que cet ouvrage était «de la propagande politique qui appelle clairement à voter Jospin et qui est particulièrement déplacé de la part d'un agent qui, que je sache, est payé par l'Etat et devrait avoir la décence de garder un minimum de réserve». Patrick Devedjian, conseiller politique du RPR a jugé «curieux d'entendre pour la première fois une candidature d'un Premier ministre annoncé par son directeur de cabinet (à) C'est assez original et finalement assez distancé à l'égard des Français». La vigueur de cette riposte a surpris d'autant plus que jusqu'à présent, la tonalité était plus à l'accalmie. La semaine dernière, des députés RPR avaient même applaudi le Premier ministre lors des questions à l'Assemblée nationale, après une intervention consacrée à la situation internationale.
Ce mardi, lors des questions à l'Assemblée nationale, Lionel Jospin a estimé que le livre de son collaborateur relevait «du droit absolu de chacun en démocratie de penser, d'écrire et de publier». A gauche, on s'offusque non pas de la teneur du livre mais plutôt des réactions de l'opposition. Ainsi Vincent Peillon, le porte-parole du Parti socialiste a-t-il déclaré qu'il «fallait raison garder. Les termes employés par la droite sont très excessifs. Il n'y a ni scandale ni haine à donner une contribution personnelle à une réflexion institutionnelle». Martine Aubry, maire socialiste de Lille, n'a, quant à elle, «vu aucune attaque personnelle» contre Jacques Chirac se disant «beaucoup plus choquée par les attaques du chef de l'Etat contre Lionel Jospin le 14 juillet». Le président du groupe PS à l'Assemblée nationale a même pris la défense d'Olivier Schrameck. Jean-Marc Ayrault a trouvé «la droite très nerveuse et comme d'habitude caricaturale (à) Il n'y a pas d'attaque personnelle dans ce livre. C'est une réflexion sur la cohabitation à partir d'une expérience» a-t-il tenu à ajouter. Les Verts via les propos de leur secrétaire nationale, ont estimé que l'ouvrage était «une initiative étonnante quand on connaît Olivier Schrameck, sa discrétion (à) Sur le fond, on est tous d'accord avec lui» a affirmé Dominique Voynet.
Certains verront peut-être dans le livre du discret collaborateur du chef de gouvernement des ambitions politiques plus lisibles dans la perspective de la présidentielle de 2002 et dans l'hypothèse d'une victoire de Lionel Jospin.
Lire également :
Le réquisitoire d'Olivier Schrameck
(Chronique de Geneviève Goëtzinger)
Olivier Schrameck vient donc de briser un tabou en publiant un livre sur sa vie à Matignon en tant qu'observateur privilégié du fonctionnement du gouvernement et des relations entre Matignon et l'Elysée, alors même qu'il est toujours en fonction. Même si cela n'a jamais été interdit, aucun de ses prédécesseurs ne s'était risqué à ce type d'exercice, respectant ainsi un devoir de réserve recommandé aux membres de cabinets ministériels. Dans cet ouvrage de 190 pages écrit en douze jours, le plus proche collaborateur du Premier ministre n'a pas de mots assez durs pour dénoncer la cohabitation : «Il n'est pas de pire situation pour notre pays qu'un pouvoir exécutif divisé contre lui-même (à) La cohabitation fausse l'alternance (à) Comment faut-il apprécier le temps, l'énergie, la constante disponibilité que consacrent l'Elysée et Matignon non pas à l'intérêt national (à) mais à sans cesse anticiper, prévenir, combattre l'autre camp». Il déplore également les «verrous institutionnels» qui, du fait de la cohabitation, n'ont pas permis au gouvernement de Lionel Jospin d'aller jusqu'au bout de certaines réformes.
La droite veut sa tête
Pêle-mêle, Olivier Schrameck épingle Jacques Chirac «tribun de l'opposition usant d'un ministère de la parole». Il reproche entre autres au chef de l'Etat d'avoir utilisé les comptes-rendus des réunions interministérielles pour prendre de vitesse le gouvernement notamment sur l'interdiction des farines animales en novembre 2000. Plus grave, il accuse le président français d'avoir «utilisé dans un contexte de cohabitation» les jets de pierres des manifestants palestiniens en février 2000 à Bir Zeit, en Cisjordanie contre le Premier ministre. Plus généralement, le directeur de cabinet reproche à Jacques Chirac d'avoir bloqué plusieurs réformes importantes du gouvernement et en premier lieu celle de la justice. L'autre cible privilégiée du chef du cabinet s'appelle Jean-Pierre Chevènement, ancien ministre de l'Intérieur du gouvernement Jospin et aujourd'hui candidat à la présidentielle. Dans un long chapitre consacré au processus de Matignon, il s'efforce de corriger «quelques contre-vérités» sur la politique corse du gouvernement, qui a provoqué la démission du fondateur du Mouvement des Citoyens en août 2000. Il conclut son livre en évoquant l'élection présidentielle de 2002. A ses yeux, ce rendez-vous final sera marqué par «l'affrontement de deux tempéraments, de deux convictions, de deux visions de l'avenir de notre pays».
Avant même que cet ouvrage ne sorte en librairie, l'opposition a réagi et s'est insurgée tout en demandant la démission d'Olivier Schrameck. Les sept présidents de groupe de droite de l'Assemblée nationale et du Sénat ont vivement critiqué et condamné la démarche du directeur de cabinet de Lionel Jospin, auteur «d'un pamphlet scandaleux». Thierry Jean-Pierre, porte-parole de campagne d'Alain Madelin (Démocratie libérale) a déclaré que cet ouvrage était «de la propagande politique qui appelle clairement à voter Jospin et qui est particulièrement déplacé de la part d'un agent qui, que je sache, est payé par l'Etat et devrait avoir la décence de garder un minimum de réserve». Patrick Devedjian, conseiller politique du RPR a jugé «curieux d'entendre pour la première fois une candidature d'un Premier ministre annoncé par son directeur de cabinet (à) C'est assez original et finalement assez distancé à l'égard des Français». La vigueur de cette riposte a surpris d'autant plus que jusqu'à présent, la tonalité était plus à l'accalmie. La semaine dernière, des députés RPR avaient même applaudi le Premier ministre lors des questions à l'Assemblée nationale, après une intervention consacrée à la situation internationale.
Ce mardi, lors des questions à l'Assemblée nationale, Lionel Jospin a estimé que le livre de son collaborateur relevait «du droit absolu de chacun en démocratie de penser, d'écrire et de publier». A gauche, on s'offusque non pas de la teneur du livre mais plutôt des réactions de l'opposition. Ainsi Vincent Peillon, le porte-parole du Parti socialiste a-t-il déclaré qu'il «fallait raison garder. Les termes employés par la droite sont très excessifs. Il n'y a ni scandale ni haine à donner une contribution personnelle à une réflexion institutionnelle». Martine Aubry, maire socialiste de Lille, n'a, quant à elle, «vu aucune attaque personnelle» contre Jacques Chirac se disant «beaucoup plus choquée par les attaques du chef de l'Etat contre Lionel Jospin le 14 juillet». Le président du groupe PS à l'Assemblée nationale a même pris la défense d'Olivier Schrameck. Jean-Marc Ayrault a trouvé «la droite très nerveuse et comme d'habitude caricaturale (à) Il n'y a pas d'attaque personnelle dans ce livre. C'est une réflexion sur la cohabitation à partir d'une expérience» a-t-il tenu à ajouter. Les Verts via les propos de leur secrétaire nationale, ont estimé que l'ouvrage était «une initiative étonnante quand on connaît Olivier Schrameck, sa discrétion (à) Sur le fond, on est tous d'accord avec lui» a affirmé Dominique Voynet.
Certains verront peut-être dans le livre du discret collaborateur du chef de gouvernement des ambitions politiques plus lisibles dans la perspective de la présidentielle de 2002 et dans l'hypothèse d'une victoire de Lionel Jospin.
Lire également :
Le réquisitoire d'Olivier Schrameck
(Chronique de Geneviève Goëtzinger)
par Clarisse Vernhes
Article publié le 16/10/2001