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Aviation

Le contrat du siècle

Le Pentagone vient de passer avec la société Lockheed Martin le plus gros contrat militaire de l'histoire. D'ici 2008, la production du Joint Strike Fighter, un appareil destiné à remplacer tous les chasseurs et avions d'attaque de l'armée américaine, devrait commencer.
Mauvaise nouvelle pour Boeing, c'est finalement son concurrent Lockheed Martin, deuxième groupe aérospatial américain, qui a obtenu le contrat record pour le développement du Joint Strike Fighter. Dans la course qui opposait les deux constructeurs, la décision a pris en compte «les forces, les faiblesses et le degré de risques» de chacun des projets. Pour le patron de l'US Air Force, James Roath : «L'équipe gagnante offre à la fois le plus bas coût et le meilleur projet».

La décision du Pentagone est lourde de conséquence car il s'agit d'un contrat énorme, le plus important de l'histoire. Dans un premier temps, la phase de développement et de démonstration bénéficiera d'un budget de 23 milliards de dollars, dont 19 iront à Lockheed Martin et 4 au motoriste Pratt and Whitney. Mais une fois que la production sera lancée, le Pentagone passera une commande de près de 3 000 Joint Strike Fighters pour un montant de 200 milliards de dollars. Auxquels devraient s'ajouter 200 milliards supplémentaires en provenance des pays alliés des Etats-Unis qui désirent bénéficier de cet appareil dernier cri. D'ores et déjà, la Grande-Bretagne, le Danemark, la Norvège, les Pays-Bas, le Canada, l'Italie font partie des acheteurs intéressés avec lesquels les Etats-Unis ont passé des accords de coopération. Singapour, la Turquie, Israël pourraient se joindre à eux. Il s'agit donc d'un contrat d'un montant global potentiel de 400 milliards de dollars.

400 milliards de dollars

Pour Vance Coffman, le Pdg de Lockheed Martin, cette décision du Pentagone va «déterminer les activités du groupe au cours des 30 ou 40 prochaines années». Ce contrat devrait, selon les experts, permettre à Lockheed Martin de maintenir une position dominante sur le marché des avions de combat dans la première moitié du 21e siècle. A l'heure actuelle, cette société est déjà le premier fournisseur du Pentagone. Elle construit des avions de combat comme le F-16 ou de transport militaire comme le C-130, qui sont actuellement utilisés dans les frappes contre l'Afghanistan. Lockheed Martin est dans un phase particulièrement heureuse car le Pentagone l'avait déjà choisi, il y a quelques mois, comme maître d'£uvre dans la production d'un autre appareil, le F-22, chasseur furtif de haute technologie qui doit remplacer le F-15E. Un contrat d'un montant de 45 milliards de dollars.

Pour Boeing, cet échec représente une très grosse déception. La décision du Pentagone entraîne une réduction d'un milliard de dollars sur son chiffre d'affaires 2002. Mais selon son président, Phil Condit les marges bénéficiaires nettes de la société ne devraient pas être affectées l'année prochaine par la perte de ce contrat. Dans un contexte économique très dur pour les constructeurs aériens après les attentats du 11 septembre aux Etats-Unis, il semble que le secteur de la défense offre malgré tout à Boeing, qui bénéficie de programmes militaires solides, des perspectives intéressantes. Phil Condit a estimé qu'il y avait «des opportunités». Comme celle du remplacement de 500 avions de ravitaillement de l'US Air Force, mis en service il y a quarante ans. D'autre part, Boeing a proposé de sous-traiter pour Lockheed Martin une partie du contrat sur le Joint Strike Fighter. Cette pratique de redistribution du travail entre le gagnant et le perdant sur un appel d'offre militaire est très courante. Elle est même encouragée par le gouvernement américain qui y voit un bon moyen de maintenir la base industrielle militaire aux Etats-Unis. Boeing est ainsi, par exemple, déjà associé à Lockheed Martin pour la production du F-22.

Le Joint Strike Fighter est défini comme un avion «multirôles». C'est un monoréacteur furtif, capable d'échapper aux radars et offrant une très grande capacité de man£uvres à des vitesse supersoniques. D'un poids de 11 tonnes, il pourra emporter 6,5 tonnes d'armement (bombes ou missiles), et 7,5 tonnes de carburant. Son rayon d'action sans ravitaillement sera de 1000 km. Cet appareil doit, et c'est inédit, équiper trois corps de l'armée américaine, l'Air Force, la Navy, et les Marines. C'est d'ailleurs l'utilisation spécifique par les deux derniers qui justifie la production d'une version de l'appareil capable de décoller sur des distances très courtes, voire même verticalement. Les différentes versions du Joint Strike Fighter auront 80 % des pièces et des équipements électroniques en commun. Cette exigence du Pentagone vise à réduire les coûts de production et d'entretien de l'avion.



par Valérie  Gas

Article publié le 28/10/2001