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Affaires politico-financières

Chirac protégé par la Cour de cassation

La Cour de cassation a rendu, le 10 octobre, son arrêt relatif au statut pénal du chef de l'Etat français. Le président de la République ne peut faire l'objet d'aucune poursuite pendant la durée de son mandat mais peut cependant être entendu comme témoin s'il l'accepte. De son côté, le député socialiste, Arnaud Montebourg retire sa proposition de mise en accusation de Jacques Chirac.
Tant qu'il sera en poste à l'Elysée, le président français, probable candidat à sa réélection en avril 2002, ne sera pas inquiété sur les dossiers judiciaires concernant la Mairie de Paris. Ainsi en a décidé, le 10 octobre, la Cour de cassation dans son arrêt de principe -long de huit pages dont une et demie concerne le rappel des faits- sur le statut pénal du chef de l'Etat.

Dans cet arrêt solennel, historique et définitif, le premier sur ce sujet sous la Vème République, la plus haute juridiction composée de 19 magistrats, a reconnu le statut particulier du chef de l'Etat en rappelant qu'il est «élu directement par le peuple» et qu'il est le garant, selon la Constitution, de la «continuité de l'Etat». La Cour de cassation a estimé que le président ne peut faire l'objet d'aucune poursuite, mise en examen ou audition comme témoin assisté, pendant la durée de son mandat, mais il peut cependant être entendu comme simple témoin s'il l'accepte. Hors le cas de haute trahison, qui relève de la Haute Cour de justice, «les poursuites pour tous les autres actes devant les juridictions pénales de droit commun ne peuvent être exercées pendant la durée du mandat présidentiel». En revanche, la Cour de cassation a stipulé que la règle de la prescription, poursuites limitées dans le temps, est suspendue pendant le ou les mandats du président. Cet arrêt se substitue donc à un texte du Conseil constitutionnel du 22 janvier 1999 et va même plus loin puisque ce dernier, s'il interdisait toute poursuite devant les juges ordinaires, déclarait que la Haute cour de justice était compétente.

Des réactions mitigées

Après cet arrêt, l'avenir des quatre dossiers judiciaires dans lesquels le nom de Jacques Chirac est cité est désormais suspendu au résultat de la présidentielle de 2002. Si le président français, qui sera très certainement candidat à sa propre succession au printemps prochain, n'est pas reconduit à l'Elysée, il risque une mise en examen ou des auditions dans ces dossiers dès son départ de la présidence. En revanche, s'il est réélu, les juges seront confrontés à un choix difficile : ils pourront soit attendre 2007 pour entendre ou mettre en examen le président ou bien alors disjoindre la partie de leur dossier qui ne concerne pas l'ex-maire de Paris et renvoyer les autres mis en examen devant le tribunal. Ces deux solutions présentent cependant de sérieux inconvénients juridiques : attendre 2007 pour juger des faits qui remontent au début des années 90 constituerait une violation du droit des personnes à «être jugées dans un délai raisonnable» prévu dans la Convention européenne des droits de l'homme, d'autre part, juger les dossiers sans Jacques Chirac pourrait conduire les prévenus à estimer qu'ils répondent des charges à sa place.

Trés attendue, cette décision de la Cour de cassation provoque de multiples réactions. Ainsi, le député socialiste Arnaud Montebourg, initiateur de la proposition de résolution de mise en accusation et de l'envoi du chef de l'Etat devant la Haute cour, s'est félicité de «cette victoire judiciaire et politique contre l'immunité et l'impunité». En conséquence, il a retiré sa résolution «devenue désormais inutile» en ajoutant que le chef de l'Etat «sait à l'heure actuelle que dans quelques mois il a rendez-vous avec cinq juges d'instruction dans les affaires mettant en cause sa probité personnelle». Autre député à s'être félicité, mais pas pour les mêmes raisons, le RPR Patrick Devedjian a déclaré : «Ce n'est pas une victoire pour nous, c'est la victoire du droit». Quant à Maître Guy Lesourd, avocat de Louis Breisacher, partie civile qui avait demandé l'audition de Jacques Chirac dans l'affaire de l'imprimerie SEMPAP, il a estimé que «le report des poursuites à la fin du mandat rend illusoires les éventuelles poursuites». «La situation procédurale créée par la décision de la Cour de cassation est abracadabrandesque» a, pour sa part, déclaré Maître Pierre-François Divier, autre avocat de la partie civile.

Lire également :
Chirac: la fin des ennuis
( Edito politique, Geneviève Goëtzinger, 11/10/200



par Clarisse  Vernhes

Article publié le 10/10/2001