Zimbabwe
Anthrax : l'arme fatale<br>de l'ancien régime blanc
La dernière épidémie de maladie du charbon volontairement provoquée par l'homme a eu lieu au Zimbabwe à fin des années 70. Le régime raciste de Ian Smith l'avait provoquée pour lutter contre la guérilla noire. Des milliers de personnes avaient été contaminées. Retour sur un drame oublié.
Alors que les Etats-Unis multiplient les mesures de précaution pour empêcher la propagation de la maladie du charbon, quinze personnes ont été contaminées, tout récemment, dans le centre du Zimbabwe. Annoncée par le quotidien gouvernemental, le 26 octobre dernier, l'information est passée inaperçue. Et pour cause : ce pays d'Afrique australe en a connu de nombreux cas, depuis une vingtaine d'années. Les victimes n'ont, de plus, pas été infectées par une quelconque poudre blanche, mais après avoir été en contact avec de la viande bovine contaminée.
Pourtant, la présence de la maladie du charbon dans certaines régions n'a rien d'anodin. Car le Zimbabwe est le dernier Etat dans le monde à avoir connu une épidemie d'Anthrax volontairement provoquée par l'homme. En 1979, ce qui s'appelle encore la Rhodésie, vit les derniers mois d'un système d'apartheid qui ne dit pas son nom. Le régime du Premier ministre Ian Smith est engagé dans une lutte à mort contre les guérilleros noirs dirigés par l'actuel président Robert Mugabe et son concurrent Joshua Nkomo. Pour la remporter, il est prêt à tout, y compris à utiliser l'arme biologique.
C'est alors que survient l'une des plus graves épidémies de maladie du charbon de l'histoire. En deux ans, plus de dix mille cas de contamination humaine, dont 182 mortels, sont recensés. Des milliers de bovins sont infectés et doivent être abattus. Selon une enquête, menée quelques années plus tard par le docteur Meryl Nass, spécialiste américaine reconnue de l'infection, six des huit provinces du pays seront touchées. Le docteur Nass sera aussi la première à démontrer, preuves à l'appui, que l'épidémie est très probablement le résultat d'actes délibérés des forces spéciales rhodésiennes, les tristements célèbres «Selous Scout».
L'aide secrète de l'Afrique du Sud
Des témoignages, recueillis par la suite, permettront d'en savoir davantage sur la manière dont ces derniers ont procédé. Un ancien membre des services secrets rhodésiens, dont les propos sont repris dans l'ouvrage Plague Wars (de Tom Mangold et Jeff Goldberg, Macmillan, Londres), admettra ainsi, dans une confession écrite, que des spores de la maladies du charbon ont été utilisés de manière «expérimentale» pour tuer le bétail des «tribus africaines», en tentant de leur faire croire qu'ils avaient été introduits au Zimbabwe par des guérilleros venus du Mozambique. L'histoire ne dit pas s'ils avaient prévu que des hommes mourront aussi, après ingestion de viandes infectées. Selon plusieurs sources, les soldats de l'ombre ont aussi provoqué des épidémies de choléra dans certains villages pour déstabiliser l'opposition armée.
Comment le régime blanc d'alors s'est-il procuré des échantillons de ces deux maladies ? Tout porte à croire qu'ils venaient d'Afrique du Sud. Entouré à l'époque, pour partie, de voisins hostiles, comme la Zambie et le Mozambique, sanctuaire de la guérilla, le régime de Ian Smith jouit néanmoins du soutien de l'Afrique du Sud, qui mène alors une lutte acharnée contre le Congrès national africain (ANC). Prétoria a déjà mis en place un programme biologique et chimique secret, qui vise l'émination des responsables du mouvement de Nelson Mandela. Lors des auditions de la Commission vérité et réconciliation, consacrées à cette question, en 1998, l'existence de ce programme a été confirmée par celui qui le dirigea, Wouter Basson, surnommé «docteur la mort» pour les expériences monstreuses auxquelles il s'est livré contre des sud-africains noirs durant les années d'apartheid. Des témoins ont également évoqué l'aide «scientifique» de l'Afrique du Sud à la Rhodésie, sous forme de fourniture de spores de la maladie du charbon et de vibrions cholériques.
Plus de vingt années ont passé. Mais des cas humains de maladie du charbon sont encore régulièrement signalés au Zimbabwe. Avant ceux rapportés par le quotidien gouvernemental, le 26 octobre, la maladie a coûté la vie à neuf personnes, en décembre 2000, dans des villages situés à peine à 100 kilomètres de la capitale. Selon le ministre de la santé, celle-ci a en fait durablement contaminé le sol en certain points du territoire et peut ressurgir à tout moment. Mais faute de moyens, le Zimbabwe a jusqu'à maintenant échouer à se débarrasser définitivement de ce fléau.
Pourtant, la présence de la maladie du charbon dans certaines régions n'a rien d'anodin. Car le Zimbabwe est le dernier Etat dans le monde à avoir connu une épidemie d'Anthrax volontairement provoquée par l'homme. En 1979, ce qui s'appelle encore la Rhodésie, vit les derniers mois d'un système d'apartheid qui ne dit pas son nom. Le régime du Premier ministre Ian Smith est engagé dans une lutte à mort contre les guérilleros noirs dirigés par l'actuel président Robert Mugabe et son concurrent Joshua Nkomo. Pour la remporter, il est prêt à tout, y compris à utiliser l'arme biologique.
C'est alors que survient l'une des plus graves épidémies de maladie du charbon de l'histoire. En deux ans, plus de dix mille cas de contamination humaine, dont 182 mortels, sont recensés. Des milliers de bovins sont infectés et doivent être abattus. Selon une enquête, menée quelques années plus tard par le docteur Meryl Nass, spécialiste américaine reconnue de l'infection, six des huit provinces du pays seront touchées. Le docteur Nass sera aussi la première à démontrer, preuves à l'appui, que l'épidémie est très probablement le résultat d'actes délibérés des forces spéciales rhodésiennes, les tristements célèbres «Selous Scout».
L'aide secrète de l'Afrique du Sud
Des témoignages, recueillis par la suite, permettront d'en savoir davantage sur la manière dont ces derniers ont procédé. Un ancien membre des services secrets rhodésiens, dont les propos sont repris dans l'ouvrage Plague Wars (de Tom Mangold et Jeff Goldberg, Macmillan, Londres), admettra ainsi, dans une confession écrite, que des spores de la maladies du charbon ont été utilisés de manière «expérimentale» pour tuer le bétail des «tribus africaines», en tentant de leur faire croire qu'ils avaient été introduits au Zimbabwe par des guérilleros venus du Mozambique. L'histoire ne dit pas s'ils avaient prévu que des hommes mourront aussi, après ingestion de viandes infectées. Selon plusieurs sources, les soldats de l'ombre ont aussi provoqué des épidémies de choléra dans certains villages pour déstabiliser l'opposition armée.
Comment le régime blanc d'alors s'est-il procuré des échantillons de ces deux maladies ? Tout porte à croire qu'ils venaient d'Afrique du Sud. Entouré à l'époque, pour partie, de voisins hostiles, comme la Zambie et le Mozambique, sanctuaire de la guérilla, le régime de Ian Smith jouit néanmoins du soutien de l'Afrique du Sud, qui mène alors une lutte acharnée contre le Congrès national africain (ANC). Prétoria a déjà mis en place un programme biologique et chimique secret, qui vise l'émination des responsables du mouvement de Nelson Mandela. Lors des auditions de la Commission vérité et réconciliation, consacrées à cette question, en 1998, l'existence de ce programme a été confirmée par celui qui le dirigea, Wouter Basson, surnommé «docteur la mort» pour les expériences monstreuses auxquelles il s'est livré contre des sud-africains noirs durant les années d'apartheid. Des témoins ont également évoqué l'aide «scientifique» de l'Afrique du Sud à la Rhodésie, sous forme de fourniture de spores de la maladie du charbon et de vibrions cholériques.
Plus de vingt années ont passé. Mais des cas humains de maladie du charbon sont encore régulièrement signalés au Zimbabwe. Avant ceux rapportés par le quotidien gouvernemental, le 26 octobre, la maladie a coûté la vie à neuf personnes, en décembre 2000, dans des villages situés à peine à 100 kilomètres de la capitale. Selon le ministre de la santé, celle-ci a en fait durablement contaminé le sol en certain points du territoire et peut ressurgir à tout moment. Mais faute de moyens, le Zimbabwe a jusqu'à maintenant échouer à se débarrasser définitivement de ce fléau.
par Christophe Champin
Article publié le 29/10/2001