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Développement

Pourquoi l'Afrique est restée pauvre

Le développement de l'Occident s'est-il fait «sur le dos» des autres régions du monde ? Pour Angus Maddison, économiste britannique proche du Centre de développement de l'OCDE, la réponse est complexe. L'exploitation coloniale, les chiffres le montrent bien, joue un rôle indéniable dans l'essor de l'Europe. Mais des causes internes expliquent aussi, selon lui, les retards de l'Afrique et ceux de l'Asie jusqu'à une date récente.
En l'an Mil, la Chine était le pays le plus riche du monde, devançant de peu l'Afrique dont la richesse par habitant semble avoir diminué pendant le premier millénaire et devant l'Europe, en décadence après la chute de l'Empire romain. Mais, à partir de 1500, l'Occident prend son essor, accélère sa progression jusqu'à nos jours, tandis que la Chine stagne puis régresse jusqu'en 1950. Du début du 20e siècle à 1973, les Africains ont un revenu par habitant très supérieur à celui des Chinois. Mais la situation s'inverse rapidement et, de nos jours, le PIB par habitant de la Chine et plus du double de celui de l'Afrique.

Pour Angus Maddison, qui étudie les évolutions économiques des deux mille ans écoulés afin d'expliquer les divergences de développement, les forces et les faiblesses ont varié selon les lieux et les périodes. Ainsi, l'exploitation coloniale occupe un rôle évident dans le progrès de l'Occident mais elle se comprend mieux si l'on considère aussi «son avance scientifique, des siècles de lente accumulation et la solidité de son organisation et de ses finances».

Renaissance asiatique

En Afrique, l'expansion de l'Europe et de ses colonies américaines s'est traduite par la réduction en esclavage de 11 millions de personnes entre 1500 et 1900. Entre 1500 et 1870, neuf millions et demi d'entre eux ont été affectés au développement des plantations du Brésil, des Caraïbes et des Etats-Unis. Les puissances coloniales, Grande-Bretagne, France, Pays-Bas, Espagne, Portugal, se sont considérablement enrichies pendant cette période, alors que, jusqu'au début du 20e siècle, leurs colonies asiatiques ou latino-américaines voyaient la richesse par habitant progresser, certes, mais faiblement. Quant à l'Afrique, sa population est passée de 61 millions à 70 millions d'habitants entre 1700 et 1800. On considère qu'elle aurait augmenté trois fois plus sans la traite.

L'esclavage a-t-il contribué au développement économique de l'Amérique ? Les chiffres parlent d'eux-mêmes : la suppression de l'esclavage a augmenté les coûts de production de l'industrie sucrière antillaise jusqu'à réduire, en quelques années, de 90% à 22% sa part dans la production mondiale de sucre et entraîner un appauvrissement général.

Pour autant, Angus Maddison n'y voit pas la seule raison du retard du continent africain. Il est en effet, resté largement à l'écart du développement des échanges internationaux de marchandises aux 16e et 17e siècles. Jusqu'à la fin du 19e siècle, la plupart des terres restaient inexploitées. Une agriculture de subsistance, la chasse et la cueillette prédominaient. Les niveaux d'instruction et de technologie étaient très faibles. Les colonisateurs n'ont guère eu de difficultés à occuper les meilleures terres et à s'en attribuer les profits. Le travail forcé a contribué à maintenir les revenus africains à des niveaux très faibles. Durant cette époque capitaliste, le PIB du continent africain a progressé et le revenu par habitant à été multiplié par trois et demi entre 1820 et 1980, soit à un rythme à peu près égal à celui de l'Asie, Japon exclu. Mais, depuis 1980, le revenu par habitant de l'Afrique a baissé tandis qu'on assiste à une renaissance de l'Asie.

Les pays émergents d'Asie ont donc montré, affirme Angus Maddison, qu'un rattrapage est possible. Depuis 1950, ce continent est le plus dynamique du monde, après 450 ans d'affaiblissement, grâce à des taux d'investissement élevés, une forte mobilisation de la main d'£uvre, l'amélioration des niveaux d'éducation, l'essor rapide des exportations.



par Francine  Quentin

Article publié le 27/10/2001