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Congo démocratique

L'économie: le nouveau cheval de bataille de Kabila

New York, Bruxelles et Paris sont les principales étapes de la nouvelle sortie du président Joseph Kabila de la République démocratique du Congo. Une importante délégation ministérielle, le gouverneur de la Banque centrale du Congo, et le président de la fédération des entreprises du Congo l'accompagnent dans son périple. Pour le pouvoir de Kinshasa la nouvelle arme dans le conflit congolais est économique.
Le président Joseph Kabila aux prises avec un échiquier politique complexe, aux intérêts divergents, avec des ramifications étrangères, semble maintenant changer de stratégie pour la reconquête des régions, sous contrôle de la rébellion armée. L'option militaire a fait ses preuves. Elle ne règle pas le problème de la partition du pays. Pour le président Kabila, il est temps de changer de fusil d'épaule, en essayant de placer toutes les zones du pays, contrôlées, et par les forces gouvernementales et par les rebelles, sous un même régime économique. Son pouvoir contesté serait ainsi légitimé de fait. Mais les mouvements rebelles s'opposent à cette démarche en refusant par exemple le paiement des salaires des fonctionnaires congolais travaillant dans les régions qu'ils contrôlent, par le pouvoir de Kinshasa. Mais ces obstacle sont ignorés par le régime Kabila qui continue d'inclure toutes les provinces qui échappent à son autorité dans ses projets de reconstruction du pays. Cette politique qui se veut au dessus de la mêlée, inquiète les mouvements rebelles, d'autant qu'elle les marginalise, en même temps qu'elle apporte beaucoup de crédit au pouvoir de Kinshasa, sur le plan international.

A New York, la délégation présidentielle congolaise est allée dire au Conseil de sécurité des Nations unies que le gouvernement Kabila était le seul interlocuteur crédible pour toute recherche de solution de paix en République démocratique du Congo. Elle a réaffirmé son attachement aux accords de Lusaka, alors la délégation gouvernementale congolaise s'était retirée des débats du dialogue inter-congolais, prévus par ces mêmes accords à Addis-Abeba à la mi-octobre. Mais il était important pour le gouvernement congolais de réitérer ses engagements, car la Mission d'observation des Nations unies en RDC (MONUC), va bientôt rentrer dans une nouvelle phase de son mandat. Elle va augmenter l'effectif de ses troupes de 1 400 soldats supplémentaires, dans des zones d'influence du Rassemblement congolais pour la démocratie (RCD), un mouvement rebelle, avant d'entreprendre les opérations de désarmement, de démobilisation et de réintégration (DDR). Par ailleurs pour favoriser la communication dans les régions du nord-est, de l'est et du sud-est, contrôlées par les rebelles, il est prévu de restaurer des liaisons ferroviaires et fluviales, et selon le représentant de la «Monuc»en RDC, Amos Namanga Ngongi, les financements auraient déjà été obtenus.
La reprise en main
La reconquête par des réalisations économiques, trouve un écho auprès du Fonds monétaire international qui s'engage avec la RDC dans un programme intermédiaire renforcé (PIR). La Banque centrale du Congo, à travers des dispositions techniques et financières devra favoriser la récupération dans le circuit officiel, des billets de banque détenus à 70% par le secteur informel. Un expert du FMI est d'ores et déjà affecté auprès de la banque centrale du Congo. A Washington le président congolais a rencontré des hommes d'affaires américains en compagnie de ses ministres des affaires étrangères et de la coopération, de l'économie et des finances, de l'industrie et du commerce.

Après avoir participé au sommet économique Afrique-Etats-Unis à Philadelphie, le président Kabila s'est rendu dans la célèbre université Harvard de Boston, où il a fait un exposé sur la résolution des conflits armés en Afrique devant des étudiants admiratifs. C'est aussi l'occasion pour le jeune président d'évoquer ses angoisses face à la mort violente qui lui semble être une malédiction qui frappe les chefs de l'Etat congolais. «Le premier chef du gouvernement démocratiquement élu a été assassiné (Patrice Lumumba), le président Mobutu Sese Seko s'est enfui et il est mort en exil, et en janvier de cette année, le président a été assassiné (son père, Laurent Désiré Kabila)», a-t-il rappelé parlant de ses prédécesseurs. Sa visite à Harvard s'est achevée par une offre des autorités de cette université, de mettre l'expertise de leur prestigieuse institution à la disposition des cadres congolais qui souhaiteraient parfaire leur formation.

La tournée politico-économique se poursuivra en Europe par une étape de vingt-quatre heures en Belgique, le 5 novembre, et en France le 6 novembre. A Bruxelles, le chef de l'Etat congolais s'entretiendra avec les représentants de l'Etat belge qui président actuellement l'Europe. Le prochain voyage d'une importante délégation de l'Union européenne en République démocratique du Congo, du 21 au 27 novembre, pour rencontrer toutes les parties impliquées dans le conflit congolais, motive cette escale belge. Par ailleurs les présidents Yoweri Museveni d'Ouganda et Paul Kagamé du Rwanda, principaux soutiens des forces rebelles qui occupent tout l'est du Congo, sont invités à Londres le 6 novembre pour parler de leur présence dans ce pays, et de leur retrait progressif, selon les accords de Lusaka.

D'autre part, le président congolais va discuter avec les autorités belges de certains projets de santé publique et de réalisations agricoles qui ont bénéficié d'une importante aide financière de la Belgique. Pour combattre certaines maladies et les insectes qui endommagent les cultures de manioc (nourriture de base de 70% de congolais), la Belgique apporte une aide de 630 000 dollars à la FAO pour la réalisation de ces programmes. L'aide de la Belgique va également à plus de 30 000 ménages affectés par le conflit dans les provinces du Nord-Kivu, du Sud-Kivu, du Kasaï-oriental et du Maniema, avec une mise à disposition de la RDC d'une somme de 620 000 dollars. Ces fonds serviront également à mener des opérations de secours et de coordination entre les agences agricoles gouvernementales. Avant la reprise d'un nouveau dialogue inter congolais, le pouvoir Kabila tisse sa toile pour gagner la confiance des Congolais, à défaut de gagner des combats militaires sur le terrain.



par Didier  Samson

Article publié le 01/11/2001