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Commerce mondial

Médicaments : assouplissement des brevets

Pays pauvres et ONG se félicitent du projet de déclaration qui accorde aux Etats le droit de lever les brevets sur les médicaments essentiels. Les pays producteurs ont lâché du lest, sans pour autant céder sur tout.
De notre envoyé spécial à Doha

Les pays pauvres présents au sommet de l'Organisation mondiale du commerce réclamaient une révision des accords sur les droits de la propriété intellectuelle (ADPIC) leur permettant d'accéder plus facilement aux médicaments encore protégés par des brevets et donc, plus chers. Autrement dit, ils voulaient avoir le droit de fabriquer ou d'importer des génériques, copies des spécialités des firmes pharmaceutiques des pays du nord encore protégées par des brevets.

Selon le projet d'accord obtenu à Doha, un Etat pourra décider de lever le brevet sur un produit s'il le juge nécessaire afin de le fabriquer ou de l'importer. Concrètement donc, des pays comme le Brésil et l'Inde pourront, comme ils en ont la capacité, produire des médicaments génériques. «C'est un pas important», estime Jacques Arbi Akerekoro, président d'une ONG béninoise s'occupant des questions de santé et de qualité de la vie. D'autant plus que, souligne-t-il, «pour la première fois, on aura compris la priorité de la santé publique sur toute question économique et commerciale».

En effet, le projet texte de la révision des ADPIC parle désormais de « problèmes de santé publique » au lieu de « crise sanitaire. » La nuance tient au fait que le droit de supprimer un brevet peut intervenir à tout moment jugé nécessaire et pas seulement en situation de crise sanitaire aiguë. Mieux, la déclaration de Doha n'est pas limitée aux médicaments génériques contre le sida, la tuberculose et le paludisme. Elle s'étend aux médicaments nécessaires pour «d'autres épidémies.» « Cette extension est très importante, souligne Daniel Berman de Médecins sans Frontières. Au Kenya par exemple, après la fin, en août dernier, de brevets sur des antibiotiques fabriqués par les laboratoires Cipro et Bayer, les prix ont chuté de 70 %. Or, le gouvernement aurait pu prendre, si cet accord avait existé, la décision de supprimer ces brevets avant, compte tenu de l'importance de ces médicaments».

Le droit des pays non producteurs

Les pays pauvres ont donc marqué des points face aux Etats-Unis, Canada, Suisse et Japon, qui, au côté des lobbies pharmaceutiques, refusaient toute concession. Soutenus par l'Union européenne, les pays du Sud se sont montrés solidaires et fermes. « La principale avancée réside dans la mobilisation des pays qui ont résisté en bloc », estime Gaëlle Krikorian de l'ONG Act Up Paris.

Mais la bataille n'est pas terminée. Le projet d'accord reconnaît seulement le droit de fabriquer et d'importer les médicaments, pas celui d'exporter. Ce qui réduit pratiquement à néant le droit d'importer des pays pauvres non producteurs de génériques, si les nouveaux fabricants comme l'Inde ou le Brésil n'ont pas le droit d'exporter vers ceux qui en ont besoin. On se borne à parler «d'engagement des pays développés à offrir des incitations à leurs entreprises et institutions pour promouvoir et encourager le transfert de technologies vers les PMA. » L'OMC renvoie à une instance chargée des accords sur la propriété intellectuelle le soin de trouver une solution avant la fin 2002. « On aurait pu trancher la question à Doha, regrette Gaëlle Krikorian. Mais comme c'est pas le cas, la prochaine bataille des pays pauvres, c'est bien ce problème des exportations.»



par Alpha  Barry

Article publié le 13/11/2001