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Monnaie unique européenne

Villiers repart à la charge contre l'euro

A moins de deux mois de l'arrivée de l'euro, Philippe de Villiers, président du Mouvement pour la France (MPF), publie un livre contre la monnaie unique, Vous avez aimé les farines animales, vous adorerez l'euro (Albin Michel). Dix ans après la campagne référendaire sur le traité de Maastricht, il est le dernier à faire de la monnaie européenne sa cible privilégiée.
S'il n'en reste qu'un, Philippe de Villiers sera celui-là. Déjà, on ne voit plus grand monde à l'avant-garde du combat contre l'euro. Les anciens ténors euro-sceptiques, ceux qui avaient mené la campagne pour le non à Maastricht en 1992, on ne les entend désormais que mezza voce. Sans doute misent-ils sur les difficultés pratiques et les désordres qui ne manqueront pas de survenir. Mais pour l'instant, force est de constater qu'ils ne sont guère offensifs sur la monnaie unique.

Pasqua et Chevènement ont, chacun à sa façon, édulcoré leur discours. Le président du Rassemblement pour la France (RPF), candidat à la présidentielle, préfère insister sur les thèmes de l'ordre et de la sécurité, et pourfendre «la décadence». Lui aussi candidat, l'ancien chef du MDC (Mouvement des citoyens) est contraint, par sa stratégie de rassemblement, à rester mesuré, se contentant de demander le report de l'introduction de l'euro. Il trouve même à ce dernier quelques vertus, dont celle de stabiliser les changes.

Farouche opposant à la monnaie unique, Jean-Marie Le Pen, déjà en campagne également, a choisi de mettre en avant son traditionnel discours contre l'immigration et l'insécurité. Le parti communiste, de son côté, est sous perfusion électorale du Parti socialiste. Il a aussi des ministres au gouvernement. Son candidat, Robert Hue, ne parle même plus de l'euro dans ses discours. Quant à Philippe Séguin, il a réintégré le giron chiraquien. Sur l'euro, iI rendu les armes depuis bien longtemps.

«L'euro est un dollar CFA»

Le président du MPF, lui, est toujours sur le front. Refusant de se prononcer sur sa candidature («Pour l'instant, ce n'est pas le problème»), il reprend l'offensive avec un pamphlet au titre provocateur, Vous avez aimé les farines animales, vous adorerez l'euro. Pourquoi ce parallèle ? «Ce n'est pas une simple boutade. L'affaire de la vache folle, nous la devons à l'eurocratie bruxelloise, qui a préféré mettre en danger la santé publique plutôt que de contrevenir au dogme du libre échange. Aujourd'hui, le nouveau dogme, c'est cette monnaie unique dont on nous fait croire qu'elle est nécessaire à l'Europe. C'est faux. Le vrai but est de construire un pays unique, l'Euroland». Pour Philippe de Villiers, même à moins de deux mois de l'arrivée des pièces et des billets, les jeux ne sont pas faits. «Seuls les combats qu'on ne livre pas sont perdus d'avance. Mais curieusement, sur un sujet d'une telle importance, je ne trouve aucun homme politique qui veuille débattre avec moi».

La justesse de son combat, Philippe de Villiers la voit dans les réticences de la population, dont «malgré le matraquage officiel, la grande majorité ne veut pas voir mourir le franc. Si les Français étaient euro-enthousiastes, ça se verrait. Même dans les couloirs de l'Assemblée nationale, je n'entend plus de discours favorable ! Les députés sont très inquiets. Ils se font l'écho des préoccupations de leurs électeurs. Mais en toute discrétion, bien sûr. Il y a des craintes jusque dans les milieux économiques. Un grand patron d'hypermarchés, pourtant en pointe pour la promotion de l'euro, m'a confié en privé son hostilité. Mais, m'a-t-il dit, je ne peux pas faire autrement...».

L'élu vendéen, qui dénonce l'euro comme «une imposture idéologique», voit dans les désagréments pratiques du changement de monnaie un inconvénient secondaire. «S'il fallait sacrifier le franc pour un bien supérieur, je m'y plierait. Mais ce qui s'annonce est très dangereux. Au lieu de nous guérir, l'euro va aggraver le mal. Nous allons vers une crise encore plus profonde. L'Euroland est dirigé par des banquiers. Un pays abstrait avec une monnaie abstraite. Dans l'histoire, jamais une monnaie unique durable n'a existé sans être adossée à un Etat. On le voit déjà, l'euro est une monnaie génétiquement faible, dont la valeur est subordonnée au billet vert. C'est un dollar CFA».

Le patron du MPF refuse la monnaie unique, mais plaide pour une monnaie commune. L'euro pour les échanges internationaux, les monnaies nationales pour les transactions internes. «Rien, dans le traité de Maastricht, ne s'y oppose». Il affirme que l'euro n'est pas irréversible, et que revenir au franc en cas de crise serait tout à fait envisageable. «Surtout, je n'accepte pas d'être considéré comme xénophobe et anti-européen. Je suis contre cette monnaie unique parce que je suis profondément européen. L'euro va tuer l'Europe».



par Philippe  Quillerier-Lesieur

Article publié le 13/11/2001