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Congo démocratique

Rwanda-Ouganda: les frères ennemis se retrouvent

Paul Kagame, le président rwandais et Yoweri Museveni, son homologue ougandais, doivent se rencontrer ce mardi à Londres. Anciens alliés devenus ennemis, leurs soldats ont failli s'affronter récemment en RD Congo.
De notre correspondant régional

«La guerre a été évitée de justesse», souligne l'un des chefs du Front de Libération du Congo, un mouvement armé par l'Ouganda en République Démocratique du Congo. Selon lui, des responsables politiques occidentaux auraient contacté les présidents rwandais et ougandais pour les empêcher à la dernière minute, fin octobre, d'enclencher une guerre entre leurs deux pays. Le théâtre des affrontements entre le Rwanda et l'Ouganda a failli être le nord Kivu, en République Démocratique du Congo, où les armées des deux pays se font face autour de la localité de Kanya-Bayonga. Des mouvements de troupes ont été notés de par et d'autre dans cette région depuis le début du mois denier.

La Grande-Bretagne, ancienne puissance coloniale en Ouganda et allié incontournable de l'actuel régime rwandais, a été avertie dès le mois d'août d'une guerre imminente. Le Rwanda «prépare la guerre» écrit en effet le président ougandais Yoweri Museveni dans une lettre datée du 28 août adressée à la ministre britannique pour le développement international, Clare Short. «Nous n'avons plus de doute que le Rwanda se prépare à une agression contre nous par des voies indirectes, ou même directement», précise-t-il, évoquant quatre camps d'«entraînement d'opposants ougandais», près de Kigali et dans l'Est de la République démocratique du Congo.

Entre Museveni et Kagame la confiance à fait place à la rancoeur
Kigali accuse de son côté l'Ouganda d'héberger et d'armer des déserteurs rwandais. La Grande-Bretagne se souvient avec nostalgie de l'époque où Museveni et Kagame furent de proches collaborateurs. Paul Kagame a fait parti du petit groupe qui a pris les armes en Ouganda en 1980 pour porter Museveni au pouvoir six ans plus tard. Kagame fut alors nommé directeur en second des redoutés services de renseignements militaires ougandais avant de prendre de nouveau les armes, cette fois contre le régime de Juvénal Habyarimana au Rwanda.

Avec le soutien de l'Ouganda, Kagame a pris le pouvoir à en 1994. Il s'en est suivi une lune de miel entre les deux pays. Les troupes ougandaises et rwandaises ont envahi ensemble l'ex-Zaïre en 1996. Elles y ont renversé le défunt président Mobutu; placé une marionnette au pouvoir en la personne du défunt L.D. Kabila; puis tenté de renverser ce dernier, devenu désobéissant, par les armes, en 1998à Cette fois, bloqué par les armées angolaises et zimbabwéennes, elles se sont engluées à l'Est et au Nord du pays, où elles ont créé des mouvements armés congolais pour justifier leur occupation. Elles ont alors fait main basse sur les considérables richesses minières de ces vastes régions. Cela a éveillé des convoitisesà

Un an plus tard, à la surprise générale, les armées ougandaises et rwandaises se sont retournées l'une contre l'autre à Kisangani, dans le nord-est du Congo Démocratique. Après trois batailles meurtrières, l'Ouganda a du abandonner cette ville diamantifère au Rwanda. Pour le président Museveni, il s'agissait là d'une terrible trahison de la part de Paul Kagame. Entre lui et son homologue rwandais la complicité a fait place à la méfiance et la ranc£ur.

Cette année, Paul Kagame a financé, à en croire les autorités ougandaises, la campagne présidentielle du colonel Besigyie, le principal opposant du président Museveni lors de la dernière élection présidentielle. C'est la goutte d'eau qui a fait déborder le vase. Le Rwanda est désormais qualifié officiellement, à côté du Soudan, de pays «ennemis». Depuis, l'Ouganda a amorcé un retrait de la République Démocratique du Congo et s'est rapproché de Kinshasa. Ces dernières semaines, Salim Saleh, le petit frère de Museveni, a été vu à plusieurs reprises à Kinshasa et à Luanda.

Craignant pour sa survie, Le Mouvement de Libération du Congo de Jean-Pierre Bemba, jusqu'alors armé par l'Ouganda a décidé, début octobre, de s'allier au Rwanda. Directement menacé à ses frontières par cette alliance, l'Ouganda, qui sentait venir ce changement a entre temps redéployé environ 6000 hommes dans le nord-Kivu où elle a donné le pouvoir à Mbusa Nyamwisi, un concurrent de Jean-Pierre Bemba. C'est là que la guerre a été évitée de justesse, fin octobre.
A Londres, les présidents Museveni et Kagame seront amenés à trouver une solution pour sortir de ce bourbier congolais.



par Gabriel  Kahn

Article publié le 05/11/2001