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Congo démocratique

Le pillage des richesses se poursuit

Le Rwanda, l'Ouganda ainsi que le Zimbabwe profitent économiquement du conflit en République Démocratique du Congo, ce qui participe à la continuation de la guerre. Telle est la principale conclusion du rapport soumis, lundi, au Conseil de sécurité par une équipe d'experts de l'ONU, dirigée par l'ambassadeur égyptien Mahmoud Kassem. Présenté à l'issue d'une enquête de trois mois, le document invite notamment la communauté internationale à imposer un moratoire sur l'achat et l'importation de certaines matières premières de la République Démocratique du Congo, pour endiguer les profits tirés de ces commerces illégaux.
Ce second rapport sur le pillage des richesses naturelles du Congo démocratique confirme les accusations contre le Rwanda et l'Ouganda contenues dans un premier document, rendu en avril dernier. L'or, le café, les bois précieux, le diamant ou le coltan û utilisé notamment dans la fabrication des téléphones cellulaires û sont exploités par «certains individus sans scrupules sous couvert de divers gouvernements, de mafias et de différents commerces», dénoncent les experts mandatés par les Nations unies.

Au premier banc des accusés, le régime de Kigali, dont l'armée occupe l'Est du pays, officiellement pour lutter contre des bandes rebelles Hutus. Selon ce rapport, «les préoccupations de sécurité exprimées par Kigali ne sauraient être utilisées comme prétexte pour maintenir une importance présence militaire qui facilite la continuation de l'exploitation des ressources du Congo dans des lieux tels que Kisangani et Kindu». Ces deux localités sont, en effet, très éloignées du Rwanda.

L'Ouganda est également une nouvelle fois accusé de pillage dans le Nord-Est du Congo démocratique. Il avait pourtant adopté un profil de bon élève, depuis la parution d'un premier rapport des Nations unies, en avril dernier, qui mettait en cause des proches du président ougandais, Yoweri Museveni, dans le pillage de la République Démocratique du Congo.

Malgré le départ, ces derniers mois, de la plupart des militaires ougandais, l'exploitation des richesses naturelles de la RDC s'est accentué, dénonce le nouveau rapport. Il cite le président du Mouvement de libération du Congo (MLC), Jean-Pierre Bemba, ainsi que Roger Lumbala du RCD National, et Mbusa Nyamwisi du RCD Kisangani comme étant autant d'intermédiaires dans le pillage des diamants, de l'or, du café et du bois du Congo Démocratique. Ces Congolais collaborent, notamment, avec l'actuel chef d'état-major ougandais, le général Kazini ainsi qu'avec le frère du président Museveni, le général Salim Saleh. Conclusion des Nations Unies: il existe bien «un lien entre la continuation de la guerre au Congo démocratique et l'exploitation de ses ressources naturelles» par des gens au pouvoir à Kampala.

Le Zimbabwe, épargné par le premier rapport, n'échappe pas cette fois aux critiques des Nations unies. L'entourage du président Mugabe a obtenu des avantages commerciaux considérables au prétexte que son armée est venue au secours des autorités de Kinshasa, soulignent les experts. Quant à l'implication commerciale de l'Angola et de la Namibie, deux Etats qui ont également prêté des troupes au régime de Kinshasa, elle est qualifiée par contre de «mineure».

Ainsi tandis que quelques individus proches des régimes rwandais ougandais et zimbabwéens ainsi que leur alliés occidentaux ou sud africain amassent des fortunes au Congo Démocratique, 16 millions de congolais ont été condamnés à la famine, deux millions ont dû fuir leurs propriétés et des millions d'autres sont morts.

Pour mettre fin à cette situation scandaleuse, le rapport invite notamment la communauté internationale à imposer un moratoire sur l'achat et l'importation de certaines matières premières originaires du Congo Démocratique.

Mais cela ne suffira pas à arrêter les pillages et la guerre qui les cautionne. Les bailleurs de fonds sont amenés à s'interroger sur l'utilisation qui est faite de leurs «aides» budgétaires par les pays engagés dans la guerre au Congo démocratique. L'on sait, à ce titre, que les budgets du Rwanda comme de l'Ouganda sont financés à plus de 50% par des pays occidentaux, principalement par la Grande Bretagne et les pays nordiques.

Plus généralement, le rapport recommande à la communauté internationale d'aider le Congo démocratique à reconstituer ses structures étatiques. «La raison fondamentale pour la continuation de l'exploitation systématique par divers groupes æprédateurs' opérant dans le pays est l'effondrement des institutions étatiques et de leurs structures en RDC», souligne le groupe d'experts. Afin d'aider les Congolais à retrouver le contrôle de leurs richesses, «tous les contrats signés à l'époque de Laurent Désiré Kabila (1997-2001) (à) doivent être révisés sous les hospices d'un organe des Nations unies qui sera créé à cet effet», précise-t-il. Joseph Kabila est l'homme de la situation: «il est sincère dans sa volonté d'amener de changements positifs dans son pays», jugent les experts. Un jugement qui ne s'étend pas à l'ensemble de son gouvernement, au sein duquel quelques individus profiteraient du statu quo, précisent-ils.



par Gabriel  Kahn

Article publié le 22/11/2001