Corse
L'affaire des paillotes, une affaire d'Etat
L'ancien préfet de Corse, Bernard Bonnet, qui comparaît ce lundi 19 novembre avec sept autres prévenus devant le tribunal correctionnel d'Ajaccio, est accusé d'avoir commandité l'incendie de deux paillotes - restaurants de plages illégaux - en 1999. Tous encourent jusqu'à dix ans de prison. Le procès devrait durer trois semaines.
L'affaire a ébranlé le gouvernement Jospin en 1999. Nommé quelques jours après l'assassinat du préfet Claude Erignac, abattu le 6 février 1998 à Ajaccio, Bernard Bonnet arrive sur l'île de Beauté pour «rétablir l'Etat de droit». Etat de droit qui va s'incarner rapidement par la démolition des constructions illégales sur le domaine public maritime. Ordonnées par la justice depuis des années, les décisions n'ont jamais été exécutées. De mai 1998 à mars 1999, le génie militaire détruit quelques établissements jusqu'à ce que José Rossi, président de l'assemblée de Corse et François Léotard, ancien ministre de la Défense, s'interposent pour empêcher les militaires de démolir une paillote, un restaurant de plage illégal. Bernard Bonnet vit cette situation comme un camouflet. L'attitude des élus renforce un sentiment d'exaspération déjà vif chez le préfet qui l'incite, selon l'accusation, à agir.
Ainsi dans la nuit du 19 au 20 avril 1999, la paillote «Chez Francis» sur la plage Cala d'Orzu, près d'Ajaccio qui appartient à la famille Féraud depuis 1974, est incendiée. Sur place quelques tracts «Féraud, balance des flics» et des indices - un talkie-walkie portant un numéro de série d'escadron de gendarmerie, une cagoule, un couteau militaire et des bidons d'essence - vont s'avérer accablants pour le préfet. Placé sous haute surveillance policière - prévenus et avocats devront porter un gilet pare-balles et une protection rapprochée a été accordée à Bernard Bonnet - ce procès qui s'ouvre ce lundi 19 novembre devrait durer trois semaines. Outre l'ancien préfet de Corse sans affectation depuis deux ans, son ancien directeur de cabinet Gérard Pardini, le colonel de gendarmerie Henri Mazères ainsi que cinq gendarmes comparaissent à la barre.
Bernard Bonnet nie les faits
Durant trois semaines, Bernard Bonnet risque de se retrouver bien seul. En effet, il est l'unique prévenu à avoir toujours proclamé son innocence dans cette affaire. Les sept autres ont tous reconnu leur implication dans l'incendie et ont réaffirmé ces derniers jours n'avoir fait qu'obéir au préfet, soupçonné d'avoir donné l'ordre de mettre le feu à la paillote «Chez Francis» ainsi qu'à la paillote «Aria Marina» le 7 mars 1999. Gérard Pardini et le colonel Mazères ont affirmé que Bernard Bonnet les aurait incités à incendier ces paillotes pour donner un nouvel élan à sa politique de «rétablissement de l'Etat de droit» en Corse. Se défendant bec et ongles, l'ancien préfet a seulement reconnu avoir couvert Gérard Pardini et Henri Mazères pour la «mauvaise farce de collégiens» que constituait à ses yeux l'incendie de l'«Aria Marina».
Bernard Bonnet qui fustige le «premier procès trotskiste de l'histoire» de France se dit victime d'un «coup monté», d'un «piège» tendu par le gouvernement, avec le soutien du système «politico-mafieux corse». Adoptant une stratégie de défense offensive, l'ancien préfet et ses avocats ont fait citer au procès une cinquantaine de témoins, dont Lionel Jospin, trois de ses ministres, ses principaux conseillers ainsi que l'ancien ministre de l'Intérieur, Jean-Pierre Chevènement. Le Premier ministre a fait savoir, mardi dernier, que ni lui, ni ses ministres, ni ses collaborateurs ne défèreraient à leur demande à moins que celle-ci n'émane du président du tribunal. «Lionel Jospin aurait pu simplement me lâcher en estimant, ce qui était vrai, que je n'avais pas maîtrisé la situation. Cela n'aurait pas été la première fois qu'un politique se défausse sur un haut fonctionnaire» a déclaré Bernard Bonnet dans la presse, ce lundi matin. «Je lui en veux parce qu'il a initié et encouragé mon lynchage judiciaire et médiatique d'une manière complètement inacceptable, sans aucune preuve de ma culpabilité. Quand j'étais en poste en Corse, le chef du gouvernement m'a assuré publiquement de son soutien à plusieurs reprises (à) Je suis persuadé aujourd'hui que Matignon avait décidé depuis plusieurs mois d'abandonner la politique de fermeté en Corse» a ajouté l'ancien haut représentant dans l'île qui conclut : «J'ai été floué, les Français aussi».
Avant même que le procès commence, le député du Var François Léotard a estimé que Bernard Bonnet avait connu une dérive personnelle, regrettant qu'elle ait nuit à l'image de la gendarmerie. Une position que ne partage pas Philippe de Villiers, président du Mouvement pour la France (MPF) qui a demandé à Lionel Jospin «de faire preuve d'autant d'empressement dans l'arrestation et la condamnation de l'assassin du préfet Erignac qu'il en a à faire juger le préfet Bonnet».
Lire également :
Paillotes : un procès exemplaire
(Editorial politique de Geneviève Goëtzinger)
Ainsi dans la nuit du 19 au 20 avril 1999, la paillote «Chez Francis» sur la plage Cala d'Orzu, près d'Ajaccio qui appartient à la famille Féraud depuis 1974, est incendiée. Sur place quelques tracts «Féraud, balance des flics» et des indices - un talkie-walkie portant un numéro de série d'escadron de gendarmerie, une cagoule, un couteau militaire et des bidons d'essence - vont s'avérer accablants pour le préfet. Placé sous haute surveillance policière - prévenus et avocats devront porter un gilet pare-balles et une protection rapprochée a été accordée à Bernard Bonnet - ce procès qui s'ouvre ce lundi 19 novembre devrait durer trois semaines. Outre l'ancien préfet de Corse sans affectation depuis deux ans, son ancien directeur de cabinet Gérard Pardini, le colonel de gendarmerie Henri Mazères ainsi que cinq gendarmes comparaissent à la barre.
Bernard Bonnet nie les faits
Durant trois semaines, Bernard Bonnet risque de se retrouver bien seul. En effet, il est l'unique prévenu à avoir toujours proclamé son innocence dans cette affaire. Les sept autres ont tous reconnu leur implication dans l'incendie et ont réaffirmé ces derniers jours n'avoir fait qu'obéir au préfet, soupçonné d'avoir donné l'ordre de mettre le feu à la paillote «Chez Francis» ainsi qu'à la paillote «Aria Marina» le 7 mars 1999. Gérard Pardini et le colonel Mazères ont affirmé que Bernard Bonnet les aurait incités à incendier ces paillotes pour donner un nouvel élan à sa politique de «rétablissement de l'Etat de droit» en Corse. Se défendant bec et ongles, l'ancien préfet a seulement reconnu avoir couvert Gérard Pardini et Henri Mazères pour la «mauvaise farce de collégiens» que constituait à ses yeux l'incendie de l'«Aria Marina».
Bernard Bonnet qui fustige le «premier procès trotskiste de l'histoire» de France se dit victime d'un «coup monté», d'un «piège» tendu par le gouvernement, avec le soutien du système «politico-mafieux corse». Adoptant une stratégie de défense offensive, l'ancien préfet et ses avocats ont fait citer au procès une cinquantaine de témoins, dont Lionel Jospin, trois de ses ministres, ses principaux conseillers ainsi que l'ancien ministre de l'Intérieur, Jean-Pierre Chevènement. Le Premier ministre a fait savoir, mardi dernier, que ni lui, ni ses ministres, ni ses collaborateurs ne défèreraient à leur demande à moins que celle-ci n'émane du président du tribunal. «Lionel Jospin aurait pu simplement me lâcher en estimant, ce qui était vrai, que je n'avais pas maîtrisé la situation. Cela n'aurait pas été la première fois qu'un politique se défausse sur un haut fonctionnaire» a déclaré Bernard Bonnet dans la presse, ce lundi matin. «Je lui en veux parce qu'il a initié et encouragé mon lynchage judiciaire et médiatique d'une manière complètement inacceptable, sans aucune preuve de ma culpabilité. Quand j'étais en poste en Corse, le chef du gouvernement m'a assuré publiquement de son soutien à plusieurs reprises (à) Je suis persuadé aujourd'hui que Matignon avait décidé depuis plusieurs mois d'abandonner la politique de fermeté en Corse» a ajouté l'ancien haut représentant dans l'île qui conclut : «J'ai été floué, les Français aussi».
Avant même que le procès commence, le député du Var François Léotard a estimé que Bernard Bonnet avait connu une dérive personnelle, regrettant qu'elle ait nuit à l'image de la gendarmerie. Une position que ne partage pas Philippe de Villiers, président du Mouvement pour la France (MPF) qui a demandé à Lionel Jospin «de faire preuve d'autant d'empressement dans l'arrestation et la condamnation de l'assassin du préfet Erignac qu'il en a à faire juger le préfet Bonnet».
Lire également :
Paillotes : un procès exemplaire
(Editorial politique de Geneviève Goëtzinger)
par Clarisse Vernhes
Article publié le 19/11/2001