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Attentats: la riposte

Et maintenant, l’Irak...

Le président Bush a laissé entendre que Saddam Hussein pourrait subir les conséquences d’un refus de laisser les inspecteurs de l’ONU revenir en Irak. L’Irak, prochaine cible des représailles américaines, le scénario est désormais crédible.
Une remarque, faussement anodine, du président Bush, et voici l’Irak promis à prendre la suite des Taliban et d’Oussama Ben Laden su l’agenda des États-Unis. Lundi, devant les journalistes accrédités à la Maison Blanche, le chef de l’exécutif américain a lâché : «Pour prouver au monde qu’il ne se dote pas d’armes de destruction massive, il faut que l’Irak laisse revenir les inspecteurs [de l’ONU]». La question fuse aussitôt : « Et s’il refuse ?». Réponse énigmatique de George W. Bush : « Il verra bien !».

A Washington et au Moyen-Orient, nombreux sont ceux qui pensent que c’est tout vu. L’Irak est la prochaine cible des États-Unis. Et pour l’entourage de George Bush fils, composé de ceux qui ont mené la guerre du Golfe sous la conduite de George Bush père, le seul but de guerre possible est le renversement du régime de Saddam Hussein. « Il faut finir le travail ! ». Voilà ce que ne cessent de répéter les faucons de l’administration Bush, notamment le vice-président Dick Cheney, aussi actif en coulisses qu’il est discret en public, le secrétaire à la Défense Ronald Rumsfeld et son adjoint Paul Wolfowitz qui n’ont, ni l'un ni l'autre, leur langue dans leur poche. Ils sont relayés par quelques éditorialistes influents, tout particulièrement Jim Hoagland, du Washington Post.

Dès le lendemain de l’attentat contre le World Trade Center, avant même les résultats préliminaires de l’enquête, les mêmes appelaient à s’en prendre à l’Irak, centre du terrorisme international. Lorsque la responsabilité d’Al Qaïda et d’Oussama Ben Laden parut s’imposer, ils firent valoir que selon les services tchèques, Mohammed Atta, l’un des pirates de l’air du 11 septembre, aurait eu des contacts avec un agent irakien à Prague. Lorsque, plus tard, les enquêteurs reconnurent que rien, à ce stade, n’établissait la responsabilité de Bagdad dans les attentats, ils ne se découragèrent pas et soulignèrent que cela ne retirait rien à la nature terroriste du régime de Saddam.

Risque d’une conflagration générale au Moyen-Orient

Au même moment, le secrétaire d’État américain Colin Powell tentait, non sans mal, de mettre sur pied la coalition anti-Taliban. Unanimes, ses interlocuteurs arabes, à commencer par les alliés des États-Unis que sont la Jordanie, l’Égypte et l’Arabie Saoudite, l’ont mis en garde : non seulement une attaque contre l’Irak ferait voler en éclat la coalition, mais elle déstabiliserait puissamment leurs régimes et ferait courir à l’ensemble du Moyen-Orient le risque d’une conflagration générale.

Colin Powell, qui est personnellement l’un des responsables de l’arrêt des opérations contre l’Irak en 1991 et, à ce titre, dans le collimateur des faucons de l’administration Bush, partage cette analyse. Au milieu, la conseillère nationale pour la sécurité, Condoleeza Rice, faisait figure d’arbitre. Plus maintenant. Plusieurs déclarations récentes confirment qu’elle a rejoint le camp des faucons. La déclaration, vague, mais dépourvue d’ambiguïté du président Bush, indique que le choix de s’en prendre à l’Irak a déjà été fait. Reste à déterminer le calendrier.

Sans mettre en doute la détermination de l’équipe qui conduit les affaires de l’Amérique et du monde depuis la Maison Blanche et le Pentagone, il y aura sans doute davantage que des détails à régler au préalable. Le risque d’explosion dans le monde arabe est loin d’être négligeable, et les États-Unis y ont des intérêts vitaux. En Israël, le Premier ministre Ariel Sharon qui joue la carte de la collaboration stratégique contre l’Irak, fait le pari que l’attaque contre l’Irak interviendra d’ici deux à trois mois. Entre temps, il espère bien bénéficier de la bienveillance américaine pour continuer d’écraser le soulèvement palestinien sans s’attirer autre chose que des remontrances verbales de la part de Washington.

Reste qu’en Europe, les gouvernements ne sont pas prêts à suivre les États-Unis sur ce terrain. Pas même la Grande Bretagne, seule puissance à poursuivre ses patrouilles conjointes avec l’US Air Force dans le ciel irakien, mais qui redoute les effets d’une guerre à outrance menée tous azimuts dans le monde arabo-musulman. La récente tournée de Tony Blair au Proche-Orient n’est sans doute pas sans rapport avec cette approche nouvelle, qui commence à prendre ses distances avec les buts de guerres américains.



par Olivier  Da Lage

Article publié le 27/11/2001