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Madagascar

Année empoisonnée pour les «Scorpions»

Dans quelques mois débute la CAN 2002 au Mali. Une grande fête en perspective. Mais une fois de plus, un pays ne participera pas à ce grand événement: Madagascar. L'équipe nationale malgache n'a d'ailleurs pas été à la fête en cette année 2001. Les «Scorpions» sont piqués au vif.
De notre correspondant à Madagascar

Il y a un an, à la même époque, c'était l'euphorie. En éliminatoires de la CAN et de la Coupe du Monde, l'équipe nationale malgache enchaînait les bons résultats : 4 victoires (face au Gabon, à la RDC, au Botswana et à la Zambie), un nul au Nigeria et 2 courtes défaites au Botswana et en Tunisie. En 7 matchs, les Scorpions avaient inscrit 9 buts et n'en avaient encaissé que 3. Madagascar faisait figure de révélation sur le continent. C'était le temps des ambitions et des belles perspectives. C'était le succès d'une équipe et de son entraîneur, Claude Ravelomanantsoa.
Et puis vint le drame, le 22 décembre : l'entraîneur, surnommé Ntsoa, victime d'une hémorragie cérébrale. L'homme est hospitalisé dans un état grave. En son absence, les Scorpions tergiversent. Le 13 janvier à Windhoek, le 11 Malgache laisse échapper la victoire en se faisant rejoindre au score dans les arrêts de jeu (2-2). Symptomatique aussi, la rencontre contre la Côte d'Ivoire fin janvier au stade de Mahamasina. Le match est arrêté à cause de la pluie, alors que les Malgaches mènent au score, puis rejoué le lendemain. Et cette fois, les Ivoiriens s'imposent 3-1. Cette pluie préfigure les larmes du football malgache, versées à l'annonce du décès de Ntsoa, le 16 février. Les larmes coulent, le football aussi. «Ntsoa avait réussi à instaurer une bonne dynamique dans le groupe, explique son successeur Vincent Randriamirado. Et ce phénomène de symbiose qu'on avait connu durant les éliminatoires en 99 et en 2000 surtout, ça a disparu tout d'un coup. L'encadrement était chamboulé, et même entre les joueurs, ce n'était plus pareil. Et c'est ça qui a entraîné ce cumul de défaites en 2001.»

Les sacrifices de zébus n'y ont rien changé

Un cumul de défaites en 2001, à domicile, à l'extérieur, dans la course au Mondial et dans la course à la CAN. 8 revers en 8 matchs. Le football malgache est en crise. Les entraîneurs se succèdent, sans qu'aucun ne parvienne à enrayer la spirale de défaites. Les supporters en colère accusent les dirigeants. Jacques Benony, le président de la Fédération malgache de football se défend : «quelle est notre défaillance, à nous, au niveau du comité directeur ? C'est pas uniquement la démission qui sera la solution. Est-ce qu'on n'a pas fait tout ce qu'on pouvait ? Non. On ne va pas jouer à la place de nos joueurs, nous. Tout comme, je ne vais pas passer le bac à la place de mon fils. Voilà.» Les détracteurs de la Fédération en sont pour leurs frais : les dirigeants entendent bien rester à leur poste, qu'ils occupent depuis des années, soit dit en passant. Si changement il doit y avoir, c'est sur le terrain que ça va se passer.
Pendant des mois, le monde du football malgache ne jurait que par les «expatriés», cette poignée de joueurs professionnels évoluant à l'étranger, principalement à la Réunion. On attendait d'eux les gestes miraculeux pour renverser la vapeur, pour faire la différence. Mais rien n'y a fait. Pas plus que les sacrifices de zébus sur le bord de la pelouse, supposés attirer la victoire. Alors que faire pour sauver les Scorpions ? «Il faut travailler à la base, former les jeunes et avoir la persévérance et la patience . Ca ne sert à rien de dépenser de l'argent pour faire venir les expatriés. Il faut investir dans la formation des jeunes.» Cette analyse est celle de Vincent Randriamirado, devenu directeur technique national, après son bref passage à la tête de l'équipe nationale. Les jeunes, effectivement ! Ils sont là, dans les quartiers, dans les campagnes, avec leurs maillots de l'équipe de France ou du Brésil. Le football a été et reste un sport populaire à Madagascar. Les enfants et les adolescents sont vifs, rapides et techniquesà les qualités qui théoriquement font la force du jeu à la malgache. Encadrés, ces jeunes sont capables de prouesses. Ils l'ont montré en août dernier, lors des Jeux de la CJSOI (Commission de la Jeunesse et des Sports de l'Océan Indien), organisés à Madagascar. Les jeunes footballeurs de la Grande Ile avaient remporté le tournoi inter-îles, en battant la France en finale.

Mais cela n'est, évidemment, pas une fin en soi. La fédération en est consciente, d'où l'organisation en septembre dernier à Tamatave, d'un championnat nationale junior. Et puis, plus récemment encore, l'ouverture à Antsirabe, d'un centre de formation, calqué sur le modèle ivoirien. D'ailleurs, à l'origine du projet, le Français Jean-Marc Guillou, appuyé financièrement par le groupe Bolloré. Un tandem qui a déjà fait ses armes à Abidjan.

Toutes ces initiatives visent à construire le socle d'une pyramide, large, solide, avec la rigueur et la patience nécessaire pour constituer une équipe nationale ambitieuse. Cela n'empêche pas certains de penser déjà au sommet de la pyramide. «Si les Malgaches veulent des résultats rapides, explique Johnny, ancien président du club des supporters, la fédération doit chercher des entraîneurs à l'étranger». Il ne croit pas si bien dire. «Là, on est en pourparler avec les Japonais, confesse le président de la Fédération, Jacques Benony. Ils vont essayer de nous envoyer un entraîneur. Si un coach japonais arrive à nous transmettre le mental, la rigueur, le sans-faute des Japonais, à nous Malgaches, et bien, on va y arriver, un jour.» Les discussions n'ont pas encore abouti. Les responsables malgaches exigent que l'entraîneur étranger qui viendrait, qui viendra, parle français.
En attendant, les amoureux du football se mettent déjà à rêver à la Coupe d'Afrique des Nations... en 2004 !



par Olivier  Péguy

Article publié le 18/11/2001