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Monnaie unique européenne

Trois pays restent spectateurs

Le Royaume-Uni, la Suède et le Danemark ont choisi de garder leurs monnaies nationales. C’est en observateurs attentifs qu’ils vont assister à l’arrivée de l’euro chez leurs douze partenaires, le 1er janvier prochain.
A l’époque, les opposants au traité de Maastricht avaient voulu y voir un symbole et un signe d’espoir. Le 2 juin 1992, les électeurs danois refusaient par référendum de ratifier ce texte qui instituait l’Union économique et monétaire (UEM) et allait conduire à l’euro. Quelques semaines plus tard, l’équipe de football du Danemark remportait la Coupe d’Europe des Nations, autrement dit l’Euro 92.

Mais en septembre, les eurosceptiques ont dû déchanter : contrairement au Danemark, la France, après l’Irlande, votait oui à Maastricht. Dans les autres pays de l’Union, la ratification fut obtenue facilement par vote parlementaire. Restait la Grande-Bretagne, toujours très jalouse de se souveraineté, qui avait fait savoir dès les négociations sur le traité qu’elle n’en serait pas partie prenante.

Un autre pays réfractaire allait toutefois entrer sur la scène de l’Union européenne en 1995 : la Suède. Alors qu’elle aurait dû, juridiquement, rejoindre l’UEM, elle a rapidement fait comprendre qu’elle refusait la monnaie unique, dissimulant ce rejet sous d’obscurs arguments monétaires. Quelques années plus tard, en septembre 2000, les autorités danoises revenaient à la charge avec un deuxième référendum. Il s’est soldé par un nouveau refus.

«Que dit le Sun à l'euro ? Non, non, non, non»

Aujourd’hui, ils sont donc trois à demeurer hors de la zone euro. Avec plusieurs points communs : une bonne part de la classe dirigeante favorable à l’Union monétaire, une opinion publique largement hostile, une presse partagée et donc un débat assez vif. Ainsi, en Grande-Bretagne, la polémique fait rage sur les ondes et dans les journaux après le discours prononcé vendredi dernier par Tony Blair. Le Premier ministre a vanté les mérites de l’euro, laissant entendre qu’il pourrait organiser un référendum d’ici la fin de son mandat en 2006.

Ces propos ont provoqué des réactions outrées dans l’opposition conservatrice, un accès de faiblesse de la livre sterling, et la riposte des journaux populaires. L’euro, ce serait «la fin de la Grande-Bretagne en tant que nation vraiment indépendante, titrait le journal populaire à grand tirage The Sun (3,5 millions d'exemplaires par jour). Que dit le Sun à l'euro ? Non, non, non, Non». Il faut dire que malgré une légère baisse ces derniers mois, le sentiment eurosceptique au Royaume-Uni reste puissant. Selon une enquête ICM publiée vendredi par le Guardian, 58% des Britanniques rejettent l'euro et seulement 28% y sont favorables.

Dans ces trois pays, les responsables font un pari. La mise en place de l’euro chez leurs douze partenaires européens, à partir du 1er janvier prochain, sera leur meilleur argument en faveur de la monnaie unique. Meilleur, en tout cas, que les prédictions catastrophistes dont ils ont tenté d’user. Le ministre danois de l’économie avait prétendu, à la veille du référendum de l’automne 2000, qu’en cas de victoire du non une «tempête financière» se lèverait sur le Danemark. Six mois après le vote, l’économie danoise avait acquis une nouvelle vigueur, la balance commerciale affichait un excédent record, et la banque centrale danoise baissait ses taux d’intérêt pour «affaiblir» une couronne trop forte par rapport à l’euro.

A Londres, le ministre des Affaires européennes estime que l’introduction de la monnaie unique sur le continent permettra aux Britanniques d’en constater les avantages concrets. L’arrivée de la devise européenne constituera pour ses compatriotes, selon Peter Hain, un événement «plutôt sismique, parce que les gens vont pouvoir voir l’euro, toucher l’euro, utiliser l’euro (...) Une fois qu’ils auront vu comme il est facile d’aller de France en Allemagne, en Espagne, aux Pays-Bas et en Belgique en utilisant la même monnaie, ils en verront les avantages et ils pourront décider s’ils veulent eux aussi bénéficier de ces avantages».

Les eurosceptiques britanniques, suédois, et danois font le pari inverse. Une pagaille, des désordres sans précédent viendront vacciner leurs compatriotes contre toute forme d’union monétaire. La réponse est attendue à partir du 1er janvier prochain.



par Philippe  Quillerier-Lesieur

Article publié le 27/11/2001