Burundi
Le chantage de l'opposition armée
Trois semaines à peine après l'installation d'un gouvernement de transition mêlant partis Hutus et Tutsis, les attaques rebelles redoublent d'intensité au Burundi. L'opposition armée a étendu ses actions à toute la partie Est du pays. Pour mieux faire pression sur le nouveau pouvoir. Dans ce climat de tension, le représentant de l'Organisation mondiale de la Santé (OMS), l'Ivoirien Kassi Manlan, a été retrouvé mort ce mardi dans la capitale, Bujumbura.
Le 1er novembre dernier, les vingt-six membres du gouvernement de transition burundais prêtaient serment, en présence du médiateur, Nelson Mandela, et de quatre chefs d'Etats. Prévu par l'accord de paix d'Arusha d'août 2000, censé mettre fin à huit ans de guerre civile, ce premier cabinet, composé paritairement de partis hutus et tutsi, consacre le début d'un partage du pouvoir entre les deux communautés. Et si le président Buyoya, un Tutsi revenu aux affaires à l'occasion d'un coup d'Etat en 1996, a prêté serment le même jour, comme président, ce fut après s'être engagé à abandonner son siège, d'ici dix-huit mois, à son vice-président Domitien Ndayizeye, secrétaire général du FRODEBU, le principal parti hutu.
Dans un élan d'optimisme, l'ancien président sud-africain, qui annonçait la fin de sa mission, a salué «une réalisation majeure des dirigeants burundais». Mais le vieux leader, qui a appris à connaître la complexité de la situation politique de ce petit pays de la région des Grands Lacs, a reconnu que de «nombreux dangers» menacent encore le Burundi.
250 000 victimes en huit ans
Ses inquiétudes se sont malheureusement rapidement confirmées. Les attaques de l'opposition armée hutue, déjà nombreuses à la veille de l'installation du nouveau gouvernement, redoublent d'intensité depuis trois semaines. Ces dernier jours, l'un des deux mouvements rebelles, le Front pour la défense de la démocratie (FDD), traditionnellement actif dans le sud-est du pays, a étendu ses actions à toute la partie orientale. Alors que les combats se poursuivent entre l'armée et les insurgés, les bilans macabres commencent à tomber : environ 130 civils tués, de même que trois cent rebelles et une cinquante de militaires.
Cette vaste offensive intervient alors que les Forces nationales de libération (FNL), l'autre groupe armé hutu, poursuivent également leurs incursions, en particulier dans la région de Bujumbura. Le 15 novembre, plusieurs de leurs hommes se sont ainsi infiltrés dans un quartier nord-est de la capitale, tuant trois militaires et trois civils. Autant de nouvelles victimes d'un conflit larvé qui a déjà coûté la vie à 250 000 burundais, depuis 1993.
Les partenaires occidentaux du Burundi, qui avaient fait pression pour la signature des accords d'Arusha et la formation d'un gouvernement de transition ne cachent pas leur inquiétude. Le 12 novembre dernier la France et l'Union européenne ont condamné d'une même voix la recrudescence de la violence et ont appelé tous les protagonistes à déposer les armes. Mais la communauté internationale a, jusqu'ici, semblé impuissante à convaincre les rebelles hutus, malgré les efforts de la médiation sud-africaine.
Pour beaucoup d'observateurs, les troubles récents ne menacent toutefois pas encore le nouveau pouvoir de transition, en raison notamment de la capacité de riposte de l'armée burundaise et de la présence de 700 militaires sud-africain à Bujumbura. «Les rebelles font monter les enchères. Ils savent que ce sont eux qui peuvent faire capoter le processus en cours», estime Fabienne Hara, co-directrice du programme Afrique à l'International Crisis Group, une organisation non gouvernementale très impliquée dans le processus de paix. De nouvelles négociations doivent, en effet, s'ouvrir à Libreville, début décembre, sous l'égide du président Bongo. Les responsables du FDD et des FLN y sont, en principe, attendus. Malgré les événements récents, Fabienne Hara reste optimiste : «La formation d'un gouvernement où l'on retrouve les principaux partis burundais est déjà un accomplissement très important. Il faut maintenant que la dynamique qui s'est engagée convainque certaines parties de la population de lâcher les rebelles.»
Pour les FDD, la ligne officielle est pour l'instant de ne pas accepter d'autre interlocuteur que l'armée, qu'elle considère comme le véritable détenteur du pouvoir au Burundi. «L'armée c'est l'Etat», déclarait récemment un porte-parole du mouvement. Et de fait, celle-ci constitue le défi le plus important du gouvernement de transition. Dominée par des officiers Tutsis depuis des décennies, elle est jusqu'ici restée rétive à toute réforme, et notamment à l'ouverture de son commandement aux Hutus. C'est, d'ailleurs, en tentant de le faire que le premier président Hutu, Melchior Ndadaye, a été assassiné en décembre 1993. La place qu'ils pourront obtenir dans la future armée burundaise est donc au c£ur des revendications des mouvements rebelles à la veille des négociations de Libreville. Quitte à tuer pour se faire entendre.
Dans un élan d'optimisme, l'ancien président sud-africain, qui annonçait la fin de sa mission, a salué «une réalisation majeure des dirigeants burundais». Mais le vieux leader, qui a appris à connaître la complexité de la situation politique de ce petit pays de la région des Grands Lacs, a reconnu que de «nombreux dangers» menacent encore le Burundi.
250 000 victimes en huit ans
Ses inquiétudes se sont malheureusement rapidement confirmées. Les attaques de l'opposition armée hutue, déjà nombreuses à la veille de l'installation du nouveau gouvernement, redoublent d'intensité depuis trois semaines. Ces dernier jours, l'un des deux mouvements rebelles, le Front pour la défense de la démocratie (FDD), traditionnellement actif dans le sud-est du pays, a étendu ses actions à toute la partie orientale. Alors que les combats se poursuivent entre l'armée et les insurgés, les bilans macabres commencent à tomber : environ 130 civils tués, de même que trois cent rebelles et une cinquante de militaires.
Cette vaste offensive intervient alors que les Forces nationales de libération (FNL), l'autre groupe armé hutu, poursuivent également leurs incursions, en particulier dans la région de Bujumbura. Le 15 novembre, plusieurs de leurs hommes se sont ainsi infiltrés dans un quartier nord-est de la capitale, tuant trois militaires et trois civils. Autant de nouvelles victimes d'un conflit larvé qui a déjà coûté la vie à 250 000 burundais, depuis 1993.
Les partenaires occidentaux du Burundi, qui avaient fait pression pour la signature des accords d'Arusha et la formation d'un gouvernement de transition ne cachent pas leur inquiétude. Le 12 novembre dernier la France et l'Union européenne ont condamné d'une même voix la recrudescence de la violence et ont appelé tous les protagonistes à déposer les armes. Mais la communauté internationale a, jusqu'ici, semblé impuissante à convaincre les rebelles hutus, malgré les efforts de la médiation sud-africaine.
Pour beaucoup d'observateurs, les troubles récents ne menacent toutefois pas encore le nouveau pouvoir de transition, en raison notamment de la capacité de riposte de l'armée burundaise et de la présence de 700 militaires sud-africain à Bujumbura. «Les rebelles font monter les enchères. Ils savent que ce sont eux qui peuvent faire capoter le processus en cours», estime Fabienne Hara, co-directrice du programme Afrique à l'International Crisis Group, une organisation non gouvernementale très impliquée dans le processus de paix. De nouvelles négociations doivent, en effet, s'ouvrir à Libreville, début décembre, sous l'égide du président Bongo. Les responsables du FDD et des FLN y sont, en principe, attendus. Malgré les événements récents, Fabienne Hara reste optimiste : «La formation d'un gouvernement où l'on retrouve les principaux partis burundais est déjà un accomplissement très important. Il faut maintenant que la dynamique qui s'est engagée convainque certaines parties de la population de lâcher les rebelles.»
Pour les FDD, la ligne officielle est pour l'instant de ne pas accepter d'autre interlocuteur que l'armée, qu'elle considère comme le véritable détenteur du pouvoir au Burundi. «L'armée c'est l'Etat», déclarait récemment un porte-parole du mouvement. Et de fait, celle-ci constitue le défi le plus important du gouvernement de transition. Dominée par des officiers Tutsis depuis des décennies, elle est jusqu'ici restée rétive à toute réforme, et notamment à l'ouverture de son commandement aux Hutus. C'est, d'ailleurs, en tentant de le faire que le premier président Hutu, Melchior Ndadaye, a été assassiné en décembre 1993. La place qu'ils pourront obtenir dans la future armée burundaise est donc au c£ur des revendications des mouvements rebelles à la veille des négociations de Libreville. Quitte à tuer pour se faire entendre.
par Christophe Champin
Article publié le 20/11/2001