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Justice

Vif débat sur la présomption d'innocence

Cédant aux revendications des policiers qui manifestent depuis quelques jours en France, le gouvernement de Lionel Jospin a apporté, le 21 novembre, son soutien à une évaluation parlementaire de la loi du 15 juin 2000 sur la présomption d'innocence, afin d'en corriger les dysfonctionnements. Julien Dray, député socialiste, a un mois pour rédiger un rapport d'évaluation.
Les policiers vont encore descendre dans la rue, ce jeudi, pour manifester leur mécontentement. Hier, mercredi, ils étaient 10 000 à Paris, 3 500 à Marseille et plusieurs milliers dans les autres grandes villes de France. Lionel Jospin, devant tant de grogne, de critiques et de polémiques suscitées par la loi sur la présomption d'innocence , dite loi Guigou, vient de décider de confier un rapport à Julien Dray, député socialiste de l'Essonne, chargé en outre au PS du projet «sécurité nationale». Cette décision du Premier ministre, qui répond à la demande exprimée en début de semaine par les députés socialistes, marque pour le moins un revirement du gouvernement à six mois de l'élection présidentielle.

Le président de l'Assemblée nationale, Raymond Forni, le président du groupe socialiste, Jean-Marc Ayrault et le porte-parole du PS, Vincent Peillon, s'étaient en effet succédés, mardi, pour demander une évaluation «très rapidement» de cette loi, un bilan précis de la loi Guigou, voire une modification de certains passages de ce texte. Pour autant, s'exprimant à l'issue du Conseil des ministres, le 21 novembre, la ministre de la Justice, Marylise Lebranchu, a affirmé qu'il n'était «pas question de modifier la loi» mais d'améliorer les méthodes de travail. De leur côté, les parlementaires socialistes pensent notamment remettre en cause le droit au silence, l'enregistrement audiovisuel des gardes à vue ou la possibilité des avocats d'intervenir dès la première heure.

Lionel Jospin a cédé

La loi Guigou du 15 juin 2000 a effectivement modifié en profondeur le droit pénal français mais a également suscité de nombreuses difficultés d'application dans les commissariats et les tribunaux. Ce texte, appliqué depuis le 1er janvier 2001, a notamment modifié les conditions de garde à vue, enlevé aux juges d'instruction le pouvoir de placer les mis en examen en détention provisoire, et créé un appel des jugements des Cours d'assises. Julien Dray, figure de proue de l'aile gauche du PS devra donc remettre d'ici un mois son rapport au Premier ministre. En acceptant cette évaluation, Lionel Jospin cède donc à une partie des revendications des policiers. La loi Guigou cristallise, depuis quelques semaines, un malaise croissant au sein de la police nationale : il y a un mois, les syndicats de policiers avaient notamment reproché au texte d'être responsable de la remise en liberté en décembre 2000, du truand Jean-Claude Bonnal, soupçonné d'être l'auteur du meurtre de plusieurs policiers.

Poursuivant son offensive sur la sécurité, une partie de la droite a demandé la démission du ministre de l'Intérieur, Daniel Vaillant. L'ancien ministre RPR, Alain Juppé, a même été plus loin, en proposant au gouvernement de suspendre cette loi. Notant que les «intentions au départ n'étaient pas mauvaises», Alain Juppé a regretté qu'on ait «mis en place ce dispositif sans se donner les moyens de le faire appliquer». Il a aussi dénoncé une «insuffisance de moyens, en effectif et en matériels (à); il faut refaire une remise à plat de cette loi» en se prononçant pour «une loi-programme pour la police et la justice». Thierry Jean-Pierre, porte-parole de la campagne présidentielle d'Alain Madelin (DL) et ancien magistrat, a été plus incisif en déclarant : «la méthode Jospin dont on nous rabattait les oreilles il y a encore quelques mois se révèle être aujourd'hui un véritable fiasco et la reculade du gouvernement sur la loi Guigou, une capitulation en rase campagne». De son côté, le président du Rassemblement pour la France (RPF) et ancien ministre de l'Intérieur, Charles Pasqua, a estimé que la responsabilité de la montée de l'insécurité en France incombait surtout à Lionel Jospin qui «a laissé se dégrader la situation depuis cinq ans».

Lire également :
Le grand malaise des policiers
(Editorial politique de Geneviève Goëtzinger)





par Clarisse  Vernhes

Article publié le 22/11/2001