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Madagascar

La course à la présidence

Le 16 décembre, les électeurs malgaches se rendront aux urnes pour élire leur président de la République. La campagne de propagande a commencé dimanche 25 novembre. Le compte à rebours a donc commencé pour les six candidats en lice.
De notre correspondant à Madagascar

Une élection présidentielle, ça relève un peu de l’événement sportif. Il faut s’y préparer, trouver les sponsors, faire vibrer la foule. L’important n’est pas de participer, mais de gagner. Sur la ligne de départ, ils sont six.

Recordman de cette compétition, l’actuel président Didier Ratsiraka. Militaire de formation, diplômé de l’École navale de Brest, sa première apparition sur la scène politique remonte à 1972. Première victoire présidentielle en août 75. A 39 ans, il accède à la tête de l’État, crée son parti, l’AREMA (l’Avant-garde de la Révolution malgache), et instaure un régime socialiste strict. En 1982 puis en 89, il est réélu assez largement, malgré une contestation populaire croissante. En 1991, malgré un revirement idéologique plus libéral, il cède à la pression de la rue. Il est battu à la régulière en 1993 par Albert Zafy. Pour l’amiral Ratsiraka, commencent alors trois ans de traversée du désert.

A la faveur d’une élection présidentielle anticipée en 1996, il signe son retour à la tête de l’État, en battant de justesse son rival Albert Zafy. Aujourd’hui, Didier Ratsiraka, malgré une santé fragile, brigue un cinquième mandat. Il peut s’appuyer sur de nombreux partisans, dans l’administration et dans le monde rural. Il met en avant les réalisations de son gouvernement, la mise en place définitive des institutions (Sénat, Provinces autonomes), les bons chiffres macro-économiques, la confiance des Bailleurs de fonds. Même si, après plus de 20 ans de règne Ratsiraka, Madagascar figure parmi les pays les moins avancés. En tout cas, pour cette élection, ses concurrents espèrent bien mettre un terme à l’hégémonie de l’amiral.

Son rival de toujours, Albert Zafy est en course. Ce professeur en cardiologie a commencé sa carrière politique en 1972, comme Ratsiraka. Leur première opposition électorale date de 1993, large victoire de Zafy. Deuxième rencontre au sommet, en 1996, courte victoire de Ratsiraka. Aujourd’hui, Albert Zafy promet de «rendre le pouvoir à la base, aux communes», et «d’éradiquer les pratiques de corruption». A 74 ans, il veut prendre sa revanche et réclame donc une deuxième chance à la tête de l’État. Deuxième et sans doute dernière chance.

De cette même génération, Daniel Rajakoba, 61 ans. Cet enseignant a lui aussi débuté en politique en 1972. Mais il a vite pris ses distances, pour se consacrer entre autres à la théologie. Pasteur protestant, il justifie son retour en politique et sa candidature en citant l’évangile : «Je suis venu non pas pour être servi, mais pour servir». Seul un miracle pourrait lui permettre d’être présent au second tour.

Conflit de générations

Aux côtés de ces trois «anciens» de la vie politique malgache, figurent trois jeunes loups qui entendent bien incarner un renouveau de la classe politique.

Il est le benjamin (46 ans), il est chef d’entreprises et chef de parti : Herizo Razafimahaleo. En 1996, il évoluait déjà dans la cour des grands, en se classant troisième de la présidentielle. Son principal atout, c’est une formation politique, le Leader Fanilo, représenté à l’échelon national. Principal handicap : la liaison entretenue pendant des années entre ce parti et le régime Ratsiraka. Même si aujourd’hui, Herizo Razafimahaleo est clairement en concurrence avec Didier Ratsiraka, certains électeurs pourraient ne pas avoir oublié cette liaison dangereuse.

Autre jeune industriel en compétition, Patrick Rajaonary. Né en 1995, cet ancien président du Syndicat des Industries de Madagascar se présente comme le pourfendeur des fraudes fiscales. Sans appui politique, ses ambitions électorales sont modestes. Tout juste espère-t-il contribuer à élever le débat d’idées.

Sixième et dernier candidat, un outsider : Marc Ravalomanana. Un véritable self-made man. Il y a 20 ans, il vendait des bouteilles de lait. Il a crée son entreprise, Tiko, devenue en quelques années une des plus grosses sociétés de l’Ile. En 1999, il crée la surprise en décrochant la mairie d’Antananarivo, grâce à une campagne fulgurante. Aujourd’hui, à 51 ans, il compte bien réédité son exploit au niveau national. Il est déjà connu et apprécié dans la capitale, pour ses réalisations en l’espace de deux ans. Il est connu dans tout le pays, grâce à ses produits laitiers. Enfin, il peut compter sur le soutien tacite d’une partie des chrétiens de Madagascar. Ce protestant engagé est en effet vice-président de la FJKM (l’Église réformée de Madagascar). Il promet «un développement rapide de Madagascar». Son credo électoral : «Soyez sans crainte, ayez seulement la foi», tiré de l’Évangile selon Saint Marc !

A quelques jours du premierr tour, les candidats courent à travers le pays pour convaincre les électeurs. Le scrutin s’annonce ouvert. Tous espèrent en tout cas une chose : qu’il n’y ait pas le 16 décembre, de dopage des urnes.



par Olivier  Péguy

Article publié le 03/12/2001