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Afghanistan

Hamid Karzaï: «Le roi rentrera en tant que citoyen»

Hamid Karzaï, le chef du gouvernement intérimaire afghan vient d’achever sa première visite à l’étranger. En Italie, il s’est longuement entretenu avec le l’ex-roi Zaher Shah auquel il promet un rôle «prépondérant» mais symbolique.
De notre correspondante en Italie

Accueilli à Rome avec les tous les honneurs réservés à un chef de gouvernement, le Premier ministre désigné du gouvernement de transition afghan, Hamid Karzaï 43 ans, est reparti pour Kaboul avec plusieurs garanties en poche.
La principale raison de son séjour en Italie était qu’il voulait absolument rencontrer l’ancien roi d’Afghanistan, Mohammed Zaher Shah, «pour recevoir sa bénédiction». Les deux hommes, membres, l’un et l’autre, du clan Durrani, l’une des deux grandes tribus pachtounes, seront en effet amenés à collaborer ensemble pour la reconstruction de leur pays. Ils ont dîné en tête à tête, mardi soir, au domicile de l’ex-souverain, âgé de 87 ans et en exil à Rome depuis 1973, année où il fut déposé par un putsch, organisé par son beau-frère Mohammed Daoud Khan, vraisemblablement sous l’influence des Soviétiques.
«J’étais très heureux d’être reçu par le roi» a déclaré Hamid Karzaï, montrant aux nombreux photographes présents à la sortie de l’Olgiata, le domaine privé où réside Zaher Shah, l’exemplaire du Coran que ce dernier lui a offert et qui, a t-il assuré, lui servira de guide.

Opération séduction réussie pour Hamid Karzaï

Concernant le futur rôle de l’ancien monarque, qui a régné pendant 40 ans en Afghanistan (1933-1973), Hamid Karzaï a confirmé qu’il occupera «un rôle prépondérant pour la réunification du peuple afghan» et a annoncé que Zaher Shah entendait rentrer dans son pays «en tant que citoyen et surtout pas pour rétablir un régime monarchique» d’ici un mois environ.
Selon les accords de la conférence inter-afghane de Bonn, en Allemagne, l’ancien souverain devra convoquer, dans un délai de six mois, la Loya Jirga, l’assemblée traditionnelle des chefs de tribus qui sera chargée de désigner un nouveau gouvernement et garantir la stabilité et la paix en Afghanistan. Hamid Karzaï qui doit prendre ses fonctions à Kaboul le 22 décembre, s’est d’ailleurs fermement engagé, à Rome, à préparer le terrain pour la tenue de la Loya Jirga.
Reçu par le chef du gouvernement italien Silvio Berlusconi et le chef de la diplomatie Renato Ruggiero, il a obtenu des promesses d’aide très concrètes. l’Italie allouera 83 milliards de lires pour la reconstruction de l’Afghanistan et Silvio Berlusconi- qui est à la tête du groupe de chaînes privées le plus important en Italie, le groupe Mediaset, lui a assuré –très fier de sa trouvaille!- qu’il financerait l’installation d’une station de radio –télévision à Kaboul «afin de pouvoir diffuser le plus rapidement possible les valeurs de la démocratie et de la liberté».
Hamid Karzaï a en tous cas séduit tous ses interlocuteurs. Homme à l’esprit très vif, déterminé, conscient de ses responsabilités et de la tache difficile qui l’attend , il s’est engagé, au cours d’une conférence de presse tenue dans un hôtel romain à livrer à la justice internationale les combattants arabes capturés dans son pays.
«Les criminels, ceux qui ont aidé le terrorisme n’ont aucune place dans une relation de travail, au contraire, a t-il dit, ils doivent être jugés et présentés devant un tribunal et doivent être aussi présentés devant une cour internationale de justice». Hamid Karzaï a annoncé qu’il appliquerait la loi islamique, la charia, aux criminels de droit commun en Afghanistan.

S’en prenant durement aux talibans -responsables de l’assassinat de son père- il a déclaré: «Ils nous ont trop fait souffrir, il n’est pas possible de leur permettre de rester dans le pays. Leur régime était horrible, contre l’islam, contre la tradition, contre des êtres humains, contre la vie».
Reconnaissant que son pays sera dépendant, pour sa reconstruction, de l’aide économique des Etats-Unis et de l‘Europe, Hamid Karzaï estime cependant que «la dépendance économique ne signifie pas être dirigé par ces pays».
Très favorable a la mise en place d’une force internationale de sécurité il a lancé un appel vigoureux à la communauté internationale pour qu’elle n’abandonne pas l’Afghanistan, une fois que les opérations militaires seront terminées. «La communauté internationale a vu les conséquences qu’il y a eu à négliger l’Afghanistan. Elle devrait être assez sage, a-t-il insisté, pour ne pas le refaire».



par Anne  Le Nir

Article publié le 20/12/2001