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Afghanistan

Feu vert pour la force internationale

Le Conseil de sécurité a autorisé hier le déploiement d'une «force internationale d'assistance pour la sécurité» en Afghanistan. Elle devrait comprendre de 3000 à 5000 hommes sous commandement britannique et se placer sous l'autorité ultime des Etats-Unis. A Kaboul, l'Alliance du nord minimise le rôle de cette force.
New York (Nations unies), de notre correspondant

Les premiers soldats britanniques, environ 250, devraient être en place samedi pour l'installation à Kaboul du gouvernement provisoire. Leur présence sera essentiellement symbolique, mais elle devrait être de nature à rassurer les composantes du nouveau gouvernement extérieures à l'Alliance du Nord, à commencer par le Premier ministre pachtoune royaliste Hamid Karzaï. Il était donc temps que les membres permanents du Conseil de sécurité se mettent d'accord sur le mandat qui guidera la «force internationale d'assistance pour la sécurité» en Afghanistan. Dans une résolution rédigée par la France et la Grande Bretagne et votée jeudi à l'unanimité, l'ONU a confié à la force la mission «d'aider» le nouveau gouvernement afghan «à maintenir la sécurité à Kaboul et ses environs, afin que l'Autorité afghane intérimaire et le personnel des Nations unies puissent opérer dans un environnement sûr».

Ce mandat exclut donc toute intervention à l'extérieur de cette zone, même dans le cas où, par exemple, un convoi humanitaire se ferait attaquer dans une autre partie du pays. «Cette force n'est pas là pour assurer la sécurité dans tout le pays, explique un diplomate du Conseil de sécurité. Pour cela, il nous faudrait 200 000 hommes. On ne veut pas ensuite se voir reprocher notre «impuissance», c'est pourquoi nous avons soigneusement délimité le mandat.». La résolution ne précise pas le nombre d'hommes qui seront affectés à cette tâche, mais les diplomates britanniques évoquent une fourchette allant de 3000 à 5000 hommes. Le plus gros contingent sera anglais, mais la France, l'Italie, l'Espagne, le Canada et la Turquie devraient aussi rapidement envoyer des troupes.

En cas de problème, les Etats-Unis auront le dernier mot

Le commandement revient à la Grande-Bretagne, qui en dernier ressort place la force sous l'autorité des Etats-Unis. En cas de «frictions» entre les deux forces, le Pentagone aura le dernier mot. «Nous donnons priorité aux Américains qui doivent d'abord finir la guerre, explique le même diplomate du Conseil de sécurité. Il n'était pas possible d'avoir sur un même théâtre deux forces en parallèle.» En contrepartie, les Etats-Unis se seraient engagés à évacuer la force multinationale en cas de crise majeure. Le gros des troupes n'est pas attendu avant la mi-janvier. Ces soldats ne seront pas des casques bleus de l'ONU, mais une force multinationale, simplement autorisée par le conseil de sécurité. La résolution a été placée sous le chapitre 7 de la charte des Nations unies, ce qui autorise la force à faire usage des armes pour faire respecter son mandat. Cette provision s'appuie sur le fait que «la situation en Afghanistan reste une menace pour la paix et la sécurité internationales».

Ce point a été dans un premier temps contesté par le ministre des Affaires étrangères de l'Alliance du nord, qui conservera sa fonction dans le nouveau gouvernement. Le docteur Abdullah avait écrit une première lettre à l'ONU demandant à ce que la résolution soit placée sous le chapitre 6 de la charte, qui limite considérablement l'usage de la force. Il a dû se déjuger dans une seconde lettre, mais sur le fond, l'Alliance du nord est plutôt hostile à l'arrivée de la nouvelle force. Hier à Kaboul, le ministre de la Défense afghan, Mohammed Fahim (qui lui aussi conservera son poste dans le nouveau gouvernement) a expliqué que sur les 3000 soldats internationaux déployés pour six mois en Afghanistan, 1000 auront un rôle de maintien de la paix. Selon lui, les 2000 autres serviront à la fois de troupes de réserve et de soutien humanitaire en dehors de la capitale.

«Leur présence est symbolique, a expliqué le ministre. La sécurité est la responsabilité des Afghans.» Selon lui, les soldats «n'ont le droit de désarmer personne», tout juste pourront-ils patrouiller, «si ils veulent». Plus inquiétant, selon l'accord de Bonn, conclu entre les différentes tendances de la société afghane et en présence de l'ONU, l'Alliance du Nord devait retirer ses troupes de Kaboul pour laisser la place à la nouvelle force multinationale, en ne maintenant dans la capitale qu'une force de police. La donne a changé. l'Alliance parle maintenant de faire rentrer ses soldats dans des casernes... situées au coeur de Kaboul.

Autant dire que cette conception de la force multinationale est très en deçà de ce que préconise l'ONU. Elle risque de ne pas être du goût d'une bonne partie des habitants de Kaboul, qui redoutent que l'Alliance du nord replonge la ville dans le chaos, comme entre 1992 et 1996. De même, les Pachtounes et les tendances extérieures à l'Alliance du nord au sein du nouveau gouvernement préfèrent s'en remettre à la force internationale pour assurer leur sécurité. Autant dire qu'il faudra plus qu'une résolution pour régler les mille et un problèmes qui vont se poser dans les jours à venir.



par Philippe  Bolopion

Article publié le 21/12/2001