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Justice

Présomption d’innocence : une loi à revoir

Julien Dray, député socialiste de l’Essonne a remis le 19 décembre à Lionel Jospin un rapport sur l’application de la loi Guigou. Il préconise de «simplifier sans le remettre en cause» le texte de la loi sur la présomption d’innocence. Le Premier ministre français a promis d’en «tirer très rapidement les conséquences».
L’exercice aura été périlleux : apaiser la colère des policiers et des gendarmes mais aussi des magistrats tout en se gardant de désavouer la loi Guigou sur la présomption d’innocence, chère à la majorité plurielle. Julien Dray, chargé par Lionel Jospin le 21 novembre dernier de faire un rapport sur la mise en œuvre de la loi du 15 juin 2000, a remis ses conclusions, le 19 décembre, au Premier ministre. Ainsi le député socialiste de l’Essonne suggère d’aménager par petites touches la loi en vigueur depuis le 1er janvier 2001. Dans un texte d’une cinquantaine de pages, Julien Dray propose notamment l’allongement à trois heures, au lieu d’une, du délai requis pour les formalités de mise en garde à vue, la possibilité de retenir des témoins dans des affaires graves comme la criminalité organisée, le proxénétisme, le terrorisme ou le trafic de stupéfiants et de créer des lieux de permanence dans les parquets pour que les magistrats soient joignables 24 heures sur 24 ou encore de mettre en place un standard national baptisé «SOS barreau».

Selon Julien Dray les fondements du texte ne sont pas remis en cause. «La mise en œuvre de telle ou telle mesure peut s’avérer plus complexe qu’on aurait pu le croire au départ. Cela n’implique pas que l’esprit de la loi doive être remis en cause de manière systématique», écrit le parlementaire dans son rapport. Un rapport commandé en toute hâte par Lionel Jospin, il y a un mois, pour remédier aux dysfonctionnements de la loi Guigou qui avait cristallisé, cet automne, le malaise des policiers. Ces derniers avaient accusé le texte d’être à l’origine de la remise en liberté, le 15 décembre 2000, de Jean-Claude Bonnal, truand multirécidiviste impliqué dans le meurtre de plusieurs policiers. Quelques semaines plus tard, la remise en liberté par un juge de Versailles d’un Congolais impliqué dans une affaire de trafic de drogue a encore accru leur mécontentement. Des arguments repris, à l’époque, par la droite qui avait demandé le réexamen rapide de la loi.

La police plutôt satisfaite

Ces mesures accueillies avec beaucoup de prudence par la police ont toutefois suscité de l’intérêt. Les syndicats de police ont estimé que les propositions du député, spécialiste des problèmes de sécurité, étaient «de bon sens» mais qu’il fallait maintenant «les mettre en musique». «Il y a une prise en considération des problèmes de matériels rencontrés par les policiers lors de la première heure de garde à vue» a déclaré Bruno Beschizza, responsable de Synergie, le deuxième syndicat chez les officiers de police. «Il va falloir voir les réactions des autres acteurs mais on jugera le Premier ministre sur sa capacité à mettre ce rapport en musique» a-t-il toutefois tempéré. «Elles vont dans le bon sens, mais leur portée est considérablement amoindrie par ces restrictions» a estimé lui aussi André-Michel Ventre, secrétaire général du SCHFPN, majoritaire chez les commissaires. «Nous restons favorables à une réforme de fond de la procédure pénale qui nous apparaît de plus en plus nécessaire» a-t-il ajouté. «Les utilisateurs jugeront par eux-mêmes» a souligné pour sa part Joaquim Masanet - UNSA-Police, majoritaire chez les gardiens de la paix - qui souhaite que les circulaires évoquées par Julien Dray soient «mises en place rapidement, dès le 1er janvier 2002».

De son côté, l’opposition fulmine. Christian Estrosi, secrétaire national du RPR chargé du dossier sécurité, a estimé que le rapport de Julien Dray était «une mascarade politique de plus» regrettant «l’absence d’ambition des mesures proposées». «C’est un énième rapport, rédigé dans la précipitation et l’urgence, pour tenter de montrer que le gouvernement s’inquiète de l’érosion de la chaîne pénale» a-t-il ajouté tout en rappelant que 75 députés RPR, UDF et DL avaient déposé une proposition de loi visant à modifier la loi Guigou sur plusieurs points comme l’abrogation de l’enregistrement audiovisuel des gardes à vue ou bien encore la suppression des délais butoirs des enquêtes. Pascal Clément, député de Démocratie libérale a lui, estimé que le rapport de Julien Dray relevait d’un «tripatouillage juridique laissant planer les plus grandes inquiétudes quant à la mise en œuvre concrète des simplifications proposées». Le Premier ministre a, quant à lui, promis de «tirer très rapidement les conséquences des propositions» en précisant que «le travail interministériel» allait débuter immédiatement.

Lire également :
Julien Dray et la loi Guigou
(L’éditorial politique de Geneviève Goëtzinger)



par Clarisse  Vernhes

Article publié le 20/12/2001