Madagascar
Vers un second tour ?
Quinze jours après le premier tour du scrutin présidentiel, le ministère de l’Intérieur vient de terminer le décompte des résultats. Ces chiffres indiquent la nécessité d’un second tour pour départager les deux principaux candidats: le maire d’Antananarivo Marc Ravalomanana et le président sortant Didier Ratsiraka. Mais la polémique persiste.
De notre correspondant à Antananarivo
Sous la coupole du ministère de l’Intérieur, l’heure est au rangement. On a débranché les ordinateurs et les fax, les téléphones se sont tus. Ne restent dans cette salle utilisée à chaque scrutin, que les feuilles des résultats affichées sur les grands tableaux noirs. Les résultats collectés d’abord dans chacun des 111 fivondronana (préfectures et sous-préfectures), puis transmis par téléphone, radio, BLU ou fax au ministère de l’Intérieur dans la capitale. L’insuffisance du réseau de communication dans la Grande Ile explique la lenteur du dépouillement des résultats. Sans compter quelques «accidents» de parcours, ainsi, ces dizaines de procès-verbaux, établis dans des bureaux de vote en pleine brousse, qui sont tombés dans quelques rivières ou rizières, et qui sont donc illisibles. Cela n’étonne personne, tant ce genre d’incidents semble courant à chaque scrutin.
En tout cas, les chiffres collectés par le ministère font apparaître une forte participation. Les deux tiers des 6.367.610 électeurs inscrits se sont rendus aux urnes, le 16 décembre. C’est beaucoup plus que lors du dernier scrutin présidentiel (pour le premier tour de la présidentielle en 1996, le taux de participation était de 58%).
Côté résultats, Marc Ravalomanana est en tête de ce premier tour. Le maire d’Antananarivo recueille 46,44% des suffrages. Il devance le président sortant Didier Ratsiraka, crédité de 40,61% des voix. Quand aux autres candidats, ils sont loin, très loin derrière: autour de 5% pour l’ancien président Albert Zafy (5,34% des suffrages) et Herizo Razafimahaleo (4,27%). Daniel Rajakoba et Patrick Rajaonary ferment la marche avec respectivement 1,77% et 1,57% des voix. On le constate, les électeurs ont massivement polarisé leur vote sur deux candidats: Marc Ravalomanana et Didier Ratsiraka. Un premier tour qui ressemble à un second tour.
Quinze jours pour donner les résultats: un record…de rapidité!
Mais étant donné qu’aucun de ces candidats, selon le ministère de l’Intérieur, n’a obtenu plus de la majorité des suffrages, les électeurs malgaches devraient donc se rendre à nouveau aux urnes pour les départager.
Le décompte des résultats à Madagascar prend toujours beaucoup de temps. Et pourtant, nombreux sont ceux qui soulignent la «rapidité» avec laquelle le ministère a collecté ses chiffres, pour ce scrutin. Moins de quinze jours. Presque un record! Et pour cause. Il y avait comme une course aux résultats. Le ministère d’un côté, et en face, le camp du candidat Marc Ravalomanana, qui a déployé d’énormes moyens pour procéder à la collecte de ses propres données. Le maire d’Antananarivo a utilisé les huit hélicoptères loués pour sa campagne, ses véhicules et surtout des centaines de partisans pour récupérer les procès-verbaux dans un maximum de bureaux de vote sur tout le territoire. Le tout parvenait dans un poste central installé dans le siège de campagne de Marc Ravalomanana. Les résultats ainsi collectés, étaient constamment publiés, par voie de presse ou sur Internet. Aujourd’hui, près de 16 000 procès-verbaux ont été visés par le camp Ravalomanana. Et ils font apparaître des résultats différents de ceux du ministère de l’Intérieur. Selon Tiako i Madagasikara, l’association créée par le maire d’Antananarivo pour cette élection, Marc Ravalomanana obtiendrait près de 52% des suffrages. Il serait donc vainqueur de l’élection dès le premier tour.
Qui dit vrai ? Difficile à dire. De part et d’autres, on s’accuse de manipulation des chiffres. Du côté du président sortant, on se fie aux résultats du ministère tout en affirmant posséder des preuves selon lesquelles Marc Ravalomanana aurait triché massivement dans la capitale. Du côté du maire d’Antananarivo, on n’accorde aucun crédit aux chiffres présentés par les autorités, et dans le même temps, on estime que Didier Ratsiraka aurait fraudé dans le reste du pays.
Entre les deux, les observateurs indépendants, réunis depuis plusieurs semaines dans un consortium. Ces observateurs, soutenus financièrement par plusieurs pays étrangers, se sont engagés à sortir leurs propres résultats, à partir des procès-verbaux établis dans chaque bureau de vote. Et ce, dans la plus grande transparence. Mais visiblement, le travail de ce consortium prend davantage de temps que prévu.
Dans cette guerre des chiffres, personne ne veut s’avouer vaincu. Et c’est pour essayer de débloquer la situation qu’un nouvel acteur est entré en scène, ces derniers jours: le conseil des églises chrétiennes. Les responsables catholiques et protestants, très influents à Madagascar, avancent leur autorité morale en guise de garantie de neutralité. Ils ont ainsi invité les candidats et les observateurs à s’asseoir autour d’une même table pour comparer leurs résultats. Simplement, trois des six candidats, dont Didier Ratsiraka, n’ont pas répondu à l’invitation. Ce qui, évidemment, limite la portée de l’initiative chrétienne.
De toutes les manières, sur le plan juridique et légal, seule la Haute cour constitutionnelle (HCC) est habilitée à prononcer des résultats officiels et définitifs. Cette institution, composée de neuf magistrats, dispose pour cela de vingt jours, à compter de la réception du dernier pli émanant des commissions de recensement matériel des votes (article 109 du Code électoral). Un délai qui lui permet également de statuer sur les éventuelles requêtes, réclamations et contestations déposées par les candidats, les observateurs indépendants et même les électeurs. A ce jour, une vingtaine de requêtes ont été transmises à la HCC.
Sous la coupole du ministère de l’Intérieur, l’heure est au rangement. On a débranché les ordinateurs et les fax, les téléphones se sont tus. Ne restent dans cette salle utilisée à chaque scrutin, que les feuilles des résultats affichées sur les grands tableaux noirs. Les résultats collectés d’abord dans chacun des 111 fivondronana (préfectures et sous-préfectures), puis transmis par téléphone, radio, BLU ou fax au ministère de l’Intérieur dans la capitale. L’insuffisance du réseau de communication dans la Grande Ile explique la lenteur du dépouillement des résultats. Sans compter quelques «accidents» de parcours, ainsi, ces dizaines de procès-verbaux, établis dans des bureaux de vote en pleine brousse, qui sont tombés dans quelques rivières ou rizières, et qui sont donc illisibles. Cela n’étonne personne, tant ce genre d’incidents semble courant à chaque scrutin.
En tout cas, les chiffres collectés par le ministère font apparaître une forte participation. Les deux tiers des 6.367.610 électeurs inscrits se sont rendus aux urnes, le 16 décembre. C’est beaucoup plus que lors du dernier scrutin présidentiel (pour le premier tour de la présidentielle en 1996, le taux de participation était de 58%).
Côté résultats, Marc Ravalomanana est en tête de ce premier tour. Le maire d’Antananarivo recueille 46,44% des suffrages. Il devance le président sortant Didier Ratsiraka, crédité de 40,61% des voix. Quand aux autres candidats, ils sont loin, très loin derrière: autour de 5% pour l’ancien président Albert Zafy (5,34% des suffrages) et Herizo Razafimahaleo (4,27%). Daniel Rajakoba et Patrick Rajaonary ferment la marche avec respectivement 1,77% et 1,57% des voix. On le constate, les électeurs ont massivement polarisé leur vote sur deux candidats: Marc Ravalomanana et Didier Ratsiraka. Un premier tour qui ressemble à un second tour.
Quinze jours pour donner les résultats: un record…de rapidité!
Mais étant donné qu’aucun de ces candidats, selon le ministère de l’Intérieur, n’a obtenu plus de la majorité des suffrages, les électeurs malgaches devraient donc se rendre à nouveau aux urnes pour les départager.
Le décompte des résultats à Madagascar prend toujours beaucoup de temps. Et pourtant, nombreux sont ceux qui soulignent la «rapidité» avec laquelle le ministère a collecté ses chiffres, pour ce scrutin. Moins de quinze jours. Presque un record! Et pour cause. Il y avait comme une course aux résultats. Le ministère d’un côté, et en face, le camp du candidat Marc Ravalomanana, qui a déployé d’énormes moyens pour procéder à la collecte de ses propres données. Le maire d’Antananarivo a utilisé les huit hélicoptères loués pour sa campagne, ses véhicules et surtout des centaines de partisans pour récupérer les procès-verbaux dans un maximum de bureaux de vote sur tout le territoire. Le tout parvenait dans un poste central installé dans le siège de campagne de Marc Ravalomanana. Les résultats ainsi collectés, étaient constamment publiés, par voie de presse ou sur Internet. Aujourd’hui, près de 16 000 procès-verbaux ont été visés par le camp Ravalomanana. Et ils font apparaître des résultats différents de ceux du ministère de l’Intérieur. Selon Tiako i Madagasikara, l’association créée par le maire d’Antananarivo pour cette élection, Marc Ravalomanana obtiendrait près de 52% des suffrages. Il serait donc vainqueur de l’élection dès le premier tour.
Qui dit vrai ? Difficile à dire. De part et d’autres, on s’accuse de manipulation des chiffres. Du côté du président sortant, on se fie aux résultats du ministère tout en affirmant posséder des preuves selon lesquelles Marc Ravalomanana aurait triché massivement dans la capitale. Du côté du maire d’Antananarivo, on n’accorde aucun crédit aux chiffres présentés par les autorités, et dans le même temps, on estime que Didier Ratsiraka aurait fraudé dans le reste du pays.
Entre les deux, les observateurs indépendants, réunis depuis plusieurs semaines dans un consortium. Ces observateurs, soutenus financièrement par plusieurs pays étrangers, se sont engagés à sortir leurs propres résultats, à partir des procès-verbaux établis dans chaque bureau de vote. Et ce, dans la plus grande transparence. Mais visiblement, le travail de ce consortium prend davantage de temps que prévu.
Dans cette guerre des chiffres, personne ne veut s’avouer vaincu. Et c’est pour essayer de débloquer la situation qu’un nouvel acteur est entré en scène, ces derniers jours: le conseil des églises chrétiennes. Les responsables catholiques et protestants, très influents à Madagascar, avancent leur autorité morale en guise de garantie de neutralité. Ils ont ainsi invité les candidats et les observateurs à s’asseoir autour d’une même table pour comparer leurs résultats. Simplement, trois des six candidats, dont Didier Ratsiraka, n’ont pas répondu à l’invitation. Ce qui, évidemment, limite la portée de l’initiative chrétienne.
De toutes les manières, sur le plan juridique et légal, seule la Haute cour constitutionnelle (HCC) est habilitée à prononcer des résultats officiels et définitifs. Cette institution, composée de neuf magistrats, dispose pour cela de vingt jours, à compter de la réception du dernier pli émanant des commissions de recensement matériel des votes (article 109 du Code électoral). Un délai qui lui permet également de statuer sur les éventuelles requêtes, réclamations et contestations déposées par les candidats, les observateurs indépendants et même les électeurs. A ce jour, une vingtaine de requêtes ont été transmises à la HCC.
par Olivier Péguy
Article publié le 31/12/2001