Zimbabwe
Le dernier combat de Mugabe
Malgré son âge avancé, et une santé qu’on dit chancelante, le chef de l’Etat zimbabwéen ne désarme pas. Il vient d’être officiellement désigné candidat aux présidentielles de mars 2002 et conçoit sa campagne comme une «guerre totale» pour la victoire.
Le 4 mars 1980, Robert Mugabe s’adressait pour la première fois aux Zimbabwéens, en tant que premier ministre. Il venait de remporter une victoire écrasante sur le Front Rhodésien, du chef du gouvernement blanc Ian Smith. Le rêve que ce dernier nourrissait d’une colonie blanche où les «noirs n’auraient pas le pouvoir avant un siècle» avait vécu. Le nouvel homme fort du pays prononça alors un discours aux accents réconciliateurs. Il y était question de «forger des socs à partir des épées» pour reconstruire le pays et de la nécessaire concorde entre Noirs et Blancs qui avaient «leur place dans le pays».
Vingt deux ans plus tard, l’ancien guérilleros, devenu entre temps chef de l’Etat, a bien l’intention de conserver son siège à la présidentielle de mars 2002. Mais en s’adressant aux 8000 délégués de son parti, la ZANU-PF (Union nationale africaine du Zimbabwe-Front patriotique), réunis le 15 décembre sur le site touristique de Victoria Falls, il a tenu un langage à l’exacte opposé de celui qu’il avait adopté à son arrivée au pouvoir. Désigné candidat à sa propre succession, Robert Mugabe a comparé sa campagne à une «une guerre totale» et a demandé à ses partisans de se «transformer en soldats». Adepte des métaphores, il a annoncé la création d’un «centre de commandement», pendant les semaines précédent le scrutin, et lancé cet avertissement sans ambiguïté : «quand le temps viendra de tirer la balle, le bulletin de vote, la trajectoire du fusil doit être la bonne.»
Le leader de l’opposition en sursis
Les propos s’adressaient, certes, à un auditoire de partisans. Mais la plupart des observateurs, qui auraient pu naguère douter de la détermination du vieux président, ne se font guère d’illusion. La veille de l’ouverture du congrès du parti dirigeant, le pouvoir a envoyé un message on ne peut plus clair en faisant arrêter le leader de l’opposition, Morgan Tsvangirai. Le président du Mouvement pour le changement démocratique (MDC) a été rapidement relâché, mais il risque une peine maximale de deux ans de prison et une amende de 200 000 dollars zimbabwéens. L’objet du délit ? La possession de talkies-walkies lui servant à communiquer avec ses gardes du corps, qui contreviendrait à la législation sur la radio et les télécommunications.
Dans l’entourage de Morgan Tsvangirai, on rétorque qu’il sera candidat, même du fonds d’une cellule. Et de fait, l’ancien syndicaliste a de très fortes chances de l’emporter, en mars prochain, si le vote se déroule dans la transparence. Après avoir raflé la moitié des sièges aux législatives de juin 2000, malgré une campagne de violence et d’intimidation contre ses militants, le MDC a accumulé les victoires, ces derniers mois, lors de municipales partielles. Bulawayo, la seconde ville du pays, puis Masvingo, dans le sud-est, sont tombés dans son escarcelle. Début décembre, c’était le tour de Chegutu, à 100 kilomètres au sud-ouest de Harare. Tout un symbole, puisque cette petite ville se trouve à quelques kilomètres de Zvimba, la région natale du président. Echaudé, le pouvoir a, selon l’hebdomadaire indépendant Financial Gazette, l’intention de reporter une autre élection partielle prévue en février, dans la capitale, Harare, au vu de sondages donnant l’opposition gagnante.
Agé de 77 ans, Robert Mugabe est apparu fatigué, devant ses militants le 15 décembre. Habitué à agrémenter ses déclarations d’amples mouvements des bras ou d’un poing levé rageur, le vieux chef de l’Etat est resté pratiquement immobile. La rumeur le veut malade. Mais il semble plus décidé que jamais à tout faire pour conserver son fauteuil. Début décembre, le vieux dirigeant a refusé la présence au Zimbabwe d’observateurs de l’Union européenne, lors du scrutin du mois de mars. Dans le même temps, plusieurs journaux locaux affirment que des militants de choc reçoivent un entraînement quasi-militaire, depuis plusieurs mois, laissant craindre de nouvelles violences contre les membres de l’opposition. Le gouvernement vient, par ailleurs, de faire voter une loi restreignant la liberté de la presse. Principal visé, le Daily Mail, le seul quotidien privé, dont les deux responsables ont été arrêtés puis relâchés au mois de novembre. Les journalistes étrangers ont également à nouveau été mis à l’index, avec la publication d’une liste noire sur laquelle six d’entre eux sont accusés «d’aider les terroristes», en l’occurrence les Britanniques, soupçonnés par le pouvoir de vouloir le renverser.
Critiqué par son grand voisin sud-africain, dont le président Thabo Mbeki ne cache plus sa lassitude face aux errements de son homologue zimbabwéen, isolé internationalement, Robert Mugabe cherche malgré tout des appuis. Il en a obtenu de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC), qui vient de renouveler son soutien à la réforme agraire controversée menée par Harare. Parallèlement, le chef de l’Etat a assoupli quelque peu sa position, ce samedi, vis-à-vis de l’Union européenne, en laissant ouverte la possibilité que des observateurs électoraux italiens, français et espagnols se rendent au Zimbabwe. Il faut dire que son ministre des Affaires étrangères, Stan Mudenge, participe ce mardi à une réunion cruciale à Bruxelles. Il entend y convaincre l’Union européenne de ne pas imposer des sanctions à son pays, dont la situation économique déjà catastrophique est aggravée par une très sérieuse sécheresse.
Vingt deux ans plus tard, l’ancien guérilleros, devenu entre temps chef de l’Etat, a bien l’intention de conserver son siège à la présidentielle de mars 2002. Mais en s’adressant aux 8000 délégués de son parti, la ZANU-PF (Union nationale africaine du Zimbabwe-Front patriotique), réunis le 15 décembre sur le site touristique de Victoria Falls, il a tenu un langage à l’exacte opposé de celui qu’il avait adopté à son arrivée au pouvoir. Désigné candidat à sa propre succession, Robert Mugabe a comparé sa campagne à une «une guerre totale» et a demandé à ses partisans de se «transformer en soldats». Adepte des métaphores, il a annoncé la création d’un «centre de commandement», pendant les semaines précédent le scrutin, et lancé cet avertissement sans ambiguïté : «quand le temps viendra de tirer la balle, le bulletin de vote, la trajectoire du fusil doit être la bonne.»
Le leader de l’opposition en sursis
Les propos s’adressaient, certes, à un auditoire de partisans. Mais la plupart des observateurs, qui auraient pu naguère douter de la détermination du vieux président, ne se font guère d’illusion. La veille de l’ouverture du congrès du parti dirigeant, le pouvoir a envoyé un message on ne peut plus clair en faisant arrêter le leader de l’opposition, Morgan Tsvangirai. Le président du Mouvement pour le changement démocratique (MDC) a été rapidement relâché, mais il risque une peine maximale de deux ans de prison et une amende de 200 000 dollars zimbabwéens. L’objet du délit ? La possession de talkies-walkies lui servant à communiquer avec ses gardes du corps, qui contreviendrait à la législation sur la radio et les télécommunications.
Dans l’entourage de Morgan Tsvangirai, on rétorque qu’il sera candidat, même du fonds d’une cellule. Et de fait, l’ancien syndicaliste a de très fortes chances de l’emporter, en mars prochain, si le vote se déroule dans la transparence. Après avoir raflé la moitié des sièges aux législatives de juin 2000, malgré une campagne de violence et d’intimidation contre ses militants, le MDC a accumulé les victoires, ces derniers mois, lors de municipales partielles. Bulawayo, la seconde ville du pays, puis Masvingo, dans le sud-est, sont tombés dans son escarcelle. Début décembre, c’était le tour de Chegutu, à 100 kilomètres au sud-ouest de Harare. Tout un symbole, puisque cette petite ville se trouve à quelques kilomètres de Zvimba, la région natale du président. Echaudé, le pouvoir a, selon l’hebdomadaire indépendant Financial Gazette, l’intention de reporter une autre élection partielle prévue en février, dans la capitale, Harare, au vu de sondages donnant l’opposition gagnante.
Agé de 77 ans, Robert Mugabe est apparu fatigué, devant ses militants le 15 décembre. Habitué à agrémenter ses déclarations d’amples mouvements des bras ou d’un poing levé rageur, le vieux chef de l’Etat est resté pratiquement immobile. La rumeur le veut malade. Mais il semble plus décidé que jamais à tout faire pour conserver son fauteuil. Début décembre, le vieux dirigeant a refusé la présence au Zimbabwe d’observateurs de l’Union européenne, lors du scrutin du mois de mars. Dans le même temps, plusieurs journaux locaux affirment que des militants de choc reçoivent un entraînement quasi-militaire, depuis plusieurs mois, laissant craindre de nouvelles violences contre les membres de l’opposition. Le gouvernement vient, par ailleurs, de faire voter une loi restreignant la liberté de la presse. Principal visé, le Daily Mail, le seul quotidien privé, dont les deux responsables ont été arrêtés puis relâchés au mois de novembre. Les journalistes étrangers ont également à nouveau été mis à l’index, avec la publication d’une liste noire sur laquelle six d’entre eux sont accusés «d’aider les terroristes», en l’occurrence les Britanniques, soupçonnés par le pouvoir de vouloir le renverser.
Critiqué par son grand voisin sud-africain, dont le président Thabo Mbeki ne cache plus sa lassitude face aux errements de son homologue zimbabwéen, isolé internationalement, Robert Mugabe cherche malgré tout des appuis. Il en a obtenu de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC), qui vient de renouveler son soutien à la réforme agraire controversée menée par Harare. Parallèlement, le chef de l’Etat a assoupli quelque peu sa position, ce samedi, vis-à-vis de l’Union européenne, en laissant ouverte la possibilité que des observateurs électoraux italiens, français et espagnols se rendent au Zimbabwe. Il faut dire que son ministre des Affaires étrangères, Stan Mudenge, participe ce mardi à une réunion cruciale à Bruxelles. Il entend y convaincre l’Union européenne de ne pas imposer des sanctions à son pays, dont la situation économique déjà catastrophique est aggravée par une très sérieuse sécheresse.
par Christophe Champin
Article publié le 18/12/2001