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Justice

La loi de présomption d'innocence corrigée

Le gouvernement français a décidé de modifier la loi de présomption d'innocence à partir des conclusions du rapport du député socialiste Julien Dray. Le Premier ministre veut ainsi apporter des ajustements à une loi qui a cristallisé le malaise des policiers et des gendarmes, il y a quelques semaines.
Lionel Jospin avait prévenu, le 19 décembre dernier lors de la remise du rapport du député socialiste Julien Dray sur la loi Guigou, que le gouvernement allait «tirer très rapidement les conséquences des propositions». Il a tenu promesse. Le Premier ministre français va donc annoncer, le 8 janvier après consultation de la majorité plurielle, la modification du texte en deux phases : une proposition de loi - initiative d’origine parlementaire qui ne nécessite pas de passage devant le Conseil d’Etat ni en Conseil des ministres et donc qui est plus rapide qu’un projet de loi d’origine gouvernementale - et une circulaire. Ces deux procédés vont s’efforcer de régler les problèmes d’application de la loi dont se plaignent, depuis son application le 1er janvier 2001, policiers et gendarmes. A quatre mois du premier tour de la présidentielle, le chef du gouvernement espère que cette proposition sera adoptée définitivement avant le 22 février prochain, date de la suspension des travaux parlementaires.

Cette réforme pour les uns ou toilettage pour d’autres prendra donc la forme d’une proposition de loi visant à modifier cinq points de la loi de présomption d’innocence. Concrètement, le nouveau texte devrait permettre la garde à vue de témoins et l’assouplissement des dispositions prévues dans la loi sur la première heure de garde à vue en les étendant jusqu’à la troisième heure. La présence d’un avocat, dès la première heure, ne serait pas remise en cause. La proposition de loi prévoit aussi la possibilité pour le Parquet de faire appel des décisions d’acquittement en cour d’assises. En outre, le texte permettrait la mise en détention provisoire des réitérants, c’est-à-dire des personnes commettant un délit alors qu’elles sont placés sous contrôle judiciaire. Enfin, le texte prévoit de faire en sorte que le prévenu avertisse, dès sa présentation devant le juge d’instruction, qu’il détient l’autorité parentale. Quant à la circulaire, elle pourrait notamment modifier la formulation du droit à ne pas répondre aux questions des enquêteurs afin, au contraire, d’encourager le suspect à parler en insistant sur les risques encourus s’ils gardent le silence.

Une rentrée parlementaire mouvementée

Toutes ces décisions ont été prises, ce mardi matin, lors du petit déjeuner hebdomadaire des principaux dirigeants socialistes autour du Premier ministre. Une réunion élargie pour l’occasion aux ministres de l’Intérieur, Daniel Vaillant, de la Justice, Marylise Lebranchu ainsi qu’à Julien Dray, auteur du rapport mais aussi à Bernard Roman, président de la commission des lois à l’Assemblée nationale. Jean-Marc Ayrault, président du groupe PS à l’Assemblée, a confirmé que les députés socialistes déposeraient «dans les heures qui viennent» une proposition de loi qui «prendra en compte les éléments d’ajustements qui ne peuvent pas être contenus dans une simple circulaire». Valéry Turcey, le président de l’Union syndicale des magistrats, a affirmé : «réformer sur la base du rapport Dray est une bonne chose mais ça ne résoudra pas tous les problèmes, car ce rapport est essentiellement axé sur la phase policière». Une position que ne partage pas le Syndicat de la magistrature qui s’est déclaré «consterné par l’orientation que prend le gouvernement pour casser ce texte alors que c’est une loi qui a mis 20 ans à émerger». «Revenir sur ce texte constitue un recul» a estimé le secrétaire général Ulrich Schalchli. Quant au Syndicat national des officiers de police, il a fait part de sa satisfaction tout en indiquant qu'il restait mobilisé et vigilant.

Outre cette toilette du texte sur la présomption d’innocence, le gouvernement va être confronté jusqu’au 22 février, à une kyrielle de travaux parlementaires sensibles : la politique de l’eau - projet dont l’opportunité avait suscité un débat entre les Verts et les socialistes peu enclins à aborder le sujet avant les échéances électorales -, l’indemnisation des handicapés congénitaux et le conventionnement des professions de santé.



par Clarisse  Vernhes

Article publié le 08/01/2002