Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Congo démocratique

La guerre entre rebelles

Massacres interethniques, luttes de factions, attaques de résistants Mai Mai : Les régions occupées par l’Ouganda dans le nord-est de la République Démocratique du Congo sont de nouveau en proie à la violence alors que se profile à l’horizon la reprise du dialogue inter congolais en Afrique du Sud.
De notre correspondant en Ouganda

Convoqués par l’armée ougandaise à Kampala, les principaux responsables du RCD-Kisangani ont une mine défaite. «Nous ne comprenons pas ce qu’il nous arrive. Nous ne pouvons plus faire confiance en personne», se lamente Jean Louis Kyaviro, le porte-parole de ce mouvement armé qui administre les territoires du Congo Démocratique adjacents avec l’Ouganda.

Depuis le mois dernier, les hommes du RCD-Kisangani on dû reculer sur plusieurs centaines de kilomètres dans le nord de la République Démocratique du Congo (RDC), devant une offensive menée par le Mouvement de Libération du Congo (MLC) de Jean Pierre Bemba. Cette offensive a surpris le RCD-Kisangani qui ne s’attendait pas à être attaqué par ce mouvement frère.

Il est vrai que ces derniers mois, les alliances ont changé: le défunt RCD-Kisangani dont le président, Wamba dia Wamba était en exil à Dar es Salaam a été ressuscité en novembre dernier par le chef d’état-major ougandais, le général Kazizi, qui a confié la direction du mouvement à Mbusa Nyamwisi, une jeune et ambitieux Nande qui ressemble aux tableaux de Napoléon Bonaparte, tout au moins pour sa taille.

Furieux de perdre son pouvoir sur les plus riches parties des territoires occupés, craignant d’être marginalisé par cette nouvelle répartition administrative, Jean Pierre Bemba s’est alors rapproché de Kigali. Depuis, l’une de ses obsessions est de chasser Mbusa Nyamwisi des territoires qui furent brièvement ceux du Front de Libération du Congo, qui rassemblait tous les mouvements armés par l’Ouganda en RDC.

Le RCD-Kisangani perd du terrain

Depuis la fin décembre, le MLC a pris Isiro et Watsa, vers les frontières du Soudan et de l’Ouganda. Il s’agit de véritables défaites pour le RCD-Kisangani qui perd ainsi son unique aéroport de calibre international et la main mise sur plusieurs mines d’or. A Gbadolite, Jean Pierre Bemba affirme ne pas s’être engagé dans des conquêtes territoriales. Un groupuscule, le RCD National de Roger Lumbala, cherche à en assumer seul la responsabilité.

«J’ai décidé de libérer les territoires du RCD-Kisangani», assure Roger Lumbala depuis sa valise satellitaire, quelque part en RDC. Une affirmation qui fait beaucoup rire Shaban Bantariza, le porte-parole de l’armée ougandaise: «Depuis la libéralisation politique en RDC au début des années 90, chaque Congolais prétend représenter un parti», s’étonne-t-il.

«Il s’agit d’une lutte de factions entre Congolais. Tant que les combats restent éloignés de notre frontière, ils ne nous concernent pas. Mais s’ils devaient s’approcher de Butembo, de Bunia ou de Béni, cela deviendrait pour nous une question de sécurité intérieure et nous serions amenés à réagir», menace-t-il. Confirmant les craintes du colonel Bantariza, la ville de Butembo a été attaquée le 12 janvier par des centaines de résistants Mai Mai, poussant l’armée ougandaise à intervenir. Il y a eu des dizaines de morts de part est d’autres selon la presse de Kampala.

Il existe peut-être un lien entre cette attaque éclair de Butembo et l’offensive du MLC contre les positions du RCD-Kisangani dans le Nord. Les résistants Mai Mai se disent en effet favorables à cette offensive. Ils affirment avoir été «trahis» par Mbusa Nyamwisi.

Mbusa Nyamwisi est confronté en outre à une résurgence des combats interethnique dans la région de l’Ituri, où l’armée ougandaise soutient une minorité de cadres hémas, proches du régime de Kampala. Craignant d’être effacé par ces violences qui se généralisent, le RCD Kisangani accuse le Rwanda d’être directement impliqué dans la prise d’Isiro.

L’Ouganda qui semblait jusqu’à présent déterminé à quitter la RDC va-t-elle devoir se redéployer ? Si elle devait le faire ce ne serait plus pour faire pression sur Kinshasa mais pour protéger ses frontières d’une éventuelle avancée du MLC et du Rwanda. En effet, les relations entre Kampala et Kinshasa deviennent excellentes: Lors de sa récente visite à Luanda, le ministre de la Défense ougandais, Amama Mbabazi a appelé au «rétablissement de liens privilégiés avec Kinshasa». Le Rwanda risque dès lors d’apparaître comme le dernier pays toujours déterminé à occuper la RDC.



par Gabriel  Kahn

Article publié le 15/01/2002