Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Congo démocratique

Après l’éruption, l’urgence humanitaire

Démunis de tout, les habitants de Goma commencent à regagner leur ville en partie dévastée par l’irruption du volcan Nyiragongo. Sur place la rébellion qui tient la ville n’entend pas perdre le contrôle de la situation.
De notre envoyé spécial à Goma

Goma semble avoir été piétinée par un monstre. Plusieurs quartiers ont totalement disparus sous un mètre de lave, notamment le centre-ville, ainsi que la cathédrale, et une partie de l’aéroport. Les larges coulées de laves qui ont coupé en trois la ville de Goma, dans l’est de la République démocratique du Congo, se sont presque figées depuis samedi. Cependant, les secousses sismiques se poursuivent et de la lave continue d’être éjectée du flan du Nyiragongo dont le cratère disparaît sous les nuages et les vapeurs toxiques. La lave continue donc de déverser son flot de feu dans le lac Kivu d’où s’échappent de longues volutes de fumée.

Les risques d’une nouvelle irruption, encore plus puissante que la première ne sont pourtant pas exclus selon les analyses de plusieurs experts dépêchés samedi sur les lieux depuis Genève. Le principal cratère du Nyiragongo est en effet toujours plein de lave bouillante.

Les habitants de Goma commencent à revenir en ville. Les plus chanceux retrouvent leur propriété intacte, mais beaucoup ne retrouvent rien, sauf des cendres. Des milliers de personnes ont commencé à franchir en courant l’une des coulées de laves, impatientes de retrouver de l’autre côté, leurs proches et éventuellement leurs biens. Il s’agit d’une course éperdue sur une lave encore brûlante.

Dans la ville voisine de Gisenyi, au Rwanda, ceux qui ont perdu espoir dorment depuis trois jours dans les églises, les écoles, ou sous les porches sans recevoir aucun secours. Les premières distributions de vivres ont commencé samedi après-midi à l’initiative du programme alimentaire mondial (PAM) qui a envoyé sur place sa déléguée régionale, Judith Lewis. «Nous avons survolé la région, environ 60% de Goma est totalement dévasté. On estime qu’environ 300 000 personnes ont été déplacées», explique-t-elle.

Comme d’autres représentants humanitaires, Judith Lewis tente de convaincre les déplacés de rejoindre les deux camps de réfugiés mis en place par les autorités rwandaises à une vingtaine de kilomètres de Gisenyi. Mais depuis 1998 et l’occupation de Goma par l’armée rwandaise, beaucoup d’habitants de Goma se sentent persécutés par le Rwanda. La plupart ont ainsi boudé les premières distributions de biscuits vitaminés du PAM faites au Rwanda et ont repassé la frontière pour rentrer à Goma.

Les troupes des Nations unies offrent de l’essence au rebelles

Goma a été partiellement pillée, notamment les locaux ou logeaient les forces marocaines de la Mission d'observation des Nations unies en RDC (Monuc) qui s’étaient déplacées à Gisenyi le jour de l’éruption. «Nous avons reçu des informations selon lesquelles des hommes du RCD-Goma se trouvaient parmi les pillards» reconnaît le brigadier général Martinelli, l’un des principaux responsables de la Monuc. Pour éviter que leurs stocks d’essence soient siphonnés par ces rebelles armés par le Rwanda et qui tiennent Goma depuis 1998, les Nations unies se sont résolues à leur offrir gratuitement de l’essence.

Mais cette complaisance des Nations unies est jugée comme largement insuffisante par Ruberwa, le secrétaire général du RCD-Goma «Nous avons besoin d’un million de dollars par jour pour venir en aide aux sinistres, sinon, beaucoup vont mourir», a-t-il déclaré samedi aux responsables humanitaire. Dans la rue les habitants dénoncent l’inaction des rebelles. «Ni le Rwanda, ni le RCD-Goma n’ont jamais rien fait pour nous. Nous voulons que les autorités de Kinshasa viennent nous aider», clament-ils en se précipitant sur les micros des journalistes.

A Kinshasa, le gouvernement de Joseph Kabila a effectivement annoncé qu’il était en négociation avec les responsables de la Monuc pour examiner les différentes possibilités de transporter sur place une mission composée du ministre de la Sécurité publique et de son homologue de la Santé. Il s’agirait de transporter la mission «le plus près possible de Goma», rapporte l’Agence France Presse. Il est cependant très improbable que le RCD-Goma laisse venir à Kinhasa des représentants d’un pouvoir qu'il combat depuis plus de trois ans et qui a auprès des habitants de Goma une évidente popularité.

La reconstruction de Goma nécessitera évidemment une aide massive de la communauté internationale. Le bras de fer qui oppose Kinshasa à Kigali à propos de la gestion de cette aide semble déjà pencher en faveur du second, dont le régime militaire a déjà largement bénéficié des largesses de la communauté internationale et a la faveur des Etats-Unis. Cependant, la Monuc qui avait une importante base à Goma envisage de déménager à Kisangani, plus a l’est et le RCD Goma compte emboîter le pas. «La Monuc comprend les problèmes de logistique que nous pose la perte de l’aéroport de Goma et la destruction partielle de cette ville» assure Ruberwa.

L’installation de l'état major du RCD-Goma à Kisangani mettrait un point un point final à la démilitarisation de cette ville stratégique qu’est Goma mais elle risque de susciter une forte hostilité de la part des autres pays impliqués dans la guerre en RDC.



par Gabriel  Kahn

Article publié le 20/01/2002