Attentats : la riposte
Controverse sur le statut des prisonniers d’Al Qaïda
Alors que 80 prisonniers capturés en Afghanistan ont déjà été transportés sur la base américaine de Guantanamo, à Cuba, les questions de leurs conditions de détention et du déroulement de leurs procès se posent de plus en plus. Prisonniers de guerre ou pas, peine de mort ou pas ? Les réponses de Washington ne donnent pas satisfaction aux organisations de défense des droits de l’homme. Des délégués du CICR doivent arriver sur place dans les prochaines heures pour vérifier ce qu'il en est excatement.
Trois charters Kandahar-Guantanamo ont été organisés depuis une semaine par les Américains. En tout, 80 prisonniers sont déjà arrivés à Cuba. Ces hommes, soupçonnés d'être des Taliban ou de faire partie du réseau terroriste Al Qaïda, sont les premiers des quelque 445 personnes d'ores et déjà aux mains des forces américaines en Afghanistan, qui doivent être transférées.
Jugés extrêmement dangereux, ils ont fait le voyage de 13000 km dans des avions de l’armée, menottes aux mains, parfois même cagoulés et les pieds enchaînés, chacun étant escorté par deux militaires. Certains auraient été drogués pendant le vol. Les prisonniers ont aussi eu les cheveux coupés et la barbe rasée avant de partir d’Afghanistan. A Guantanamo, ils sont détenus en plein air, dans des cellules de 4,3 m² aux murs grillagés, entourées de clôtures, de barbelés et de miradors. Ils ont eu droit à des repas définis par les Américains comme «culturellement neutres», pâtes, légumes, cacahuètes, barre chocolatée, céréales sucrées, et bien sûr sans porc. Les prisonniers sont autorisés à pratiquer leur religion. On leur a d’ailleurs distribué un coran et deux serviettes, l’une pour la toilette, l’autre pour la prière.
Concernant le statut des prisonniers, Donald Rumsfeld, le secrétaire américain à la Défense, a précisé qu’ils s’agissait de «combattants illégaux… qui n’ont aucun droit dans le cadre de la convention de Genève», ajoutant que les Etats-Unis avaient l’intention des les traiter «d’une manière raisonnablement conforme» à cette convention. Ils ne sont donc pas considérés comme prisonniers de guerre et ne sont pas autorisés à consulter un avocat. Par contre, ils ont accès aux soins médicaux et le Comité international de la Croix Rouge (CICR) est autorisé à leur rendre visite. D’autre part, la base de Guantanamo n’étant pas située sur le territoire américain, ils ne peuvent pas non plus bénéficier des droits prévus par la constitution nationale. Ils se trouvent dans une sorte de no man’s land juridique, ce qui pourrait, selon les associations, entraîner des dérapages quant à l’équité de leurs procès à venir. D’autant plus que ceux-ci devraient être organisés par des tribunaux militaires d’exception.
«D’une manière raisonnablement conforme à la convention de Genève…»
Face à la satisfaction publiquement affichée par les Américains, résumée par les déclarations du porte-parole de la Maison Blanche, Ari Fleischer, qui a affirmé que le président était «très satisfait du traitement accordé aux prisonniers», le jugeant «humain», d’autres responsables ont appelé au respect des conventions internationales. Mary Robinson, haut commissaire aux droits de l’homme des Nations unies, a ainsi rappelé que «toutes les personnes détenues dans ce contexte ont droit à la protection des droits de l’homme internationaux et du droit humanitaire international notamment aux dispositions pertinentes du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et des conventions de Genève de 1949» mais aussi qu’ils «doivent être traités avec humanité».
Pour Amnesty international, en cas de litige sur le statut des prisonniers, c’est «un tribunal compétent… indépendant, respectant les droits de la défense» qui doit trancher. Ni Donald Rumsfeld, ni aucun autre membre du gouvernement américain ne sont habilités à le faire. L’association a aussi rappelé qu’infliger «des traitement dégradants à des prisonniers constitue une violation flagrante du droit international». La Fédération internationale des ligues des droits de l’homme s’est, quant à elle, inquiétée de la mise en place de «commissions militaires» pour juger les prisonniers et de leur capacité à respecter les droits de l’accusé, comme celui de la présomption d’innocence. Elle a aussi insisté sur la nécessité que «la justice l’emporte sur la vengeance».
Même le gouvernement britannique, pourtant le plus ferme allié des Etats-Unis, a interpellé les Américains sur l’organisation de la détention et du jugement des prisonniers capturés en Afghanistan. Aucune information officielle sur leurs identités n’a été diffusée mais il semblerait qu’au moins trois d’entre eux soient originaires de Grande-Bretagne. Jack Straw, le ministre des Affaires étrangères, a donc pris contact avec son homologue américain, Colin Powell, pour s’informer sur le respect des droits des prisonniers et demander des assurances sur le fait que la peine de mort ne leur serait pas appliquée. Les Britanniques rejoignent ainsi les préoccupations des associations pour lesquelles, il est nécessaire de savoir sous quels chefs d’inculpation, les prisonniers seront jugés et s’ils seront passibles de la peine capitale, encore en vigueur aux Etats-Unis. L’enjeu de ce débat est de taille, il s’agit de la crédibilité morale du pays le plus puissant de la planète.
Ecouter Reed Brody, directeur adjoint de Human Rights Watch. Il revient sur le traitement des prisonniers afghans détenus sur la base de Guantanamo Bay à Cuba.
(L'Invité du matin, Arnaud Ponthus, 17/01/2002, 6'50")
Jugés extrêmement dangereux, ils ont fait le voyage de 13000 km dans des avions de l’armée, menottes aux mains, parfois même cagoulés et les pieds enchaînés, chacun étant escorté par deux militaires. Certains auraient été drogués pendant le vol. Les prisonniers ont aussi eu les cheveux coupés et la barbe rasée avant de partir d’Afghanistan. A Guantanamo, ils sont détenus en plein air, dans des cellules de 4,3 m² aux murs grillagés, entourées de clôtures, de barbelés et de miradors. Ils ont eu droit à des repas définis par les Américains comme «culturellement neutres», pâtes, légumes, cacahuètes, barre chocolatée, céréales sucrées, et bien sûr sans porc. Les prisonniers sont autorisés à pratiquer leur religion. On leur a d’ailleurs distribué un coran et deux serviettes, l’une pour la toilette, l’autre pour la prière.
Concernant le statut des prisonniers, Donald Rumsfeld, le secrétaire américain à la Défense, a précisé qu’ils s’agissait de «combattants illégaux… qui n’ont aucun droit dans le cadre de la convention de Genève», ajoutant que les Etats-Unis avaient l’intention des les traiter «d’une manière raisonnablement conforme» à cette convention. Ils ne sont donc pas considérés comme prisonniers de guerre et ne sont pas autorisés à consulter un avocat. Par contre, ils ont accès aux soins médicaux et le Comité international de la Croix Rouge (CICR) est autorisé à leur rendre visite. D’autre part, la base de Guantanamo n’étant pas située sur le territoire américain, ils ne peuvent pas non plus bénéficier des droits prévus par la constitution nationale. Ils se trouvent dans une sorte de no man’s land juridique, ce qui pourrait, selon les associations, entraîner des dérapages quant à l’équité de leurs procès à venir. D’autant plus que ceux-ci devraient être organisés par des tribunaux militaires d’exception.
«D’une manière raisonnablement conforme à la convention de Genève…»
Face à la satisfaction publiquement affichée par les Américains, résumée par les déclarations du porte-parole de la Maison Blanche, Ari Fleischer, qui a affirmé que le président était «très satisfait du traitement accordé aux prisonniers», le jugeant «humain», d’autres responsables ont appelé au respect des conventions internationales. Mary Robinson, haut commissaire aux droits de l’homme des Nations unies, a ainsi rappelé que «toutes les personnes détenues dans ce contexte ont droit à la protection des droits de l’homme internationaux et du droit humanitaire international notamment aux dispositions pertinentes du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et des conventions de Genève de 1949» mais aussi qu’ils «doivent être traités avec humanité».
Pour Amnesty international, en cas de litige sur le statut des prisonniers, c’est «un tribunal compétent… indépendant, respectant les droits de la défense» qui doit trancher. Ni Donald Rumsfeld, ni aucun autre membre du gouvernement américain ne sont habilités à le faire. L’association a aussi rappelé qu’infliger «des traitement dégradants à des prisonniers constitue une violation flagrante du droit international». La Fédération internationale des ligues des droits de l’homme s’est, quant à elle, inquiétée de la mise en place de «commissions militaires» pour juger les prisonniers et de leur capacité à respecter les droits de l’accusé, comme celui de la présomption d’innocence. Elle a aussi insisté sur la nécessité que «la justice l’emporte sur la vengeance».
Même le gouvernement britannique, pourtant le plus ferme allié des Etats-Unis, a interpellé les Américains sur l’organisation de la détention et du jugement des prisonniers capturés en Afghanistan. Aucune information officielle sur leurs identités n’a été diffusée mais il semblerait qu’au moins trois d’entre eux soient originaires de Grande-Bretagne. Jack Straw, le ministre des Affaires étrangères, a donc pris contact avec son homologue américain, Colin Powell, pour s’informer sur le respect des droits des prisonniers et demander des assurances sur le fait que la peine de mort ne leur serait pas appliquée. Les Britanniques rejoignent ainsi les préoccupations des associations pour lesquelles, il est nécessaire de savoir sous quels chefs d’inculpation, les prisonniers seront jugés et s’ils seront passibles de la peine capitale, encore en vigueur aux Etats-Unis. L’enjeu de ce débat est de taille, il s’agit de la crédibilité morale du pays le plus puissant de la planète.
Ecouter Reed Brody, directeur adjoint de Human Rights Watch. Il revient sur le traitement des prisonniers afghans détenus sur la base de Guantanamo Bay à Cuba.
(L'Invité du matin, Arnaud Ponthus, 17/01/2002, 6'50")
par Valérie Gas
Article publié le 17/01/2002