Monnaie unique européenne
Les Balkans à l’heure de l’euro
Dans toute l’ex-Yougoslavie, l’euro est désormais partout accepté comme moyen de paiement mais la monnaie est le plus souvent rendue en deutschemark. Malgré les engagements des autorités bancaires, notamment au Monténégro et au Kosovo, deux territoires où seule la monnaie allemande avait cours et qui estiment donc être automatiquement entrés dans la zone euro, les espèces semblent cruellement faire défaut.
De notre correspondant dans les Balkans
La Banque centrale du Monténégro, qui n’entretient plus aucun lien avec la Banque centrale yougoslave, avait assuré que toutes les dispositions avaient été prises pour satisfaire les besoins du pays en euros, mais la seule nuit du 31 décembre au 1er janvier, les trois agences bancaires restées ouvertes ont changé plus d’un million d’euros. La situation semble encore plus critique au Kosovo, où les consommateurs étrangers sont les seuls à injecter un peu d’euros dans les circuits commerciaux. Dès lors, une inquiétude commence à poindre : que se passera-t-il lorsque le deutschemark cessera d’avoir cours légal, le 28 février prochain ? Les – très nombreux – employés locaux des agences internationales au Kosovo devraient cependant bientôt toucher leurs premiers salaires en euros.
«Plus de 180 millions de deutschemark ont été changés en euros depuis le début de l’année en Serbie», a annoncé vendredi le gouverneur de la Banque centrale yougoslave, Mladjan Dinkic. En Serbie, si le dinar yougoslave reste monnaie légale, les citoyens, échaudés par les faillites bancaires du début des années 1990, ont pris l’habitude de conserver toutes leurs économies en espèces et en DM. Le gouverneur Dinkic s’attend à ce que les citoyens serbes changent au total entre trois et cinq milliards de deutschemark. La demande d’euros risque donc de s’amplifier rapidement dans les semaines à venir.
Les citoyens préfèrent les réseaux parallèles
Les banques d’ex-Yougoslavie espéraient toutes que le passage à l’euro dirigerait vers leurs établissements une part de l’épargne cachée des particuliers. Dans le même temps, des limites ont été posées : les particuliers ne peuvent changer que 5000 deutschemarks au Monténégro, les sommes dépassant ce montant devant être créditées sur des comptes bancaires. Comme toujours, les citoyens préfèrent pourtant avoir recours aux réseaux parallèles. La semaine dernière, un ressortissant allemand a été arrêté en Macédoine en possession de plus de 300 000 deutschemarks. Une belle fortune est encore une fois promise aux changeurs au noir.
Dans le cas du Monténégro, le passage à l’euro intervient alors que des discussions ont repris entre les dirigeants indépendantistes de la petite république et les autorités fédérales yougoslaves. Si une «nouvelle union» devait voir le jour entre la Serbie et le Monténégro, le futur Etat (con)fédéral conserverait un minimum de compétences régaliennes, parmi lesquelles la politique monétaire, ce qui voudrait dire que les Monténégrins devraient revenir sur l’indépendance monétaire qu’ils ont prise depuis novembre 1999, en abandonnant le dinar fédéral yougoslave au profit du deutschemark. Les autorités de Podgorica affirment exclure un abandon de la «souveraineté monétaire» du Monténégro, mais le gouverneur Dinkic répète que le passage à l’euro au Monténégro ne présente qu’un «caractère semi-privé». Embarrassée, la Banque centrale européenne ne peut nier que d’importantes liquidités en euros ont été fournies au Monténégro tout en voulant privilégier la coopération avec la Banque centrale européenne.
Pour les autorités réformatrices de Belgrade, la normalisation des relations avec le Monténégro représente un enjeu crucial, alors que la Yougoslavie n’en finit pas de faire l’inventaire de ses dettes. Le club de Paris a plusieurs fois réévalué à la baisse la dette yougoslave, mais lorsque le Président fédéral Vojislav Kostunica s’est rendu à Pékin à la fin de la semaine dernière, la Chine n’a pas manqué de lui présenter l’ardoise laissée par son prédécesseur Slobodan Milosevic, qui avait abusé des facilités de crédit chinoises au cours des dernières années de son régime. La politique monétaire du gouverneur Dinkic est également de plus en plus critiquée en Serbie, certains économistes estimant que le dinar – maintenu au taux fixe de 30 pour 1 deutschemark depuis octobre 2000 – est fortement surévaluée pour des raisons politiques, et que cette stratégie obère les possibilités d’exportation de la Serbie. Le triomphe prévisible de l’euro risque cependant de relativiser les efforts du gouverneur Dinkic en vue d’affirmer la souveraineté monétaire yougoslave.
La Banque centrale du Monténégro, qui n’entretient plus aucun lien avec la Banque centrale yougoslave, avait assuré que toutes les dispositions avaient été prises pour satisfaire les besoins du pays en euros, mais la seule nuit du 31 décembre au 1er janvier, les trois agences bancaires restées ouvertes ont changé plus d’un million d’euros. La situation semble encore plus critique au Kosovo, où les consommateurs étrangers sont les seuls à injecter un peu d’euros dans les circuits commerciaux. Dès lors, une inquiétude commence à poindre : que se passera-t-il lorsque le deutschemark cessera d’avoir cours légal, le 28 février prochain ? Les – très nombreux – employés locaux des agences internationales au Kosovo devraient cependant bientôt toucher leurs premiers salaires en euros.
«Plus de 180 millions de deutschemark ont été changés en euros depuis le début de l’année en Serbie», a annoncé vendredi le gouverneur de la Banque centrale yougoslave, Mladjan Dinkic. En Serbie, si le dinar yougoslave reste monnaie légale, les citoyens, échaudés par les faillites bancaires du début des années 1990, ont pris l’habitude de conserver toutes leurs économies en espèces et en DM. Le gouverneur Dinkic s’attend à ce que les citoyens serbes changent au total entre trois et cinq milliards de deutschemark. La demande d’euros risque donc de s’amplifier rapidement dans les semaines à venir.
Les citoyens préfèrent les réseaux parallèles
Les banques d’ex-Yougoslavie espéraient toutes que le passage à l’euro dirigerait vers leurs établissements une part de l’épargne cachée des particuliers. Dans le même temps, des limites ont été posées : les particuliers ne peuvent changer que 5000 deutschemarks au Monténégro, les sommes dépassant ce montant devant être créditées sur des comptes bancaires. Comme toujours, les citoyens préfèrent pourtant avoir recours aux réseaux parallèles. La semaine dernière, un ressortissant allemand a été arrêté en Macédoine en possession de plus de 300 000 deutschemarks. Une belle fortune est encore une fois promise aux changeurs au noir.
Dans le cas du Monténégro, le passage à l’euro intervient alors que des discussions ont repris entre les dirigeants indépendantistes de la petite république et les autorités fédérales yougoslaves. Si une «nouvelle union» devait voir le jour entre la Serbie et le Monténégro, le futur Etat (con)fédéral conserverait un minimum de compétences régaliennes, parmi lesquelles la politique monétaire, ce qui voudrait dire que les Monténégrins devraient revenir sur l’indépendance monétaire qu’ils ont prise depuis novembre 1999, en abandonnant le dinar fédéral yougoslave au profit du deutschemark. Les autorités de Podgorica affirment exclure un abandon de la «souveraineté monétaire» du Monténégro, mais le gouverneur Dinkic répète que le passage à l’euro au Monténégro ne présente qu’un «caractère semi-privé». Embarrassée, la Banque centrale européenne ne peut nier que d’importantes liquidités en euros ont été fournies au Monténégro tout en voulant privilégier la coopération avec la Banque centrale européenne.
Pour les autorités réformatrices de Belgrade, la normalisation des relations avec le Monténégro représente un enjeu crucial, alors que la Yougoslavie n’en finit pas de faire l’inventaire de ses dettes. Le club de Paris a plusieurs fois réévalué à la baisse la dette yougoslave, mais lorsque le Président fédéral Vojislav Kostunica s’est rendu à Pékin à la fin de la semaine dernière, la Chine n’a pas manqué de lui présenter l’ardoise laissée par son prédécesseur Slobodan Milosevic, qui avait abusé des facilités de crédit chinoises au cours des dernières années de son régime. La politique monétaire du gouverneur Dinkic est également de plus en plus critiquée en Serbie, certains économistes estimant que le dinar – maintenu au taux fixe de 30 pour 1 deutschemark depuis octobre 2000 – est fortement surévaluée pour des raisons politiques, et que cette stratégie obère les possibilités d’exportation de la Serbie. Le triomphe prévisible de l’euro risque cependant de relativiser les efforts du gouverneur Dinkic en vue d’affirmer la souveraineté monétaire yougoslave.
par Jean-Arnault Dérens
Article publié le 20/01/2002