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Madagascar

Les résultats officiels... contestés

Les résultats officiels du premier tour de la présidentielle ont été proclamés vendredi. Un deuxième tour est nécessaire pour départager l’opposant Marc Ravalomanana et le président sortant Didier Ratsiraka. Mais le maire d’Antananarivo et ses partisans contestent ces résultats et appellent à une grève générale illimitée.
De notre correspondant à Madagascar

Il aura fallu attendre 40 jours pour obtenir enfin les résultats officiels du premier tour de l’élection présidentielle du 16 décembre. La Haute cour constitutionnelle (HCC) a donc rendu son arrêt, définitif et sans recours, sur le plan légal. La séance de proclamation des résultats s’est déroulée dans un hôtel de luxe de Mantasoa (50 km à l’est de la capitale), là-même où les neuf magistrats étaient retranchés depuis plusieurs jours. Trois heures ont été nécessaires pour la lecture du verdict, à égrener avec précision les chiffres tant attendus. Plus de 6 millions de Malgaches inscrits sur les listes électorales, un taux de participation estimé à 66,65%. Côté résultats, la HCC a placé Marc Ravalomanana en tête avec 46,21% des suffrages, devant Didier Ratsiraka (40,89%). L’ancien président Albert Zafy est crédité de 5,35% des suffrages, 4,22% pour Herizo Razafimahaleo. Le pasteur Daniel Rajakoba et l’industriel Patrick Rajaonary ferment la marche avec respectivement 1,76% et 1,57%. Comme aucun des candidats n’a obtenu la majorité absolue, il faudra donc organiser un deuxième tour pour départager le Maire d’Antananarivo Marc Ravalomanana et le président sortant Didier Ratsiraka. Près de 200 000 voix les séparent.

Les résultats proclamés par la Haute cour sont sensiblement les mêmes que ceux avancés par le ministère de l’Intérieur. La bataille des chiffres aura donc été remportée par le gouvernement, et non par le camp Ravalomanana qui avait collecté ses propres résultats. Selon le comité de soutien du maire de la capitale, Marc Ravalomanana est censé recueillir plus de 52% des suffrages, et par conséquent être élu dès le premier tour. En fait, il n’y a pas eu la fameuse confrontation des documents électoraux qu’exigeaient l’opposition et les observateurs indépendants, ni d’«interprétation commune des résultats» comme le souhaitaient plusieurs ambassades étrangères. Les magistrats de la HCC ont tout simplement rejeté les requêtes juridiques déposées dans ce sens. Tout comme ils ont rejeté la demande de disqualification formulée à l’endroit du président Ratsiraka.

Un second tour d’ici un mois

Satisfaction discrète dans le camp du chef de l’Etat. Cet arrêt de la HCC est «une décision légale, constitutionnelle,» commentait simplement le directeur de campagne de Didier Ratsiraka, Pascal Rakotomavo, à la sortie de l’audience. Et d’ajouter, plus légaliste que jamais : «à mon avis, tous les Malgaches doivent se plier à cette décision.» En revanche dans le camp de Marc Ravalomanana, c’est la déception et la frustration. «Nous ne sommes pas satisfait de cette décision de la HCC», déclarait Me Francisque Ravony, ancien Premier ministre et un des avocats de Marc Ravalomanana. Et son confrère Me Julien Andriamadison d’ajouter, encore plus amer : «il est inutile d’organiser des élections si on ne veut pas respecter le choix des électeurs, parce qu’autrement, ce sera une mascarade. On a floué tout le monde. Pour moi, c’est un déception juridique et politique. Maintenant je ne sais pas ce que va décider le candidat Ravalomanana.»

Le candidat Ravalomanana, justement ne se trouvait pas à Mantasoa, mais au milieu de ses administrés, dans le centre-ville de la capitale. Près de 300 000 personnes s’étaient rassemblées vendredi avenue de l’Indépendance. Et dès l’annonce des résultats, le maire d’Antananarivo a été catégorique : «je rejette la décision de la HCC». Autrement dit, il refuse l’idée d’un deuxième tour, puisqu’il n’y a pas eu ce qu’il exigeait, à savoir la confrontation des procès-verbaux émanant du scrutin du 16 décembre. Pour le principal candidat de l’opposition, le choix du peuple (en sa faveur, NDLR) n’a pas été respecté. Dans la foule immense rassemblée ce jour-là, le sentiment qui prévaut est un mélange de colère et de frustration. Et si aucun débordement violent n’a éclaté, en revanche, la décision de la HCC a renforcé les convictions des militants pro-Ravalomanana. «Ce ne sont pas les vrais résultats, il y a des trucages... », explique un habitant de la capitale. Il est coupé dans son commentaire par un femme, très remontée : «on s’en fout de la Haute cour. Nous, on va continuer la lutte jusqu’au bout !» La candidature de Marc Ravalomanana a suscité un engouement et un espoir de changement politique ; aussi ses partisans refusent-ils de baisser les bras. Le mouvement continue.

Ce samedi, le chef de file de l’opposition avait donné rendez-vous à ses militants au même endroit : avenue de l’Indépendance. Ils étaient moins nombreux que la veille, mais quand même plusieurs dizaines de milliers de personnes au moins. Marc Ravalomanana persiste dans son rejet catégorique d’un 2ème tour pour la présidentielle. Il accuse à nouveau la HCC et plus généralement le régime en place, de ne pas respecter la volonté populaire. Et il décide de franchir un pas supplémentaire dans la contestation, en appelant à la grève générale illimitée à partir de ce lundi. Pour lui, toutes les voies de négociations ont été explorées. Sans succès. «La patience a ses limites», a-t-il expliqué. Et c’est avec la bénédiction du Conseil des Eglises chrétiennes (FFKM) qu’il a pris cette décision. Le mot d’ordre de grève s’adresse aux travailleurs des secteurs public et privé, dans tout le pays. Un seul objectif : «aller jusqu’au bout pour obtenir la victoire».



par Olivier  Péguy

Article publié le 27/01/2002